Pourquoi Daho résiste au kitsch ?

Pochette de "Blitz" le nouvel album d'Etienne Daho - Pari Dukovic
Pochette de "Blitz" le nouvel album d'Etienne Daho - Pari Dukovic
Pochette de "Blitz" le nouvel album d'Etienne Daho - Pari Dukovic
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Tous médias et toutes chapelles confondus, du populaire au pointu, du rock à la variété, aujourd’hui le onzième album d’Etienne Daho est un événement musical, pas le retour d’une rengaine.

Il a beau avoir été une idole des années 80, vous ne trouverez jamais Etienne Daho dans une croisière avec les tenants des tubes de l’époque, ni au prochain concert Stars 80 de l’U Arena de Nanterre. Et pourtant, à chacune de ses tournées vous entendrez une foule hétéroclite chanter en cœur sur "Week-end à Rome".

Alors comment Daho peut traverser trois décennies en résistant au kitsch ? 

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Le kitsch tel qu’il apparaît au sens moderne en Allemagne dans la deuxième moitié du 19ème siècle c’est faire de nouveaux meubles avec des vieux, c’est de la camelote qu’on refourgue dans les temples de la consommation. Daho, lui, ne nous refourgue rien.     

La première piste pour expliquer cette éternelle jouvence artistique, c’est le lien pour lui indispensable avec la musique qui se fait dans l’époque. En témoigne la participation du groupe « The Unloved » à la production de ce nouvel album, des américains qu’il repère dans le flot des disques sortis en 2016, qui font la synthèse de ce qu’il aime dans les années 60 avec le son d’aujourd’hui. Daho a toujours l’oreille tendue. On le verra dans l’exposition « Daho l’aime pop » qui va s’ouvrir à la Philharmonie de Paris : il fait le lien entre les nouveaux jeunes gens modernes La Femme, Catastrophe ou Flavien Berger, et les Elli et Jacno des Stinky Toys qu’il fréquente dans les années 80, tout en rattachant ce petit monde à Boris Vian ou Françoise Hardy.

Pour Daho la Pop est une maison ouverte, c'est la deuxième clef de son renouvellement. Elle "décloisonne, brasse, métisse, réconcilie les genres et arrache les étiquettes" ce n’est pas moi qui le dit c’est Daho lui même dans le texte qui introduit cette exposition. 

Troisième piste pour expliquer cette capacité à ne jamais finir dans la boutique à souvenir : Daho joue avec son image. Sur la pochette de ce nouvel album « Blitz » il apparaît en casquette de cuir noire cloutée, perfecto et volute de fumée. Une photo façon Brando dans L’équipée de sauvage qui transpire aussi l’érotisme de Querelle de Brest de Genet adapté par Fassbinder. D’idole à icône Daho n’a toujours pas l’intention de se laisser enfermer. C’est pour mieux sans s’en amuser qu’il apparaît en figurine de plastique dans une boule à neige, pour son nouveau clip « Les flocons de l’été ».

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Et que dire quand Daho nous lance cette piste cotonneuse, alors que le reste de l’album vibre de psychédélisme et de textures abrasives ? Si le mot n’était pas épuisé par les marketeurs on pourrait dire que Daho a le sens du disruptif. Ce sera mon ultime explication. Un instinct très sûr pour la tangente qui l'entraîne toujours la où on ne l’attend pas. C’est lui qui impose cette pochette en noir et blanc sur l’album « Paris Ailleurs » contre l’avis de sa maison de disque, et fait un carton. C’est lui qui lance ses singles comme des comètes déconnectées de toute stratégie d’album « Mon manège à moi »  la reprise de Piaf, le « Boomerang » de Gainsbourg avec Dani, ou « Le premier jour du reste de ta vie » autant de succès aussi instantanés qu’instinctifs. Pourtant la cohérence de la galaxie Daho est bien là, chaque album comme une planète en soi, dessiné avec soin, et porté par une voix lactée qui vous tutoie.   

« Toi et moi nous resterons légers face au danger » chante Daho dans "Après le Blitz"

Rester léger face au danger, c'est peut-être ça le secret...

Etienne Daho sera dans dans "À voix nue" pour une série d’entretiens avec Mathieu Conquet à partir du lundi 27 novembre.

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