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Le blé noir prend du galon

Des fleurs de sarrasin. GEORGES GOBET/AFP

Depuis peu, les cuisiniers comme les gourmets plébiscitent cet ingrédient bio, sain et sans gluten. Un nouveau filon pour les Bretons.LES ADRESSES

Février est le mois traditionnellement dédié aux crêpes. Cela commence par la Chandeleur le 2, se termine avec Mardi gras, le 28. Des fêtes largement célébrées à travers tout le pays où l'on se réjouit de cette coutume gourmande sans ride aucune. Mais les Français raffolent aussi tout au long de l'année de la version salée: les galettes de sarrasin, aussi appelé blé noir. Et si, aujourd'hui, ces dernières connaissent un nouvel engouement, c'est parce que leur farine ne contient pas de gluten, contrairement à celle de froment. Les citadins redécouvrent donc les charmes de la crêperie bretonne, nettoyée de ses Bigoudens et repeinte aux couleurs du diététiquement correct. Au-delà de l'effet mode et santé, il y a aussi, derrière le blé noir, un terroir, des paysans qui se mobilisent pour faire connaître ce produit et des meuniers passionnés, soucieux de faire revivre des moulins abandonnés, avec des techniques de mouture à l'ancienne.

Des graines de blé noir © Gouhoury / Andia.fr/© Gouhoury / Andia.fr

Le blé noir, cet inconnu. Franchement, hormis les Bretons et les Auvergnats qui possèdent les sols ad hoc, à savoir pauvres et acides, propices à sa culture, rares sont ceux qui en ont une idée bien précise! Non, ce n'est pas une graminée comme les autres céréales. Et non, il ne pousse pas en épis comme son homonyme blond! C'est une plante à fleurs annuelles, blanches, aux longues tiges, de la famille des polygonacées telles l'oseille ou la rhubarbe.

Elle est originaire de Mongolie et de Chine, est arrivée en Europe à travers les croisades avant de s'implanter en Bretagne à partir du XVe siècle. Pendant longtemps, ce fut l'aliment de base des foyers armoricains, sous forme de galettes, de bouillies, de pain aussi. Ce fameux pain noir, honni après guerre car symbole de restrictions et de misère, qu'il fallut vite faire oublier au profit de la farine de blé, si blanche, si séduisante.

Miracle aujourd'hui, on redécouvre que les graines de sarrasin sont riches en protéines végétales, qui contiennent tous les acides aminés essentiels, qu'elles concentrent fibres solubles, antioxydants et calcium. Assez pour en faire un grain hautement nutritif, que les diététiciens chérissent, y voyant une nouvelle panacée. Pour l'instant, la production bretonne est encore marginale: 4000 tonnes sur les 15.000 dont elle aurait besoin. Le supplément est donc importé de Chine, d'Ukraine et de Pologne. La Russie, grande consommatrice de sarrasin, garde sa production pour elle. Ce qui n'empêche pas les Petits Poucet du blé noir, comprenez les Bretons, de se rassembler pour dynamiser cette culture, dans un air du temps qui leur est favorable. Depuis une vingtaine d'années, des producteurs et meuniers se sont fédérés à travers l'association Blé Noir Tradition Bretagne pour mettre en avant non seulement la farine qui bénéficie d'une IGP (Indication géographique protégée) mais aussi les crêperies et biscuiteries qui la valorisent.

Ainsi Benoît Lauriou a-t-il restauré en 2008 le moulin de Kériolet, aujourd'hui propriété du Conservatoire du littoral. Installé sur un site sauvage et superbe, à la pointe du Millier, sur la côte nord du cap Sizun, en baie de Douarnenez, ce magnifique moulin à eau, avec grande roue à augets, a repris vie et produit une farine de blé noir d'excellente qualité. Il se visite à l'année, des ateliers pédagogiques pour enfants y sont organisés, sans passéisme aucun mais dans une belle synergie entre la terre et la matière.

Il n'y a pas de problème d'allergie car la farine de froment bio ne contient que son propre gluten, sans aucun rajout

Stéphane Moalic, cultivateur bio

Stéphane Moalic, lui, a repris la ferme familiale à Poullan-sur-Mer, distant d'une trentaine de kilomètres de Quimper. Après avoir travaillé durant trois ans chez un agriculteur-meunier qui produisait ses propres céréales, il a voulu à son tour cultiver local et bio. Il moud en priorité du froment mais aussi du blé noir, de l'épeautre, du seigle et du petit épeautre. Et constate avec satisfaction une demande en progression pour le blé noir. Cela passe bien sûr par quelques figures régionales comme Georges Larnicol, pâtissier-chocolatier quimpérois et Meilleur Ouvrier de France 1993 qui, à la tête d'une grosse vingtaine d'adresses en Bretagne et dans le reste du pays, développe toute une gamme de biscuits au sarrasin, nature, à la cannelle ou au chocolat. Mais aussi par quelques professionnels convaincus. «Il y a même une pizzeria à Douarnenez (86, avenue de la Gare, NDLR) à laquelle je vends du blé noir, reprend Stéphane Moalic. Le patron fait son propre mélange, 50 % froment, 50 % blé noir. Il n'y a pas de problème d'allergie car la farine de froment bio ne contient que son propre gluten, sans aucun rajout.»

Des idées pour faire avancer la cause du blé noir, les Bretons n'en manquent pas. Un exemple? Les «Krips» de Maxime Tanguy, mix de «crêpes» et de «chips». Ces morceaux de galette de blé noir séchés, vendus en sachets, semblent promis à un bel avenir. À Plonéis, aux environs de Quimper toujours, le jeune homme de 26 ans a imaginé ce nouveau produit, bricolé dans le garage familial, qui fait merveille à l'heure de l'apéro. Il est fier là encore de l'élaborer à partir de produits locaux: blé noir bio de Youenn Le Gall à Ergué-Gabéric, beurre de la laiterie quimpéroise Le Gall. Pour l'instant, la gamme ne compte que deux saveurs, nature et au sésame. Mais elle pourrait vite s'étoffer et quitter sa Cornouaille natale pour venir «krisper» le marché parisien.


Variations libres autour d'un thème imposé

Une assiette de betterave en croûte de sel, tuile et crème végétale fermentée . Olivier Marie

Xavier Hamon, à Quimper, est un restaurateur très impliqué dans la toute jeune Alliance Slow Food des chefs France, née en septembre dernier au Salon Terra Madre de Turin. Ses adhérents s'engagent à utiliser en cuisine le plus grand nombre possible de produits locaux «bons, propres et justes», dans le respect de la saisonnalité. Aussi, dans son Comptoir du Théâtre, le chef veille à travailler le porc blanc de l'Ouest, l'agneau des landes de Bretagne, le veau armoricain ou encore, côté poissons, la bonite, le lieu noir ou le tacaud. Si vous lui donnez carte blanche pour des variations autour du blé noir, il vous déroulera façon petites assiettes un feuilleté d'oignons-poireaux, pak choï et lomo iberico de bellota, suivi d'un croustillant, graisse salée au gingembre, d'une betterave en croûte de sel, tuile et crème végétale fermentée, d'un risotto, jus d'huîtres, homard des Glénan, côtes de blettes, épinards et navets, avant de conclure par un exquis dessert à base de courges, glace sarrasin et crumble. Créatif et maîtrisé.

Le Comptoir du Théâtre, pôle culturel Max-Jacob, 4, boulevard Dupleix, 29000 Quimper. Tél.: 02 98 98 00 81.


Moulin de Kériolet

Pour la visite d'un moulin patrimonial en état de marche.

Galettes bretonnes à la farine de blé noir du Moulin de Kériolet dans le Finistère. Jean Daniel Sudres/Jean Daniel Sudres / Voyage Gourmand

29790 Beuzec-Cap-Sizun. Tél.: 02 98 70 04 09

Restaurant Ti-Coz

Pour les produits locaux et le pain perdu au blé noir et lait ribot.

4, rue Hent-Koz 29000 Quimper Nord. Tél.: 02 98 94 50 02

Crêperie Copper J
Pour les galettes à la farine de blé noir bio.

22, rue du Frout, 29000 Quimper. Tél.: 02 98 90 16 65

Où trouver des Krips?

L'Épicerie fine 12, place Terre-au-Duc 29000 Quimper; Tél.: 02 98 10 02 51

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