Rêver l’Amérique
Après les contrées montagneuses de l’Idaho, à la fin de la guerre de Sécession, l’illustrateur de Promise nous transporte dans le New York de la grande dépression, avec le premier volet de Giant.
Avec cet excellent nouveau diptyque – dont l’ultime chapitre paraîtra à l’hiver 2018 –, Mikaël joint les rangs des ambassadeurs de la bande dessinée québécoise sur le vieux continent, aux côtés de Jacques Lamontagne (Shelton & Felter Tome 1), Julie Rocheleu (Betty Boop), Djief Bergeron Les liaisons dangereuses tome 1), Tristan Roulot et Patrick Henaff (Hedge Fund Tome 4) et Jean-Louis Tripp (Extase), dont les travaux embelliront cette copieuse rentrée automnale.
Lunch atop a Skyscraper
Fasciné par New York depuis sa tendre enfance, l’artiste originaire de France cherchait depuis un moment le bon angle afin d’y camper l’action d’un éventuel récit. En 2011, il tombe sur la célèbre photo Lunch atop a Skyscraper. Prise en 1932 par un photographe à ce jour inconnu, on y voit onze ouvriers prenant le petit déjeuner assis sur une poutre à 240 m au-dessus du sol. « Du 69e étage où les hommes se trouvaient, j’ai lentement tiré le fil afin d’en arriver à jeter les fondations de l’histoire de Giant, explique l’artiste joint par téléphone. J’ai découvert que les années 1930 étaient propices à aborder des thèmes contemporains, dont l’instabilité économique, l’immigration. Ayant moi-même migré au Québec, j’avais besoin d’aborder cette question. »
Giant raconte l’histoire de ces hommes venus des quatre coins de l’Europe qui, portés par la promesse d’un avenir meilleur, ont bâti la plus grande ville du continent. À l’ombre de ces géants d’acier s’y profile leur vie, dont celle du héros. Le taciturne poseur de rivets entretient une relation épistolaire avec la veuve d’un camarade mort en fonction, à qui il envoie de l’argent. Cette dernière ignore tout de la combine, croyant correspondre avec son époux.
Trilogie new-yorkaise
Au-delà des protagonistes, que l’auteur anime admirablement, la grosse pomme s’y révèle comme le personnage principal. Son trait vibrant, appuyé par un solide travail de documentation, lui octroie un supplément d’âme. « Je suis allé à la New York Public Library pour y faire mes recherches. J’ai même eu accès aux archives privées du Rockefeller Center, fermées au public », relate-t-il, avec une pointe d’excitation dans la voix. « J’en ai mangé de la référence photo ! »
Un peu à la manière du romancier Paul Auster, Mikaël compte livrer deux autres récits dont l’action sera campée à New York. « Le second volet se déroulera à la même époque, cette fois-ci avec des cireurs de chaussures. Bien qu’indépendantes les unes des autres, ces histoires permettront certains croisements de personnages. »
Loin du scintillant Broadway de Djief Bergeron – collègue de l’atelier Shop à bulles –, dont le second tome est paru l’an dernier aux éditions Soleil, Mikaël aborde la déconstruction du mythe américain avec un enthousiasme contagieux.
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