La courrier amoureux de Madame Chose
Méchantes belles-mères
Collaboration spéciale
Bonjour,
Vous avez déjà évoqué le divorce de vos parents alors je serais très intéressée à lire votre point de vue sur la relation belle-fille et conjointe du père. Non pas du point de vue de la belle-fille mais, si vous pouvez y arriver, du point de vue de la nouvelle conjointe du père qui arrive sans enfant et bien intentionnée envers ses deux enfants à lui.
Donc, je suis une marâtre qui a beaucoup fait pour établir une relation avec la fille de mon chum. Elle ne vit pas avec nous mais disons que sa vie l’a amenée à faire des séjours très prolongés dans la chambre d’invités du sous-sol.
Après huit ans d’efforts pour des résultats minimes, je jette l’éponge. Je n’arrive pas à m’habituer à ce qu’elle ne s’adresse qu’à lui ou bien qu’elle s’impose dès qu’elle le veut, sans jamais demander si elle dérange. Son père a mis des limites à ses comportements princiers mais, depuis, c’est la baboune constante à mon égard. D’ignorée, je suis devenue invisible. Son frère n’est guère mieux. Par exemple, il a donné des cadeaux à tous à Noël sauf à moi, qui ne suis pour lui que la cuisinière.
Ces « adorables » enfants sont dans la mi-vingtaine et volent de leurs propres ailes. Le sujet entre mon conjoint et moi est houleux car il se sent pris entre l’arbre et l’écorce. Il a longtemps trouvé des excuses à sa progéniture, mais il voit bien que, depuis quelques mois, ses descendants m’excluent. J’ai pensé leur parler mais pour leur dire quoi ?
Je ne suis pas de nature conflictuelle et j’adopte spontanément la posture du roseau qui plie mais là, le roseau en a son truck.
Quelle est, selon vous, la meilleure approche dans ce contexte ?
Bien à vous chère dame
La marâtre
Chère marâtre,
Tout d’abord, je suis certaine que marâtre, vous ne l’êtes pas tant que ça. Alors je vous prierais de vous qualifier autrement. Ça serait déjà un bon départ. Vous me demandez de me placer dans la position de la belle-mère et d’ignorer celle de la belle-fille. Je vous avouerai d’emblée que ça ne sera pas facile puisque je n’ai jamais été la belle-mère de personne. J’ai été la belle-fille plus souvent qu’à mon tour, mais j’ai vu plusieurs belles-mères aller. Je vais donc essayer de vous aider au meilleur de mes connaissances. En observant bien les belles-mères de mon entourage, j’ai réussi à les classer dans trois catégories :
C’est celle qui s’investit à fond dans son nouveau rôle en n’essayant pas de remplacer la mère biologique des enfants. Les petiots peuvent compter sur elle pour les pratiques de soccer et le papa peut faire appel à ses talents de pédagogue lorsque le courant entre lui et sa progéniture ne passe pas. La belle-mère parfaite participe activement à la vie de ses enfants adoptifs, mais ne s’impose jamais. Au contraire, ce sont les enfants qui la supplient de les accompagner à leur spectacle de danse ou qui la somment de préparer sa fameuse sauce à spaghetti au tofu.
Avantage : Elle sait déchiffrer les étiquettes nutritionnelles à l’épicerie et est devenue, avec le temps, la meilleure amie et la confidente de la mère biologique des enfants.
Inconvénient : Je n’ai jamais rencontré une belle-mère parfaite en vrai. Pour moi, elle n’existe que dans les films avec Julia Roberts.
En apparence, elle ressemble à la belle-mère parfaite, mais ce n’est qu’une façade. Dès que le père a le dos tourné, elle en profite pour faire des remontrances aux enfants. Manipulatrice, elle essaie par tous les moyens d’éloigner son conjoint de sa marmaille pour pouvoir profiter de moments seule à seul avec lui. C’est une adepte des voyages dans le Sud et elle privilégie toujours les resorts 18 ans et plus. La belle-mère hypocrite a une propension à vouloir transformer la chambre de l’aîné en bureau cinq minutes après que celui-ci soit parti en appartement.
Avantage : Les enfants peuvent faire comme elle et l’envoyer promener dès que leur père s’absente.
Inconvénient : Les enfants peuvent se ramasser dans un obscur pensionnat roumain à tout moment.
C’est la plus redoutée de toutes, celle qui, en cachette, fait manger des de cigarettes aux enfants ou leur fait licher des barres de savon. La belle-mère de Cendrillon déteste les petits humains et fait tout en son pouvoir pour gâcher l’existence de ceux qui lui font l’horreur de partager son existence. Habituellement, le père qui a fait l’erreur de la laisser entrer dans sa vie est obnubilé par sa beauté et sa souplesse. Le pauvre n’a aucune idée des drames qui se jouent dans sa propre maison dès qu’il a le dos tourné.
Avantage : On ne la rencontre habituellement que dans les contes de fées.
Inconvénient : Le savon, c’est indigeste.
Astheure qu’on connaît les sortes de belles-mères, à vous ma chère de savoir dans quel camp vous vous rangez. M’est d’avis que vous ne devez pas être loin de la belle-mère parfaite puisque les deux autres catégories ne sont pour moi que des histoires que les enfants aiment se conter pour se donner des raisons de haïr leur belle-mère. Parce que c’est ça le vrai problème avec les belles-mères, au fond. On veut se trouver des raisons pour les haïr parce qu’on est frustrés que notre mère, la vraie, ait été remplacée par une autre. Je sais, on avait dit qu’on ne parlerait pas de mon expérience de belle-fille, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je pense que la meilleure approche à adopter face aux enfants de votre conjoint serait d’essayer de vous mettre à leur place. Ensuite, même si c’est difficile, faites comme la belle-mère hypocrite et profitez de l’absence de votre conjoint pour avoir une discussion franche avec eux. Dites-leur que vous comprenez ce qu’ils ressentent, mais que vous aimeriez vraiment beaucoup ça qu’ils vous fassent une petite place dans leur vie. Croyez-moi, ça va marcher. C’est le rêve de tous les beaux-fils et de toutes les belles-filles que d’avoir une belle-mère avec qui éplucher des patates ou classer le linge d’hiver dans le garde-robe de cèdre. Ils ne vous le diront jamais par exemple.