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Karima Delli et Benoist Apparu face aux lycéens - Le logement en Europe

Karima Delli débat avec Benoist Apparu, lors de la première audition politique "Tous Européens?", jeudi 3 octobre.
Karima Delli débat avec Benoist Apparu, lors de la première audition politique "Tous Européens?", jeudi 3 octobre. © Bruno de Maistre / EuropaNova
Propos recueillis par Adrien Gaboulaud , Mis à jour le

En partenariat avec EuropaNova, Paris Match vous propose le premier épisode de «Tous Européens?», une série d'auditions politiques consacrée à l'Europe. Karima Delli, députée européenne Europe Ecologie - Les Verts, et Benoist Apparu, député UMP et ancien ministre du Logement, ont débattu sur le thème du logement.

Auditions Tous européens bannière

Jeudi 3 octobre, dans les sous-sols de l'Assemblée nationale. Une soixantaine de lycéens venus de Seine-Saint-Denis s'apprêtent à assister à un débat de haute volée entre la députée européenne écologiste Karima Delli et le député UMP, ancien ministre du Logement, Benoist Apparu. Le but de cette «audition politique» organisée spécialement pour eux? Sensibiliser ces jeunes citoyens, «primo-votants», aux questions de politique européenne, avec en ligne de mire les élections européennes de mai 2014. Cette série d'événements est organisée par le think-tank EuropaNova, en partenariat avec Paris Match. Pour ce premier échange, Benoist Apparu et Karima Delli se sont affrontés sur la question du logement en Europe, un sujet dont ils sont tous deux des spécialistes. Voici l'essentiel des thématiques abordées lors de cette soirée.

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L'Union européenne peut-elle intervenir en matière de logement?
Benoist Apparu, l'ancien ministre du Logement de Nicolas Sarkozy, a débattu avec l'élue écologiste Karima Delli.
Benoist Apparu, l'ancien ministre du Logement de Nicolas Sarkozy, a débattu avec l'élue écologiste Karima Delli. Bruno de Maistre / EuropaNova

Benoist Apparu. Non. Un choix a été fait, impliquant que le logement reste une politique nationale. Nous pouvons regarder ce que font les uns et les autres, mais il n’y a pas de politique européenne du logement. De mon point de vue, c'est le bon choix. Il y a de telles différences démographiques entre pays qu’il est difficile d’imaginer une politique à peu près similaire pour tous au niveau européen. Un exemple très simple: l’Allemagne perd des habitants année après année. Lorsque vous perdez des habitants, votre besoin de logements est relativement faible. A l’inverse, en France, nous avons une crise du logement, notamment parce que nous sommes en croissance démographique. Avoir une politique européenne qui applique des solutions communes pour des territoires aussi différents ne me paraîtrait pas une bonne idée. 

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Karima Delli. Vous avez raison de dire que le logement n’est pas une compétence de l’Europe. Mais le droit au logement est un droit fondamental dans l’Union européenne, qui permet la garantie de la dignité humaine. Aujourd’hui, le droit au logement opposable (Dalo) est inscrit dans la loi française, à laquelle l’Europe donne un cadre. En outre, derrière le logement, il y a plein de compétences européennes qu’on oublie: ainsi, la pauvreté, c’est une question européenne, parce que nous avons un objectif de réduction de 20 millions de pauvres d’ici 2020. Il y a aujourd’hui en Europe 125 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, 6% des Européens souffrent de privation de logement, 18% vivent dans des logements complètement indignes et insalubres. Et 10% des ménages européens dépensent plus de 40% de leurs revenus en loyer. L’urgence est là!

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Une polémique sur l'intégration des Roms a éclaté en France, notamment après des propos du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Que peut faire l'Europe?

Karima Delli. Moi, j’en ai un peu ras-le-bol d’entendre des paroles qui stigmatisent une population, qui est la plus discriminée d’Europe. A la veille d’élections municipales, certains s’en servent comme boucs émissaires pour récupérer les voix du Front national. En France, il y a 15 000 à 20 000 Roms. En Espagne, c’est 900 000 Roms. En Allemagne, c’est 70 000 Roms. Et pourtant, eux mettent en place des politiques d’intégration. On n’en fait pas des boucs émissaires.

Les lycéens, venus de Bondy, Clichy-sous-Bois et Noisy-le-Sec, ont pu interpeller les politiques.
Les lycéens, venus de Bondy, Clichy-sous-Bois et Noisy-le-Sec, ont pu interpeller les politiques. © Bruno de Maistre / EuropaNova

Benoist Apparu. Je ne me suis pas mêlé du débat, qui est plutôt de l’autre bord politique. Nous, on regarde ça avec un petit sourire… Quand on disait à peu près ce que disait Manuel Valls, en beaucoup moins dur que lui, on se faisait insulter. Malheureusement, les populations Roms souffrent de ce que l’on dit sur elles. Elles ont des difficultés énormes à vivre en Roumanie et en Bulgarie. J’imagine qu’elles préféreraient rester dans leurs pays plutôt que de venir chez nous. Nous devons faire pression sur ces deux pays pour qu’ils traitent dignement leur population.

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En matière de logement, les normes sont-elles l'ennemi?

Benoist Apparu. Construire coûte de plus en plus cher. Un exemple très concret: sous l’effet des normes, on est passé, dans le neuf, de logements que l’on construisait en moyenne à 88 m² par logement à 110 m² par logement. 22 m² supplémentaires en l’espace d’une dizaine d’années pour la même typologie de logements! La difficulté, c’est que ces normes, prises individuellement, sont plutôt intelligentes. Mais quand vous les ajoutez les unes aux autres, vous faites exploser les coûts. Prenons l’exemple des normes handicap, qui viennent d’une loi de 2005, qui dit que 100% des logements doivent pouvoir accueillir des personnes en situation de handicap. Je me pose la question suivante: est-ce qu’il faut 100% des logements ou est-ce qu’on ne pourrait pas avoir 10% ou 15% des logements, qui soient d’ailleurs beaucoup mieux adaptés au handicap?

Metin et Fatima écoutent les arguments échangés par les débatteurs.
Metin et Fatima écoutent les arguments échangés par les débatteurs. © Bruno de Maistre / EuropaNova

Karima Delli. Réduire les normes pour les personnes handicapées, je ne suis pas d’accord. Les personnes handicapées ont le droit à l’égalité! Et par ailleurs, là où je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Apparu, c'est qu'avec certaines normes, le retour sur investissement est énorme. Il existe une directive «efficacité énergétique». A partir de 2020, tous les bâtiments et les logements seront à énergie passive, c’est à dire: consommation zéro énergie. Il y a en Europe entre 50 et 125 millions de citoyens qui ne se chauffent pas ou qui dépensent plus de 15% de leurs revenus pour payer leur facture énergétique. Derrière, il y a la question du pouvoir d’achat des Européens. Et la France dirait: «On est pas obligé d’appliquer cette norme»? Si on investit aujourd’hui dans la rénovation thermique, c’est bon pour l’emploi, c’est bon pour les plus pauvres et c’est bon surtout pour le climat.

Les questions des lycéens

Fatima, lycéenne à Noisy-le-Sec, interroge Benoist Apparu et Karima Delli.
Fatima, lycéenne à Noisy-le-Sec, interroge Benoist Apparu et Karima Delli. Bruno de Maistre / EuropaNova

Fatima, du lycée Théodore-Monod de Noisy-le-Sec. Comment les logements sont-ils attribués? Cette situation peut-elle changer?

Benoist Apparu. Aujourd’hui, une commission se réunit, qui décide d’attribuer tel logement à telle personne. Vous avez des «coupe-file», avec notamment le Dalo qui rend prioritaire certaines personnes. Je considère que le système n’est pas suffisamment transparent. Un travail avait été commencé par la majorité précédente, il est poursuivi par la majorité actuelle, tant mieux. Il faudrait arriver à un système qui se rapproche du système britannique, avec une cotation. A chaque dossier, on attribue une note en fonction de la priorité de la personne qui demande un logement social.

Karima Delli. J’appelle comme monsieur Apparu à mettre en place un système de points. Mais je pense qu’il faut aller plus loin. Les Suédois ont des agences HLM où vous avez un site Internet avec des photos, vous pouvez voir quels sont les logements sociaux vides pour vraiment anticiper. On en est encore loin en France! Dans le logement social ou privé, les discriminations sont terribles. Il faut poser la question de l’anonymisation des demandes.

Metin, du lycée Aflred-Nobel à Clichy-sous-Bois. Que pensez-vous faire pour améliorer les transports en banlieue?

Karima Delli. Les transports font partie des enjeux d’investissement, notamment européens. L’Europe est en train de mettre en place des dispositifs avec les populations, les maires, les associatifs, pour monter des projets financés par les fonds européens. Pour l’instant, ça n’avance pas réellement parce que c’est à l’Etat français de piloter ces projets. L’Europe donne juste le mot d’ordre.

Benoist Apparu. Les transports ont été construits en étoile, comme si Paris était le centre du monde. On a très peu développé les transports qui passent d’une commune à une autre. La mairie de Paris a bien lancé le tramway circulaire. Un certain nombre de communes de banlieue ont lancé des projets de tramway de commune à commune. C'est super. Mais les grandes infrastructures à venir, ce sont celles du Grand Paris, qui va mettre 20 ou 25 ans à se mettre en place.

Mattéo, du lycée Jean-Renoir à Bondy. Comment faire pour faciliter la création de logements étudiants?

Sous le regard de l'animatrice de la soirée Rokhaya Diallo, Mattéo s'adresse aux élus.
Sous le regard de l'animatrice de la soirée Rokhaya Diallo, Mattéo s'adresse aux élus. Bruno de Maistre / EuropaNova

Karima Delli. Un dispositif qui marche bien, c’est le système suédois. Les jeunes bénéficient, à partir de 18 ans, d’une allocation d’autonomie, ce qui leur permet de se loger dans le parc privé. Le problème français, c’est qu’il y a 7% d’étudiants qui sont dans les résidences universitaires. Les 93% restants sont confrontés au marché privé, à la bulle immobilière, aux 8 m² à 900 euros en plein Paris. Il faut encadrer les loyers. Monsieur Apparu avait commencé à le faire pour les petites surfaces et madame Duflot continue à le faire, donc ça c’est très bien.

Benoist Apparu. C'est difficile pour un étudiant de se loger. Mais ce n'est pas parce qu’on a 2 millions d’étudiants en France qu’il faut 2 millions de logements étudiants. Il est plutôt sain que les étudiants se logent également en ville. Ça ne me choque pas que l’étudiant qui étudie dans la même ville que ses parents continue à habiter chez eux.

En vidéo, les meilleurs échanges du débat




Pour en savoir plus sur les prochaines auditions «Tous Européens?», rendez-vous sur EuropaNova.eu


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