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Thomas Pesquet, lanceur d'alerte depuis l'espace

Interview Romain Clergeat , Mis à jour le

De la Station spatiale, l’astronaute français a pris en photo les signes avant-coureurs d’un désastre écologique. Il nous les commente.

« Vous êtes nombreux à nous demander comment nous prenons nos photos. Nous avons à disposition un poste d’observation privilégié : la Cupola.   Notre logiciel de navigation nous indique à quelle heure regarder par les hublots pour ne pas manquer notre cible. »
« Vous êtes nombreux à nous demander comment nous prenons nos photos. Nous avons à disposition un poste d’observation privilégié : la Cupola. Notre logiciel de navigation nous indique à quelle heure regarder par les hublots pour ne pas manquer notre cible. » © ESA / NASA
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La capitale et la petite couronne: 6,7 millions d'’habitants, le record de densité en France.
La capitale et la petite couronne: 6,7 millions d'’habitants, le record de densité en France. © ESA / NASA
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Le long du Nil : en sombre la zone irriguée et cultivée. En clair, le désert d'’où émergent, à 40 kilomètres au sud du Caire, la pyramide de Bent et la pyramide rouge, les deux pyramides du règne de Snéfrou (environ 2600 av. J.-C.).
Le long du Nil : en sombre la zone irriguée et cultivée. En clair, le désert d'’où émergent, à 40 kilomètres au sud du Caire, la pyramide de Bent et la pyramide rouge, les deux pyramides du règne de Snéfrou (environ 2600 av. J.-C.). © ESA / NASA
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L’'estuaire du rio de La Plata: encombré d'’alluvions, il sépare deux pays –l'Uruguay et l'Argentine –et deux univers: d'’un côté les cultures de céréales blondes, de l’'autre le béton de Buenos Aires
L’'estuaire du rio de La Plata: encombré d'’alluvions, il sépare deux pays –l'Uruguay et l'Argentine –et deux univers: d'’un côté les cultures de céréales blondes, de l’'autre le béton de Buenos Aires © ESA / NASA
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Sahara. Les hydrocarbures ont fait de cet enfer qui brûle à plus de 50 °C  le trésor de l'Algérie.
Sahara. Les hydrocarbures ont fait de cet enfer qui brûle à plus de 50 °C le trésor de l'Algérie. © ESA / NASA
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Seychelles : Un joyau en péril. La montée des eaux menacerait 80 % du territoire.
Seychelles : Un joyau en péril. La montée des eaux menacerait 80 % du territoire. © ESA / NASA
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Arabie Saoudite: des oasis artificielles irriguées grâce à l’'exploitation des nappes souterraines. Pour Thomas Pesquet, l’'apparence d'un jeu vidéo et une catastrophe à venir.
Arabie Saoudite: des oasis artificielles irriguées grâce à l’'exploitation des nappes souterraines. Pour Thomas Pesquet, l’'apparence d'un jeu vidéo et une catastrophe à venir. © ESA / NASA
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Delta du Nil : « Il est très facile à identifier de nuit. » L'’éclat de lumière blanche correspond au Caire.
Delta du Nil : « Il est très facile à identifier de nuit. » L'’éclat de lumière blanche correspond au Caire. © ESA / NASA
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Inde: « Au coeœur du pays, on aperçoit de vastes taches de lumière à mesure que les gens consomment de plus en plus d'énergie. »  Ici, Bangalore, la capitale de l’'Etat du Karnataka, et ses  8,5 millions d’habitants.
Inde: « Au coeœur du pays, on aperçoit de vastes taches de lumière à mesure que les gens consomment de plus en plus d'énergie. » Ici, Bangalore, la capitale de l’'Etat du Karnataka, et ses 8,5 millions d’habitants. © ESA / NASA
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"Voler face au soleil qui se lève est vraiment cool".
"Voler face au soleil qui se lève est vraiment cool". © ESA / NASA
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« Quand mon collègue a pris la photo, j’étais aux commandes du bras robotique dans la Cupola, un de nos endroits préférés ! »
« Quand mon collègue a pris la photo, j’étais aux commandes du bras robotique dans la Cupola, un de nos endroits préférés ! » © ESA / NASA
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« Vous êtes nombreux à nous demander comment nous prenons nos photos. Nous avons à disposition un poste d’observation privilégié : la Cupola.   Notre logiciel de navigation nous indique à quelle heure regarder par les hublots pour ne pas manquer notre cible. »
« Vous êtes nombreux à nous demander comment nous prenons nos photos. Nous avons à disposition un poste d’observation privilégié : la Cupola. Notre logiciel de navigation nous indique à quelle heure regarder par les hublots pour ne pas manquer notre cible. » © ESA / NASA
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La capitale et la petite couronne: 6,7 millions d'’habitants, le record de densité en France.
La capitale et la petite couronne: 6,7 millions d'’habitants, le record de densité en France. © ESA / NASA
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Le long du Nil : en sombre la zone irriguée et cultivée. En clair, le désert d'’où émergent, à 40 kilomètres au sud du Caire, la pyramide de Bent et la pyramide rouge, les deux pyramides du règne de Snéfrou (environ 2600 av. J.-C.).
Le long du Nil : en sombre la zone irriguée et cultivée. En clair, le désert d'’où émergent, à 40 kilomètres au sud du Caire, la pyramide de Bent et la pyramide rouge, les deux pyramides du règne de Snéfrou (environ 2600 av. J.-C.). © ESA / NASA
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L’'estuaire du rio de La Plata: encombré d'’alluvions, il sépare deux pays –l'Uruguay et l'Argentine –et deux univers: d'’un côté les cultures de céréales blondes, de l’'autre le béton de Buenos Aires
L’'estuaire du rio de La Plata: encombré d'’alluvions, il sépare deux pays –l'Uruguay et l'Argentine –et deux univers: d'’un côté les cultures de céréales blondes, de l’'autre le béton de Buenos Aires © ESA / NASA
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Sahara. Les hydrocarbures ont fait de cet enfer qui brûle à plus de 50 °C  le trésor de l'Algérie.
Sahara. Les hydrocarbures ont fait de cet enfer qui brûle à plus de 50 °C le trésor de l'Algérie. © ESA / NASA
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Seychelles : Un joyau en péril. La montée des eaux menacerait 80 % du territoire.
Seychelles : Un joyau en péril. La montée des eaux menacerait 80 % du territoire. © ESA / NASA
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Arabie Saoudite: des oasis artificielles irriguées grâce à l’'exploitation des nappes souterraines. Pour Thomas Pesquet, l’'apparence d'un jeu vidéo et une catastrophe à venir.
Arabie Saoudite: des oasis artificielles irriguées grâce à l’'exploitation des nappes souterraines. Pour Thomas Pesquet, l’'apparence d'un jeu vidéo et une catastrophe à venir. © ESA / NASA
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Delta du Nil : « Il est très facile à identifier de nuit. » L'’éclat de lumière blanche correspond au Caire.
Delta du Nil : « Il est très facile à identifier de nuit. » L'’éclat de lumière blanche correspond au Caire. © ESA / NASA
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Inde: « Au coeœur du pays, on aperçoit de vastes taches de lumière à mesure que les gens consomment de plus en plus d'énergie. »  Ici, Bangalore, la capitale de l’'Etat du Karnataka, et ses  8,5 millions d’habitants.
Inde: « Au coeœur du pays, on aperçoit de vastes taches de lumière à mesure que les gens consomment de plus en plus d'énergie. » Ici, Bangalore, la capitale de l’'Etat du Karnataka, et ses 8,5 millions d’habitants. © ESA / NASA
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"Voler face au soleil qui se lève est vraiment cool".
"Voler face au soleil qui se lève est vraiment cool". © ESA / NASA
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« Quand mon collègue a pris la photo, j’étais aux commandes du bras robotique dans la Cupola, un de nos endroits préférés ! »
« Quand mon collègue a pris la photo, j’étais aux commandes du bras robotique dans la Cupola, un de nos endroits préférés ! » © ESA / NASA
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Paris Match. Aujourd’hui, 750 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. D’ici à 2050, le volume disponible pourrait encore diminuer de 50 % et l’offre devenir deux fois inférieure à la demande. Depuis la Station spatiale internationale [ISS], voyez-vous ces zones où les gens vivent éloignés de tout point d’eau ?
Thomas Pesquet. Bien sûr. Il y a beaucoup de zones sèches. On vole pas mal au-dessus de l’Afrique. Dans les zones sahariennes, on voit que la vie s’arrête aux portes du désert . Pas seulement la végétation, mais aussi les activités humaines. Les scènes de sécheresse, sols minéraux, sable craquelé apparaissent clairement… Et l’on se rend compte que la répartition de l’eau potable n’est pas du tout équitable.

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Distinguez-vous ces oasis délirantes, ces golfs en plein désert, ces hôtels de luxe plantés dans le sable avec des fontaines gigantesques ?
C’est plus difficile… on est quand même à 400 kilomètres ! Par contre, on voit les îles artificielles de Dubai ou les lumières de Las Vegas, l’iniquité de la répartition des ressources d’énergie ou, plutôt, de la consommation de ces ressources. Las Vegas est un bon exemple : il n’y a rien sur place, tout y est acheminé et on y consomme massivement. Ça, ce n’est pas durable.

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On estime qu’en 2050 il y aura 250 millions de réfugiés climatiques pour cause de montée des eaux. Peut-on apercevoir ces populations “cibles” des bords de mer ou des deltas ?
Je n’ai pas une lunette assez puissante, mais on identifie très bien les concentrations de population sur les bords de mer. L’exemple le plus frappant est le delta du Nil. Tout le long du fleuve, on voit énormément de vie, de végétation, une nombreuse population et, dès qu’on s’en éloigne un peu, plus rien. Tout devient complètement aride. La nuit, c’est net, grâce aux lumières. Le jour, on le voit encore grâce à cette bande verte qui longe le fleuve depuis sa source.

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Le soleil est notre seule source d’énergie ! On n’a pas de réacteur nucléaire. Et on ne marche pas au pétrole !

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La demande en énergie va augmenter de 40 % dans les vingt-cinq prochaines années. Peut-on constater les nouveaux besoins de l’Inde ou de la Chine depuis l’ISS ?
Les lumières des villes sont les indicateurs principaux. De jour, on différencie moins les zones extrêmement développées, grandes consommatrices d’énergie. Mais, la nuit, il y a des zones beaucoup plus noires. En Inde, en Chine, on voit que le tissu urbain est en train de se développer. En Inde apparaissent déjà de vastes taches de lumière au milieu du pays. En Chine aussi. Elles s’étendent progressivement, à mesure que la consommation s’accroît.

Inépuisable source d’énergie, le Soleil fournit chaque année 10 000 fois la production mondiale. Vu de la Station spatiale internationale, à quoi ressemble-t-il ?
Il est notre seule source d’énergie ! On n’a pas de réacteur nucléaire. Et on ne marche pas au pétrole ! On n’a que notre étoile et nos panneaux solaires (une surface de plusieurs terrains de basket) pour nous alimenter. Le Soleil est donc encore plus important pour nous que pour la Terre ! Quand on passe de l’ombre au soleil, on perçoit, à travers les fenêtres de la coupole, la température qui monte. C’est impressionnant. A notre distance, sans la protection de l’atmosphère, on ressent instantanément sa puissance et l’énergie qu’il nous envoie. Il est évident que, sur Terre, on n’en fait pas assez bon usage. Toute cette énergie qui nous arrive, gratuite et inépuisable, au moins dans un futur “proche” à échelle humaine, il nous faut apprendre à mieux la maîtriser. Dans ce domaine encore, l’ISS est un exemple.

Arrivez-vous à voir le développement des énergies renouvelables, comme les panneaux solaires ou les champs d’éoliennes ?
On aperçoit tout ça. Moins les champs de panneaux solaires, mais j’ai vu quelques fermes solaires, car elles ont la caractéristique de refléter le soleil. Les éoliennes, elles, sont très visibles. Les lumières des villes et des routes dessinent les côtes de manière très nette. Au début, je me demandais ce qu’étaient tous ces petits points rouges, au large : c’étaient des champs d’éoliennes. J’en vois de plus en plus. En mer du Nord, mais pas seulement, en Asie aussi. Cette technologie se développe et sera très utile. En mer, on a de la place et de l’énergie, il faut en profiter.

Dans le “pire” scénario, nous serons 10 milliards en 2050. Peut-on déjà déceler des signes de surpopulation ?
Absolument. On reconnaît nettement les villes tentaculaires. Paris en est une. Depuis l’ISS, Paris est impressionnant et englobe les communes alentour. Au Japon, c’est pareil, les villes se touchent : le tissu urbain est dense, ininterrompu. Même chose en Chine. Malheureusement, on voit aussi la pollution. Il y a des villes que je n’ai jamais pu prendre en photo. Pékin est toujours recouvert d’une couche de brouillard qui, d’ailleurs, n’en est pas une : c’est de la pollution. Même la nuit, on y voit mal ! C’est trouble, opaque. Et le jour, c’est pire. La Chine n’est pas la seule concernée, l’Europe et les Etats-Unis aussi. Un peu toute la planète…

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Dans l’ISS, on recycle l’eau, l’urine… ces systèmes de retraitement pourraient être miniaturisés sur Terre

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Dix millions de tonnes de déchets y sont générées chaque jour. L’ampleur du problème est-elle telle qu’on peut l’observer depuis la Station ?
Je n’ai pas réussi à voir le fameux septième continent, le continent de plastique qui dérive dans le Pacifique. Pourtant, je l’ai cherché ! Depuis l’ISS, on ne voit pas le problème des déchets. Par contre, on l’expérimente ! Vivre dans l’ISS fait prendre conscience, d’abord, que l’être humain a besoin de beaucoup de choses pour vivre. Du moins, c’est ce qu’il pense. Parce que, en fait, il pourrait se passer de pas mal de trucs ! Mais bon… Nous avons aussi besoin d’énormément de logistique pour maintenir la vie humaine dans l’espace. Du coup, on produit de très grandes quantités de déchets. Il n’y a personne pour ramasser les poubelles ou faire du recyclage, ça permet de se rendre compte de leur volume quotidien. Et ça fait peur. Il faut absolument inverser la courbe, essayer de produire moins de déchets. Dans l’ISS, on recycle l’eau, l’urine… ces systèmes de retraitement pourraient être miniaturisés sur Terre et utilisés, par exemple, dans des pays en voie de développement. On essaie aussi de consommer le moins possible. On a des emballages et de la nourriture qui ne prennent pas de place. On essaie de gérer ça du mieux qu’on peut, à notre petite échelle. Thierry Marx avait des projets de contenants comestibles, c’est difficile à mettre en œuvre, mais c’est génial. On élimine le problème de l’emballage, du plastique, de la canette en aluminium… Il l’a réalisé pour le spatial, c’est encore difficile à grande échelle, mais c’est une voie très intéressante.

Aujourd’hui, avec quelque 2 milliards d’utilisateurs, Facebook est le premier pays du monde. Dans l’espace, comment le voit-on ?
Comme sur Terre, à travers son ordinateur. Ce tissu électronique nous permet d’être reliés à nos amis. Mais il faut éviter de se réfugier dans le monde virtuel. C’est un peu mon problème depuis que je suis dans l’ISS… Mais je vais retourner dans le monde réel. Normalement.

La forêt amazonienne reste-t-elle une émeraude qui se repère nettement ?
Oui. En revanche, le ciel y est toujours couvert, car il y pleut énormément. Donc, il y a des nuages. C’est difficile de trouver des pans entiers de forêts avec un ciel clair, mais ces kilomètres de vert s’étendent à perte de vue. Impénétrables. Les fleuves s’arrêtent, les routes s’arrêtent… C’est assez impressionnant.

Dix milliards d’arbres sont abattus chaque année. Voit-on les ravages de la déforestation ?
Oui, dans certaines zones. En Amazonie, on distingue des routes, des rivières et, parallèlement, les bandes de forêts qui disparaissent. C’est très net. Au Sahara ou en Arabie saoudite, les déserts progressent. C’est étonnant, d’ailleurs, car les zones où il n’y a aucune activité humaine sont assez rares. L’homme s’est répandu partout. Restent quelques endroits vides. Dans les déserts, notamment.

Quelles sont les couleurs dominantes sur la surface de la Terre ?
Le bleu des mers et le blanc des nuages, avec des variations infinies. Du bleu émeraude au bleu turquoise, du bleu foncé au bleu marine très profond. Parfois un peu de vert. Et aussi, malheureusement, du marron. On voit des embouchures de fleuves qui charrient des alluvions, c’est normal, mais aussi la pollution autour des grandes villes, en Amérique du Sud, en Chine, en Europe. L’hiver, il y a sur les continents beaucoup de blanc qui, au printemps, s’efface au profit du vert, la couleur de la composante de la vie.

En conclusion ?
L’ESA [Agence spatiale européenne], comme les pays signataires de la Cop21, s’est engagée à ne pas polluer l’espace. Et c’est grâce aux satellites mais aussi à la présence humaine que l’on peut mesurer les variations climatiques. Sans prendre de la hauteur, cela ne serait pas mesurable. Mais ce n’est pas la seule prise de conscience que permet l’ISS. La Station spatiale est un condensé de la vie sur Terre. Les habitants ne se sont pas choisis. Ni moi ni mes voisins. Ils ont des ressources limitées. Ils veulent faire en sorte que leur voyage dans l’espace dure le plus longtemps possible. Pour cela, ils doivent prendre soin de leur vaisseau. Et utiliser leurs ressources avec parcimonie. Quand je regarde la Terre, c’est exactement pareil. Elle n’est rien de plus qu’un immense vaisseau spatial, dont on doit prendre soin pour que son parcours autour du Soleil dure le plus longtemps possible.

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