Didier Migaud, la Cour des comptes et le "magicien"

Le premier président de l'institution a lâché ses coups, mardi, estimant que le redressement des comptes publics était loin d'être acquis.

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Didier Migaud est à la tête de la Cour des comptes depuis 2010.
Didier Migaud est à la tête de la Cour des comptes depuis 2010. © AFP

Temps de lecture : 5 min

Il était en forme, Didier Migaud, ce mardi lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes, en présence du Premier ministre, Bernard Cazeneuve. Le premier président de l'institution a relativisé, une nouvelle fois, le redressement des comptes publics entamé depuis le début du quinquennat. Et il a défendu ses troupes face aux critiques d'ingérence dans les politiques publiques.

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Visiblement, Didier Migaud n'a toujours pas digéré l'avalanche de critiques venues de la majorité fin septembre, après qu'il a jugé « improbable » le retour à 2,7 % de déficit en 2017, l'objectif du gouvernement. « Je m'étonne d'entendre parfois certains, heureusement peu nombreux, reprocher à notre institution ou à celles qui lui sont associées, comme le Haut Conseil des finances publiques, d'excéder les limites d'un mandat qui leur a été confié par la Constitution et la loi elles-mêmes – quand bien même ces limites ont été scrupuleusement observées. Et quand bien même nous ne faisons que nous exprimer à partir et sur l'atteinte d'objectifs que les pouvoirs publics se sont eux-mêmes fixés, a-t-il lancé dans un langage très policé, mais non moins révélateur.

Lire notre article à ce sujet : Fronde à gauche contre le Haut Conseil des finances publiques

Aux « tours de passe-passe du magicien » les magistrats préfèrent « la transparence »

L'ancien président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, nommé par Nicolas Sarkozy à la tête de la Cour des comptes en 2010, est aussi revenu sur la situation des finances publiques à l'approche de la fin du mandat de François Hollande. Et pour bien se faire comprendre, sans être trop explicite, il a utilisé l'arme de l'anecdote.

« Il y a quelques semaines, un magicien est venu animer la fête de Noël des enfants des personnels de la Cour. [...] Ses tours de passe-passe, ses artifices de tous ordres, ses écrans de fumée ont naturellement beaucoup plu aux enfants. Mais sa venue détonnait au Palais Cambon, qui porte partout [...] la représentation de l'une de ses valeurs fondatrices : la transparence. [...] Aux présentations flatteuses [les magistrats] préfèrent les évolutions effectives. [...] Aux élixirs d'alchimiste ils recommandent et continueront de recommander de substituer de vrais remèdes, dont les principes actifs sont plus efficaces et plus durables. »

Mais qui se cache derrière le magicien de Didier Migaud ? Il ne l'a évidemment pas dit, mais il a immédiatement enchaîné : « Le redressement de nos comptes publics est encore loin d'être acquis [...], ce qui tend à nous isoler et à nous affaiblir parmi les États européens. »

En réalité, le Haut Conseil des finances publiques regrette amèrement l'avis du Conseil constitutionnel sur le budget 2017, lequel l'a jugé « sincère », malgré l'avis au vitriol de l'organe de contrôle. De là à penser que la nomination de Laurent Fabius à la tête des sages de la Rue de Montpensier au début de l'année dernière a pesé dans la décision, il n'y a qu'un pas...

« La Cour aura l'occasion de vérifier... »

À Michel Sapin qui s'était réjoui, mardi, que le déficit de l'État ait baissé l'année dernière de 1 milliard d'euros de plus que prévu par la loi de finances rectificative de novembre Didier Migaud s'est donc fait un malin plaisir de rappeler que « la Cour aura l'occasion de vérifier, dans le cadre de son rapport sur l'exécution du budget de l'État, les conditions dans lesquelles ces résultats ont été obtenus ». En 2015, ce rapport avait révélé des techniques pour embellir les comptes…

En attendant, Didier Migaud a relativisé la baisse du déficit de 4,8 % à probablement 3,3 % entre fin 2012 et fin 2016, et il a prévenu qu'elle ne serait plus aussi aisée à l'avenir. D'abord, parce que la baisse des dépenses a été portée à 40 % par la diminution des intérêts de la dette, liée à la politique exceptionnelle de la Banque centrale européenne pour sortir de la crise. « Le risque de voir la charge d'intérêts se mettre à progresser est tout sauf négligeable. Il ne faudra donc plus guère compter sur la diminution de la charge d'intérêts pour ralentir l'évolution de la dépense publique », a-t-il prévenu les candidats à la présidentielle. Ensuite, parce que la France a aussi bénéficié de la baisse de sa contribution au budget de l'Union européenne pour réduire ses dépenses. Ce qui pourrait ne pas durer, notamment après le « Brexit ».

Des dépenses de personnel à la hausse

L'actuelle majorité a aussi relâché la pression sur les dépenses de personnel (revalorisation des carrières, dégel du point d'indice, augmentation des effectifs). « La Cour appelle l'attention sur le fait que l'augmentation de la masse salariale de l'État devrait être équivalente, pour la seule année 2017, au total de l'évolution intervenue entre 2011 et 2016. Cette dynamique s'appliquera également aux collectivités territoriales et aux hôpitaux publics », souligne Didier Migaud.

La France a enfin décidé d'augmenter ses moyens en matière de sécurité (armée, renseignements, forces de l'ordre) alors que l'armée avait jusque-là assumé une grosse part de l'effort. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les candidats à l'élection entendent quasiment tous, à gauche, relâcher les cordons de la bourse.

Pas de « trouble obsessionnel comptable »

À ceux qui l'accuseraient d'être le suppôt de l'austérité Didier Migaud répond par avance. Si la Cour des comptes porte le fer dans la plaie, « ce n'est pas en raison d'un trouble obsessionnel comptable ou d'une myopie qui bornerait [son] horizon en [lui] faisant donner la priorité au redressement présent plutôt qu'aux vertus des investissements pour l'avenir [...], mais au contraire parce qu'elle a un profond souci de l'avenir et que le risque est grand de voir s'affaiblir la capacité de notre pays à arrêter en toute liberté ses choix en matière politique, économique et sociale ».

La prochaine publication du rapport public annuel de l'institution sera l'occasion d'avoir une dernière idée de l'état réel des finances publiques avant la présidentielle. Puis la Cour des comptes produira un « audit général », à l'occasion de son rapport annuel sur l'état des finances, au mois de juin.

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Commentaires (46)

  • ecnasialp

    Il n'est plus socialiste, est reconnu compétent et honnête par la gauche comme la droite.
    Il manque peut-être de charisme ? Et n'a pas envie de faire des meetings ?
    Tant mieux, le don de communication est devenu le rideau de fumée qui dissimule la réalité des comportements. Peut-être pour le prochain mandat ?

  • ubu22

    Avoir décidé d'octroyer à la Cour des comptes, de juger du comportement du Pays en regard des obligations européennes adoptées "majoritairement". C'était ne pas connaître un Mr MIGAUD dont la déontologie est la pierre angulaire de son jugement. Il mérite vraiment l'étole de sa fonction et lui fait honneur.

  • chichiolle

    Je suis surpris que la cour des comptes est survècue à 5 ans de gestion socialiste. 5 ans durant lesquels elle n'a cesser de démontrer la capacité de nuisance de l'Etat socialiste envers le peuple de FRANCE... A priori les oies qui le méritaient sont toutes gavées ; reste à faire le ménage en abattant TOUTES les autres, qui risquent de réclamer leur dû