C’est de la merde. C’est incompréhensible. C’est fabuleux. Mari top ! Probablement, un ancien de la Berklee College of Music, de la National Film and Television School ou de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts n’exprimera pas un avis aussi laconique sur un morceau de musique, un film ou une installation artistique. Faut-il pour autant reléguer l’opinion du quidam au second plan, au seul motif qu’il serait un inculte donnant un avis sur ce qu’il ne comprend pas ? Pourtant, c’est ce qu’il se passe au sujet du festival Porlwi by Nature depuis le milieu de la semaine passée. Maintenant que la Citadelle n’étincelle plus et que les cétacés mystérieux ont regagné les profondeurs océaniques, marchons hors des tranchées d’où se sont battus les pro et anti Porlwi.

Les deux premières éditions du festival avaient établi un format : plein la vue, plein les oreilles, plein la panse, plein les parkings et plein le [petit] commerce. Continuer dans la même direction aurait enfermé les organisateurs, leurs sponsors et les pouvoirs publics dans un piège. Au bout de deux Porlwi by Light au succès populaire indéniable, les créateurs du projet devaient se renouveler. D’abord, en ne cédant pas à la facilité intellectuelle et artistique de rajouter davantage de lumière et de rendez-vous artistiques pour prétendre faire mieux que l’année précédente. A la place, ils ont choisi, avec raison, de montrer autre chose aux festivaliers.

Face à eux, les partenaires de l’évènement – les sponsors d’un côté et les pouvoirs publics de l’autre – ne pouvaient, non plus, encourager la surenchère. Comparé à Porlwi 2015, le deuxième festival avait nécessité Rs 10 millions de financements additionnels. Or, assez tôt cette année, Astrid Dalais a indiqué que le budget de 2017 allait être réduit. Il est évident que face à une inflation de sollicitations, notamment en marge des célébrations des 50 ans de l’indépendance, les mécènes n’ont pas souhaité un Porlwi 3 plus tape-à-l’œil. Ni voulu devenir, de facto, les principaux financiers des coûts d’opération des entreprises culturelles responsables de la conception du festival.

Maintenir la formule passée du festival, en la faisant grandir dans l’espace et le temps aurait aussi contribué à générer son lot de casse-têtes dans la ville. Les deux premières éditions ont démontré que Port-Louis est considérablement paralysée lors du festival. Etonnamment, s’il s’est étalé sur 5 jours, Porlwi 3 a semblé générer moins d’embouteillages mais aussi moins de détritus. Même si on regrettera, au passage, le peu d’intérêt des festivaliers à utiliser les poubelles de tri sélectif placées sur leur parcours. L’un dans l’autre, toutefois, il semble que la municipalité de Port-Louis mais aussi la police ont eu moins de problèmes à gérer cette année-ci.

Les facteurs objectifs évacués, reste le subjectif pur : l’opinion sur le contenu de Porlwi 3. A ce sujet, la polémique fait rage sur les réseaux sociaux et ailleurs. Les anti arborent parfois une véhémence très primaire, voire raciste, envers les organisateurs et leurs mécènes. Ceux qui défendent de manière zélée l’approche artistique de Porlwi by Nature font parfois aussi preuve d’une arrogance intellectuelle et culturelle latente qui pourrait être résumée en une phrase en kreol : pe donn bourik manz lazle.

Des bourik, il y en a aussi, toutefois, parmi les supporters forcenés de la forme actuelle du festival. Ils font penser au petit peuple de la fable «Les habits neufs de l’empereur». Trop intimidés à l’idée de dire qu’ils n’ont pas aimé ou compris le propos de Porlwi by Nature, ils se rangent derrière l’avis de prescripteurs d’opinion qui ont, eux, décrété que le troisième festival est d’une profondeur et d’une richesse inouïes.

C’est dommage toutefois qu’on ne reconnaisse pas une chose en partant de la nature profondément populaire de cet évènement culturel – l’édition 2016 avait accueilli 600 000 personnes selon les organisateurs. Si Porlwi est conçu pour la masse des Mauriciens, c’est à eux de juger de sa pertinence. Peu importe si l’appréciation est exprimée de manière expéditive ou faussée, peut-être, par le fait que l’école mauricienne n’éveille nullement ses élèves à l’art et à la réflexion abstraite.

Porlwi by Nature était une réussite. Porlwi by Nature était décevant. Ces deux affirmations ne se contredisent pas. Elles permettent le débat autour du festival…

 

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