Classique expérimental Dans une autre dimension
Un orchestre s’accorde, le public dissipé se prépare au silence… Et le piano entre en jeu. Seul. Le son est décalé, vaguement flou. Comme posé dans un hall de gare. La mélodie, elle, paraît familière. Erik Satie ? Le titre de l’œuvre titille la curiosité : Absolut Communist. Rapidement, on bifurque au jardin le temps de pêcher une Audio Carp tout en retenue minimaliste. Champêtre, surréaliste… Tel un vieux titre du Pink Floyd traversé de vols d’insectes au temps d’ Ummagumma. S’ensuivent les indications d’un GPS humain pour le faux jazz de Chemin de Croix qui mène de « là » à « ici » avec une pointe d’inquiétude, ponctuée de percussions et saluée d’applaudissements.
Trois titres et vous êtes perdu ! Bienvenue chez Gilles Weinzaepflen, alias Toog. L’artiste est né à Mulhouse, installé à Paris. Son champ d’investigation est vaste. Il publie des poèmes, réalise des films… Musicalement, Toog évoque Satie donc, mais pas seulement. Au piano omniprésent s’ajoutent pléthore de collages, qu’ils soient électroniques ou organiques. Passage d’une calèche, bruits de ferme, cour de récréation ou l’écho obsédant de machines non identifiées s’enchaînent. John Cage apparaît en filigrane mais Toog précise : « John Cage n’a rien à voir avec le disque, mis à part son intérêt pour les sons. Il est un symbole plus qu’un modèle. »
On visite finalement volontiers ce dédale meublé de fragments sonores répétitifs. Chaque titre joue sur les mots et les références ( Le Cheval de Jehane, Variation Golden ), tout en respectant un format bref (trois minutes maxi) plutôt que de trop longs discours. Beau et dérangeant, accessible et complexe, cédant à l’autodérision (le disque s’achève entre acclamations et huées), le monde de Toog tourne oblique. Mais l’expérience vaut la peine d’être tentée.
The Prepared Public (Karaoke Kalk)