Armée française : "On a voulu remplacer le quantitatif par le qualitatif"

Selon Sophie Lefeez, chercheuse à l'Iris, l'armée française a trop misé sur la technologie au détriment "des autres facteurs de victoire".

Par Louis Chahuneau

Photo illustration. Si les hauts gradés refusent d’aborder le sujet, Sophie Lefeez se pose la question de la création d’une seconde armée moins innovante, moins coûteuse.
Photo illustration. Si les hauts gradés refusent d’aborder le sujet, Sophie Lefeez se pose la question de la création d’une seconde armée moins innovante, moins coûteuse. © AFP PHOTO

Temps de lecture : 2 min

« La polyvalence n'offre pas le don d'ubiquité. » Voilà le constat de Sophie Lefeez, chercheuse à l'Iris (Institut des relations internationales et stratégiques), sur l'armée française. La doctorante en sociologie des techniques à la Sorbonne (Paris-I) étudie les questions de défense et d'industrie depuis six ans et s'inquiète du phénomène d'« inflation des coûts militaires » qui touche la France. « Depuis plus de quarante ans, on a misé sur des armes aussi chères que performantes. Résultat : on en achète moins et le coût unitaire augmente, puis la dette s'envole, et je me demande si l'on ne se dirige pas dans une impasse », explique-t-elle.

La newsletter sciences et tech

Tous les samedis à 16h

Recevez toute l’actualité de la sciences et des techs et plongez dans les Grands entretiens, découvertes majeures, innovations et coulisses...

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Un exemple ? Le Rafale

Le meilleur exemple du coût élevé du matériel militaire français ? L'avion de combat Rafale qui remplace sept types d'appareils différents et autant de missions, selon Sophie Lefeez. « On a voulu remplacer le quantitatif par le qualitatif. » Une fausse bonne idée ? Oui, selon la chercheuse, qui a rencontré beaucoup de soldats pour écrire sa thèse. « Les militaires manquent de tout : de piles, du papier toilette et parfois même de l'équipement. Si bien que certains s'achètent leur propre matériel maintenant. » Pour elle, le salut de l'armée française passera par le rééquilibrage des facteurs de victoire : plus d'entraînement, de tactique, une meilleure gestion de troupes qui passent trop de temps sur le terrain. Une hypothèse qui rappelle les revendications actuelles des policiers en colère.

La peur des technologies « nivelantes »

Si les hauts gradés refusent d'aborder le sujet, Sophie Lefeez pose la question de la création d'une seconde armée moins innovante, moins coûteuse. Des troupes qui seraient moins vulnérables aux technologies « nivelantes » : ces détournements d'objets du civil, de la bombe artisanale aux drones, qui ne permettent pas de gagner une guerre mais qui gênent considérablement le camp adverse. « Les IED ont fait énormément de victimes chez les soldats américains en Irak, explique Sophie Lefeez. L'impact psychologique chez l'ennemi est considérable, ça ne coûte rien, ça fait beaucoup de dégâts et c'est très facile à fabriquer. » Ces armes, très utilisées par les armées non régulières, expliquent en partie la difficulté de la coalition internationale face à Daech. Pour contrer ces nouvelles armes, les grandes puissances dépensent de plus en plus d'argent pour se défendre. Une stratégie ni efficace ni rentable, et qui inquiète beaucoup Sophie Lafeez…

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (14)

  • JMB102

    Dans votre reponse à''@tribun un'', votre analyse bonne et dans le cas du Mali, faut ajouter un aspect que la France, créatrice de ces états, ex colonies, ne veut pas voir, de peur de poser et se poser les bonnes questions.
    Le Mali est un état frontère entre les arabes et des noirs arabisés du nord et les noirs du sud, majoritaires. Or avant la colonisation, le trafit négrière s'est fait par les arabes sur les nègres du sud. A l'indépendance, la majorité du sud a pris sa revanche par une politique d'oppression, ou très proche par l'exclusion, des gens du nord, il faut le dire et parler d'apartheid n'est pas exageré. (Merci de ne pas me censurer).
    Avec ces données, il faut pas s'étonner de la facilité, sinon des complicité dont jouissent les revoltés du nord, tant qu'à faire, autant s'emparer de tout le Mali.
    Le drame, et vous avez raison, c'est que la France sauve le régime du sud, au nom de l'unité du Mali, sans se poser la question si le Mali existe en temps ÉTAT!
    D'ailleurs, une fois le péril passé, quelles sont les réformes faites par ce gouvernement, assuré que la France s'occupe de sa sécurité ?
    Un autre état frontière, le Soudan en a fait la preuve : la colonisation du sud par le nord arabisé a conduit à la cessetion du sud... Pas stable encore mis au moins c'est entre gens du sud qui se disputent l'accès à la caisse de l'état !
    J'abrège : si la France et lesautres puissances ne se posent pas les bonnes questions sur le Mali ou autre état oû les gens, jeunes en particulier n'ont pas trop d'espoir, alors il faut se préparer et à d'autres interventions, et à d'autres flux des réfugiés!
    Navré !
    Bien cordialement.

  • TRIBUN-hun

    Je ne parle que de supériorité militaire, sur le papier les USA sont au top mais sur le terrain l'histoire prouve que se sont des loosers.
    Entre 1970 et 1975 ils ont déversé un tonnage de bombes sur le Laos 4 fois supérieur à celui de 39-45 pour couper la piste Ho Chi Minh avec en plus napalm et agent orange.
    Tout ça pour partir la queue entre les jambes en 75.
    L'armée US est très mal encadrée la majorité des généraux ne peut pas partir en opération avant que le Coca soit livré et que l'air cond fonctionne dans leur pc.

  • yakaencore

    Votre propos doit être modulé car les vietnamiens du nord ont perdus toutes leurs batailles contre les américains. L'offensive du Tet a été pour les troupes d'Ho Chi Minh un échec militaire total. Par contre sur le plan politique ce fut une victoire en bouleversant l'opinion publique américaine et mondiale. Lors de la signature des accords de paix de Paris en 1973, Kissinger ne put s'empêcher de faire remarquer à Le Duc Tho que le Nord Viêt-nam gagnait la guerre en ayant perdu toutes ses batailles.