Le courrier amoureux de madame chose

Plus ça change, plus c’est pareil

Bonjour Madame Chose,

Voilà un an, j’ai eu une aventure avec mon collègue. Cette aventure était prévisible : nous avions une complicité incroyable, beaucoup d’affinités et nous vivions une situation chaotique dans nos ménages respectifs. Notre histoire a duré quelques mois et, à un moment donné, mon collègue a voulu savoir quel type de relation je voulais avec lui. J’ai été incapable de lui avouer que j’étais amoureuse. J’avais trop peur que ce ne soit pas réciproque. Bref, j’avais peur de son rejet. Et, comme on était en couple tous les deux et que nous avions de jeunes enfants, je lui ai dit qu’on serait mieux de s’amuser ensemble quand l’occasion se présentait et de laisser tomber le reste. Pendant l’été, sa femme a eu la puce à l’oreille et a découvert un courriel compromettant. Tout a foiré. Mon collègue m’a flushée sans explication et m’a demandé d’arrêter de lui écrire. Comme ceci s’est passé durant les vacances, c’est à mon retour au bureau que j’ai vu ledit courriel. J’ai mal réagi. Je l’ai boudé, je ne lui parlais plus et je lui ai fait la vie dure. Mettons que notre complicité en a pris un coup et que j’ai réalisé que j’étais pas mal plus impliquée dans la relation que je ne voulais me l’avouer.

J’ai beaucoup de difficultés à faire le deuil de notre complicité comme collègues, car hormis cette aventure, nous sommes vraiment une équipe incroyable. Par contre, même s’il dit que notre relation de travail n’a pas à changer, j’ai mis un mur entre nous deux. Je suis désormais très froide et distante et je n’ai plus de plaisir à aller travailler le matin. J’ai même pensé quitter mon emploi ou partir en congé maladie. J’ai de la misère à faire semblant. De toute façon, j’en suis rendue incapable. J’ai bien envie de lui dire que j’ai des sentiments profonds pour lui. Mais qu’est-ce que ça changerait ? Peut-être que ça lui ferait comprendre les raisons de mes sautes d’humeur des derniers mois ? Vraiment, je pense que ça me libérerait de lui avouer mon secret.

Qu’en pensez-vous, Madame Chose ?

Une fille qui gère mal ses émotions

Chère vous,

Je trouve votre histoire d’une tristesse infinie. Pas qu’elle soit plus particulière ou originale qu’une autre. Les histoires de couchette au bureau, ce n’est pas tellement surprenant ni nouveau. « Plus ça change, plus c’est pareil », dirait ma mère. Non, ce que je trouve triste dans ce que vous me racontez, c’est que je constate qu’une fois de plus, c’est la femme qui paie le prix de l’incartade. Vous allez peut-être me trouver dure et me traiter de féministe enragée derrière mon dos, mais peu importe. Je trouve ça scandaleux que vous envisagiez de quitter votre emploi ou de vous déclarer malade pour ne pas croiser celui avec qui vous avez entretenu une liaison. Et, même si monsieur n’est pas là pour se défendre, je suis prête à parier qu’il n’a jamais songé à faire la même chose pour vous épargner la souffrance et l’humiliation de le côtoyer tous les jours près de la machine à café.

Dans ces affaires de couchette-là, ce sont toujours, ou presque, les femmes qui s’effacent ou qui démissionnent. Comme si on voulait faire oublier à l’autre qu’on avait déjà existé afin de lui épargner les complications liées à cette aventure. Si j’étais vous, je ne ferais pas ça. Partir, je veux dire. Ce serait lui rendre la vie trop facile. Moi, j’irais le voir, lui déclarerais mes sentiments et lui expliquerais clairement ce que ça me fait de devoir travailler avec lui à la semaine longue. En même temps, vous écrivez n’avoir jamais osé avouer votre amour à ce collègue par peur du rejet. Ne serait-ce pas plutôt parce que vous connaissez déjà la réponse ? Peut-être qu’au fond de votre cœur, vous le savez qu’il restera avec sa femme et ses jeunes enfants. Peut-être aussi que vous n’êtes pas sa première aventure, ni sa dernière d’ailleurs. Ça aussi, m’est d’avis que vous devez avoir votre petite idée là-dessus. « Plus ça change, plus c’est pareil », dirait ma mère.

P.S. : Je n’ai pas abordé la question de votre mari et de vos jeunes enfants parce que j’imagine que vous vous êtes déjà demandé ce que ça vous ferait si c’était lui qui s’envoyait en l’air avec une collègue de travail. Vous avez sûrement aussi songé à l’effet que pourrait avoir cette liaison sur votre famille. Je ne sais pas si votre époux est du genre à pardonner ou à vous demander de faire vos valises sur-le-champ, je sais juste que dans les deux cas, vous allez manger ça chaud pour un bout si jamais ça vient à ses oreilles que vous êtes une infidèle. Je vous invite aussi à vous questionner sur le pourquoi de cette infidélité. Vous m’avez dit que vous viviez une situation chaotique à la maison. J’imagine qu’en clair, ça veut dire que ça va mal dans votre mariage. « Du chaos naissent les étoiles », disait l’autre. Pensez donc à ça, la prochaine fois, avant de vous envoyer en l’air sur la photocopieuse.

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