Manuel Valls devrait réviser la loi du 9 décembre 1905


De la question du halal dans les supermarchés à l’affaire du voile de Babyloup en passant par son intransigeance pendant les manif pour tous, Manuel Valls s’est toujours positionné en défenseur de la laïcité. La presse dit même de lui qu’il est partisan d’une « laïcité exigeante ». Malheureusement, les faits, notamment avec sa présence lors de la canonisation de Jean-Paul II, nous ont prouvé le contraire. Même si depuis les attentats de janvier dernier, donnant dans un verbalisme que d’aucuns jugent enlevé, Manuel Valls semblait avoir renoué avec les principes républicains et laïques, son interview sur RTL du 16 février nous a, une fois de plus, montré ses limites en la matière.

Au-delà de la pseudo-polémique sur le terme « islamo-fasciste », ce qui a retenu mon attention est cette surprenante sortie du Premier ministre :

«Il faut former autrement les imams, refuser ces imams qui nous viennent de l’étranger, refuser les financements étrangers, les former dans des universités françaises.»

L’intervieweur lui opposant la loi de 1905, le premier ministre répond :

«On peut trouver des moyens sans toucher à la loi de 1905 […] Bernard Cazeneuve et Najat Vallaud-Belkcacem y travaillent»

L’intervieweur propose alors de les former en Alsace où s’applique le Concordat. Manuel Valls acquiesce partiellement.

« C’est une solution, mais ce n’est pas la seule » 

On tombe des nues. Utiliser le Concordat pour se soustraire à la loi de 1905, c’est donc une piste. Alors même que de nombreuses associations laïques demandent une sortie progressive du régime concordataire, celui-ci deviendrait un outil au service du gouvernement. Un concordat dont usent et abusent de nombreuses communautés religieuses pour s’affranchir du principe de laïcité. On marche sur la tête. D’autre part, refuser des imams sous le prétexte qu’ils viennent de l’étranger supposerait aussi d’interdire tous les autres ministres des cultes (curés, rabbins…) venant de l’étranger. Au nom de quoi ? Au nom de quelle loi ? Mais ce n’est pas tout, refuser les financements étrangers relève de la même logique. Au nom de quoi ? Au nom de quelle loi ? Autant il est possible de contrôler les financements – étrangers ou non – de n’importe quelle association, mais les interdire a priori, cela semble étrange et légalement peu justifiable. Irons-nous jusqu’à contrôler la provenance de l’argent de chaque donateur lors d’une quête ?

La loi de 1905, c’est avant tout la liberté de conscience, donc de croire ou de ne pas croire. L’article 4, même s’il reconnaît implicitement la hiérarchie de l’Eglise, dispose que l’Etat n’a pas à se mêler des affaires internes aux cultes et donc de la formation de ses curés, rabbins et imams… Cela ne regarde pas l’État – la seule chose qui lui importe en la matière est le respect de la loi, de l’ordre public.

Si les prêches de certains imams, curés ou rabbins posent problème, la loi de 1905 est là pour y répondre à travers son article 35 :

« Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. » 

Une application stricte de la loi de 1905 suffit largement au lieu d’inventer encore et toujours des lois qui remettent en cause cette dernière. Derrière le discours de Manuel Valls se cache la volonté d’un pacte avec l’islam de France, un nouveau concordat qui ne dit pas son nom, mais qui n’en reste pas moins, une nouvelle attaque à la laïcité. Manuel Valls, pourtant admirateur de Clemenceau, est au fond néo-concordataire, comme Nicolas Sarkozy – il existe donc bel et bien un bonapartisme de gauche qui ferait frémir jusqu’au « socialo-papalin » Jaurès, trait décoché par le Tigre à l’adresse du député de Carmaux …

 

10 réflexions sur “Manuel Valls devrait réviser la loi du 9 décembre 1905

  1. Bonjour,

    concernant le financement des associations, des lieux cultu(r)els, le recours à des imams venant de l’étranger (dont l’objectif clairement affiché est de resserrer les troupes autour des valeurs du pays d’origine), je vous invite à lire ce billet de Malika Sorel, ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration : http://www.malikasorel.fr/archive/2010/05/26/34b053fbbaf55546f007bd14d56cc23a.html

    Chaque année, de nombreux imams sont envoyés envoyés en Europe pendant la période du ramadan. Nous sommes en droit de nous interroger sur les messages qu’ils transmettent, sachant que nombre d’entre eux n’ont aucune notion ce qu’est la laïcité – l’islam ne fait pas de distinction entre la sphère privée et la sphère publique-, voire de l’égalité entre les êtres humains (homme/femme, musulmans/non musulmans).

    A Saint-Etienne, la grande mosquée est passée sous l’égide du Maroc (http://www.leprogres.fr/loire/2012/09/07/la-mosquee-de-saint-etienne-devient-propriete-du-royaume-du-maroc). Celle de Paris est une antenne algérienne.

    La question du contrôle des financement est cruciale et interdire les fonds des pays qui appuient le fondamentalisme me semble nécessaire.

    Cordialement.

  2.  » La loi de 1905, c’est avant tout la liberté de conscience, donc de croire ou de ne pas croire  »

    Il n’y a pas d’ « avant tout » qui tienne ; la loi du 9 décembre 1905 repose sur trois piliers, liberté de conscience + libre exercice des cultes (article 1) + séparation des cultes et de la République (article 2 ; République = État + départements + communes), trois piliers qu’on ne saurait réduire à un seul, sauf à dénaturer la laïcité.

  3.  » Votre commentaire est en attente de modération.  »

    Je mettrai l’article en lien sur les réseaux sociaux quand mon commentaire (ni raciste, ni sexiste, ni homophobe) aura été publié.

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