Atelier paysan, la coopérative d'agriculteurs qui construisent eux-mêmes leurs outils

En fabriquant eux-mêmes leurs appareils pour cultiver leurs champs, ces agriculteurs réunis en coopérative font des économies et se réapproprient leur métier.

Atelier paysan, la coopérative d'agriculteurs qui construisent eux-mêmes leurs outils

    Ce sont des pionniers. Il y a trois ans, dans les campagnes, on les prenait encore pour de sympathiques nostalgiques du bon vieux temps. Mais aujourd'hui ils sont de plus en plus souvent considérés comme des visionnaires. «Avant j'étais obligé d'aller chez le réparateur dès qu'un outil cassait. Aujourd'hui non seulement je répare moi-même mes cultivateurs, mais je les fabrique de A à Z».

    Cela n'a l'air de rien, mais tout a changé pour le maraîcher, Mathieu Dunand, installé en Haute Savoie, lorsqu'il a décidé de devenir paysan-mécanicien. Car l'achat et l'entretien du matériel de binage, de désherbage et de semis revient très cher, parfois jusqu'à 40% des charges d'exploitation ! C'est pour sortir de cette contrainte financière qu'une poignée de maraichers bio ont crée l'Atelier paysan, une coopérative qui apprend aux agriculteurs à construire les outils qu'ils attellent derrière le tracteur.

    Des plans de construction libres de droit

    Ce sont des outils simples, sans électronique, mais indispensables pour travailler le sol. Surtout quand on veut se passer des pesticides : il faut alors désherber mécaniquement les parcelles, avec des outils adaptés. Il y en a peu dans le commerce et ils sont vendus environ 7000 euros.

    Pour éviter la spirale gros matériel/endettement/intensification des pratiques culturales, l'Atelier paysan fournit gratuitement les plans, organise des sessions de formation gratuite pour les participants et vend juste la matière première, à savoir les barres de métal. Ensuite, ce sont les agriculteurs eux-mêmes, qui sous l'égide d'un coach, assemblent, soudent et fabriquent pas à pas leurs propres outils. Résultat : un «cultibutte» par exemple (servant à façonner ou entretenir les buttes) à 2000 euros seulement, nettement moins cher que dans le commerce.  Et parfaitement adapté aux petites parcelles de maraîchage.

    De gauche à droite : Gwenaël Chardon, Jérôme Dethes et Mathieu Dunand.

    «Avec une économie de 5000 euros en moyenne sur chaque appareil, on peut soit se faire d'autres outils et améliorer son travail, soit se désendetter et vivre plus sereinement. Aujourd'hui je vis avec moins de pression», explique Mathieu Dunand, qui travaille en association avec deux autres maraîchers, eux aussi convaincus des bienfaits de l'autoconstruction.

    Mais les avantages ne sont pas que financiers. C'est surtout une autre façon de travailler. Adieu la charrue qui traumatise la terre, les 400 agriculteurs qui font partie de la coopérative peuvent désormais travailler avec des outils beaucoup moins durs, qui grattent, assouplissent et enlèvent les mauvaises herbes tout en respectant au maximum le sol. C'est aussi un gain de temps. «J'ai gagné 30% de temps pour préparer mon sol», observe Mathieu Dunand.

    30 formations par an

    L'Atelier paysan possède 3 camions qui se déplacent dans toute la France. Et dispensent 30 formations par an. Mais la demande augmente très vite. La coopérative est passée de 3 à 9 salariés depuis 2012. Ils étaient présents au Salon Tech&bio, le salon de l'agriculture biologique, qui se tenait le mois dernier à Valence, dans la Drôme. Où ils ont conquis de nouveaux agriculteurs enthousiastes.