sur

Mes jobs d’été : Comment j’ai soigné les dauphins

ANTIBES

ANTIBES. Une journée à s’occuper des animaux du Marineland : un boulot prenant, où notre reporter a passé plus de temps à nettoyer des seaux qu’à nourrir les cétacés.

La veille, j’ai rêvé qu’un dauphin m’entraînaît par le fond, tentant de me noyer, parce que je refusais ses avances. Ne vous moquez pas. C’est arrivé au plongeur et vidéaste Michael Maes, en 2012. Et pas qu’à lui. Les dauphins sont réputés pour avoir le sang chaud. C’est donc empreinte d’une légère appréhension que je retrouve à 9 heures du matin, ce 9 juillet, Jon Kershaw, le directeur animalier de Marineland. Nous traversons d’un pas militaire le parc aquatique de 10 hectares fondé en 1970, ponctué de maisonnettes rose bonbon et de palmiers. On se croirait dans un village de Schtroumpfs en Floride. Jon nous emmène au Lagon (Espace VIP), où ne sont admis que les clients qui payent 70 euros pour toucher un dauphin et 39 euros pour gratter le flanc d’une otarie. Aujourd’hui, je suis leur aide-soigneuse. Le job, trente-cinq heures par semaine, est payé au smic. « Le plus dur, ce ne sont pas les animaux, mais les gens, bougonne Jon. Au plus fort de la saison, deux cents à trois cents personnes visitent le Lagon. Pour 70 euros, ils voudraient partir avec l’animal sous le bras ! » Jon me présente à Jean, le responsable, et à son équipe, Alex, Fanny, Joséphine Noé et Éclair me font la révérence au bord d’un des bassins. J’aurai le privilège de les récompenser d’un poisson. « Cela peut prendre plusieurs semaines avant qu’un nouveau ait le droit de leur donner à manger, ça se mérite », m’explique Joséphine. et Malik. Jean a passé vingt-quatre ans au parc, dont seize à nager avec les orques. « Ils ont arrêté il y a quatre ans, à cause du terrible accident aux États-Unis [une soigneuse a été tuée par une orque en 2010, NDLR], explique Jean, ex-plongeur. On s’est rendu compte que l’orque pouvait avoir des réactions dangereuses qu’on n’appréhendait pas. » Il m’emmène dans la « cuisine », un renfoncement de 2 mètres carrés dans un couloir où je vais passer le plus clair de mon temps à nettoyer des seaux et à les remplir de poissons. Au menu, 25 kilos de harengs et de capelans, des espèces riches en eau – ce qui est important pour hydrater les otaries et les dauphins. Alex, titulaire d’une maîtrise de psychologie, me balance un tee-shirt estampillé des logos des sponsors. L’« uniforme » est obligatoire pour circuler à Marineland, où les employés exécutent des formations « smile » afin d’apprendre à sourire aux clients.

« Ah nan, nan, nan ! Tu ne m’aides pas tant que tu ne t’es pas lavé les mains, sourit Joséphine, diplômée en biologie du vivant. Les animaux marins sont très sensibles aux microbes véhiculés par les humains. » Je passerai à la « désinfection » une bonne cinquantaine de fois dans la journée… et mes mains finiront par desquamer. « À mon arrivée, se souvient Jean, il suffisait d’être dégourdi, on te mettait un seau de poissons dans les mains et zou ! Maintenant, tout est très codifié. » Alors que je lave des seaux qui vont servir à une séance avec les « ota » (otaries), je suis stoppée net. Fanny m’indique le protocole de nettoyage : elle saisit l’éponge en Inox et fait des cercles. Je suis trempée par le jet d’eau. Entre deux spectacles, on glisse deux, trois poissons dans les seaux marqués d’une bague de couleur correspondant à l’animal. « On ne réagit pas quand ils ne font pas ce qu’on leur demande et on les récompense quand c’est bien », précise Jean. Le mot-clé, c’est le « gating ». Avant l’arrivée des clients, il faut lever les portes (« gates » en anglais) pour faire passer les animaux d’un bassin à l’autre afin qu’ils se relaient devant le public. Car les séances sont limitées à trois par jour par otarie, et à cinq par dauphin. Au cours de la journée, on en fera une quinzaine.

Lire l’article intégral dans VSD 1926 (du 24 au 30 juillet 2014)