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Mathias Enard, la splendeur orientale

Dans « Boussole », le romancier invite à une nuit d’insomnie et à un voyage dans les souvenirs d’un musicologue amoureux du Proche-Orient. Hypnotique.

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Publié le 31 août 2015 à 21h29, modifié le 03 septembre 2015 à 10h01

Temps de Lecture 4 min.

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Boussole, de Mathias Enard, Actes Sud, 400 p., 21,80 €.

Esquisse d’Eugène Delacroix, 1832.

Il ne faut pas manquer d’air pour entrer en littérature en proclamant : « Le plus important, c’est le souffle. » Telle était la première phrase du premier roman de Mathias Enard, La Perfection du tir (Actes Sud, 2003). Et depuis, l’écrivain n’a cessé de prouver la véracité de cette maxime, et la centralité du souffle dans son art poétique. La démonstration la plus saisissante, il l’a donnée en 2008 avec son quatrième livre, le très gonflé Zone (Actes Sud), et ses quelque 500 pages sans point ni respiration, ou presque. Ont suivi deux romans, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants et Rue des voleurs (2010 et 2012), qui ont achevé de consacrer Mathias Enard, né en 1972, comme l’un des romanciers français les plus intéressants de sa génération ; les plus lus, aussi.

Mais ceux-ci n’avaient pas l’ampleur de Zone, sa folie, son ambition. Toutes choses que l’on trouve aujourd’hui, en revanche, dans Boussole, qui brasse à son tour histoires, personnages, lieux, motifs, musiques… Pour entrer dans ce nouveau roman, comme c’était le cas avec Zone, il faut accepter de se caler sur le souffle du narrateur. Epouser son tempo, les volutes que fait sa phrase à mesure qu’il pense, dérive, somnole, revient à lui. Boussole s’étire sur une nuit d’insomnie subie par Franz Ritter, un ­musicologue viennois. Entre 23 heures et 7 heures (chaque page équivaut à 90 secondes, de même que, dans Zone, chacune couvrait un kilomètre du trajet de train entre Milan et Rome qu’effectuait son héros), il ressasse sa vie et ses obsessions. ­Elles le font remonter jusqu’au XIXe siècle, pour ranimer de ­hautes figures de l’orientalisme – Franz est en effet l’un de leurs héritiers, spécialiste des influences venues de Turquie, et de bien au-delà, sur la musique dite « occidentale ». Dans leurs pas, et avançant de références savantes en souvenirs de voyages et réminiscences de colloques (qui offrent parfois des tableaux très drôles du monde universitaire), il entraîne le lecteur à Istanbul, Téhéran, Damas, Alep…

Zone, dont le narrateur se rappelait tous les conflits du bassin méditerranéen advenus au XXe siècle, faisant le compte des victimes et des bourreaux, était un roman de la violence et de la haine. Boussole constitue bien un diptyque avec lui, dans la mesure où il est sa réponse, son antidote, ou voudrait pouvoir l’être : il place en son cœur le goût de l’inconnu, la curiosité pour l’autre.

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