MÉDIAS - Et s'il était encore possible de tout réinventer ? Et si, malgré la crise qui frappe si durement le secteur de l'information, des porteurs de projets parvenaient à faire bouger les lignes, et voler en éclats les paradigmes actuels?
Depuis quelques mois, des équipes constituées de journalistes, de graphistes, de codeurs et de communicants sortent de l'ombre pour défier la morosité ambiante. Donnons-leur une chance d'innover envers et contre tout !
Quelque chose monte des entrailles du web et des imprimeries : une révolution éditoriale se prépare, qui ne tardera pas à percer au grand jour. Nombre de rédactions cèdent sous les coups de boutoir des restructurations et des plans sociaux ; des titres locaux, régionaux ou nationaux sont en péril.
XXI, un électrochoc
Mais au milieu d'un marasme que tous s'accordent à décrire comme inéluctable, quelques rêveurs se lancent encore dans l'aventure pour offrir au public des concepts neufs. Loin des études de marché et des certitudes du marketing, ils portent des projets qui sont autant de bouffées d'oxygène pour les lecteurs.
Apparu en 2008 sur les tables des libraires, XXI a sans conteste été un électrochoc pour beaucoup : un format différent, une maquette audacieuse, une qualité d'écriture brandie comme un oriflamme... Si le magazine trimestriel créé par Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry a suscité des vocations, il a également prouvé une chose : rien n'est jamais vraiment figé.
Tout reste à inventer : un précepte appliqué par d'autres titres tels que Feuilleton, Long Cours, Usbek & Rica, Au Fait, We Demain, Society... et Le Un. L'hebdomadaire visionnaire d'Eric Fottorino s'appuie, lui aussi, sur une écriture de qualité et un format très original puisqu'il se déploie comme un poster et offre, en un seul et même panneau, un panorama pointu sur une thématique d'actualité.
Des esprits au potentiel énorme
Sur le web comme sur les tables des libraires, de nouveaux concepts voient progressivement le jour. "Comment mieux informer ? Comment valoriser au mieux la pluralité des supports ? Comment rendre à l'information et au journalisme leurs lettres de noblesse ?" La citation, empruntée au manifeste d'Ijsberg, résume leur démarche : une multiplicité d'angles et de points de vue au service d'un engagement commun, celui d'une information exigeante.
Qu'il s'agisse des reportages luxuriants du Quatre Heures et d'Ulyces, de la pertinence des chroniques de 8e Étage, des prémices enthousiasmantes des Jours, de Filon et du Jour J, ou de l'approche citoyenne défendue par L'Imprévu, chacun sème aux quatre vents des graines qui ne tarderont pas à germer. Encore faut-il les soutenir, et leur donner les moyens d'éclore et se développer.
Les quelques titres cités plus haut constituent un échantillon de ce mouvement de fond et de l'énergie qui la caractérise. En France et ailleurs, des esprits au potentiel énorme sont désormais libérés par les moyens techniques offerts sur le web : soyez sûrs qu'ils ne tarderont pas à faire parler d'eux.
Leur émergence constitue cependant un paradoxe. Alors qu'ils forment un vivier de concepts et une source d'inspiration pour le plus grand nombre, ils sont laissés, pour la plupart, de côté par les grandes instances et les programmes de subvention.
L'information est un bien commun
En 2013, aucun nouveau média numérique n'a, par exemple, réussi à se glisser dans le cercle très fermé des titres aidés par l'État. Il serait pourtant crucial, au nom de la pluralité de l'information et de sa vitalité, de soutenir et promouvoir les jeunes créateurs qui sont à la tête de ces titres. Petite lueur d'espoir, en 2014, le Fonds pour l'innovation numérique de la presse Google a soutenu les programmes innovants de sept sites d'information tels que Rue 89 ou Bastamag.
L'innovation, le développement de concepts originaux... Rien de tout cela ne sera possible sans la participation active du public : il est plus que temps que les lecteurs, les téléspectateurs, les auditeurs et les internautes prennent leurs responsabilités.
Contrairement aux préceptes fallacieux entretenus par quelques marchands de buzz, l'information n'est pas un bien de consommation. C'est un bien commun... que tous doivent défendre. Bien sûr, cette démarche ne saurait être résumée à un clic ou quelques euros dépensés.
Journalistes et citoyens doivent désormais travailler de concert pour faire émerger une nouvelle approche des médias ; une approche qui ne se limiterait plus à un rapport vertical du diffuseur au consommateur, mais verrait s'épanouir dans une relation horizontale entre acteurs de l'information un journalisme qui perdrait en arrogance ce que son lectorat gagnerait en implication.