Partager
Formation
L'expert

Enseignement supérieur : mais quand allons-nous nous réveiller?

Bernard Ramanantsoa, ancien directeur de HEC et chargé de mission par France Stratégie sur l'enseignement supérieur français à l'étranger, tire la sonnette d'alarme sur la baisse de compétitivité de notre enseignement supérieur.

réagir
Bernard Ramanantsoa, directeur d'HEC

Bernard Ramanantsoa, ancien directeur de HEC, est aujourd'hui chargé de mission par France Stratégie sur l'enseignement supérieur français à l'étranger. 

(c) Delessard/Challenges

Etude après étude, classement après classement, on constate que la « compétitivité » de notre enseignement supérieur se dégrade. La dernière étude de Campus France révèle qu’entre 2009 et 2014, l’attractivité de la France, mesurée en nombre d’étudiants étrangers accueillis, a progressé deux fois moins que la moyenne mondiale. Cela fait plusieurs années que les classements internationaux (Shanghai, bien sûr, mais aussi Times Higher Education et QS) ont de quoi nous rendre inquiets ; la dernière cuvée de ces rankings n’a rien arrangé: partout, c’est une régression, au mieux une stagnation. L’examen du classement de QS révèle ainsi clairement que 74% des 39 universités françaises examinées connaissent une baisse de leur réputation académique et que 72% régressent en recherche.

Nous avons pendant longtemps adopté une posture de déni: les thermomètres étaient de mauvaise qualité et ne prenaient pas en compte les bons indicateurs. Puis, nous avons feint d’être au-dessus de cette concurrence de mauvais aloi. Et puis quelques arbres (je pense aux classements des business schools françaises) cachaient la forêt de notre enseignement supérieur en déshérence internationale. Aujourd’hui, nous recevons « en pleine figure » les conséquences de cette baisse d’attractivité de notre enseignement supérieur: les étudiants étrangers ne veulent plus venir chez nous! Nous ne sommes plus assez bons! ». L’étude de Campus France révèle autre chose: le nombre d’étudiants français en mobilité diplômante vers l’étranger est en pleine croissance. Sur cinq ans, leur progression en pourcentage est près de quatre fois supérieure à celle des étudiants entrants et est supérieure à la moyenne mondiale. De plus en plus nombreux sont les étudiants français qui vont renforcer les institutions étrangères, qui, bien sûr, ne choisissent pas les plus mauvais. Nous sommes aussi au milieu du gué pour ce qui concerne nos implantations à l’étranger: nous n’exportons pas assez notre enseignement supérieur! (1)

Baisse suicidaire des investissements 

On ne mesure pas quelles vont-être les conséquences pour notre économie et notre vie sociale: nous avons déjà dit et écrit (2) que l’histoire récente confirmait que la compétitivité d’un pays était corrélé à la puissance de son enseignement supérieur et de sa recherche. Au train où vont les choses, nous sommes en train de « sortir du jeu », du jeu politique, car un enseignement supérieur faible est un lourd handicap pour une politique d’influence dans le monde, et du jeu économique, car nous n’aurons bientôt plus, faute d’innovation, qu’une seule issue, la bataille sur les coûts, c’est-à-dire sur notre pouvoir d’achat!

Face à cet étouffement annoncé, que faisons-nous? Rien! Nous perdons notre temps et notre énergie en chicayas (ne revenons pas sur les débats sur la langue française), en efforts pour essayer de rattraper des décisions destructrices de notre image (la circulaire Guéant, par exemple). A l’heure d’internet, à une époque où l’enseignement supérieur est devenu un « brand business », ce type de bévues se paie cash. Mais le plus grave est que, collectivement, nous refusons de voir le point essentiel: celui des ressources. Nous n’investissons pas assez, nous restons en % du PIB en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE  et au-delà des bonnes intentions de campagne électorale ou de fin de mandat, on ne sent pas une volonté partagée de faire de l’enseignement supérieur « la » priorité du pays. J’ai peur de dire « au contraire »: pour le fameux classement QS, 62 % des universités françaises classées connaissent une baisse de leur ratio professeurs/étudiants! « Il n’y a pas d’échec, il n’y a que des abandons », aurait-dit Einstein.

(1) B.Ramanantsoa, Q.Delpech. L'enseignement supérieur français par-delà les frontières : l'urgence d'une stratégie. France Stratégie, 2016.

(2) B.Ramanantsoa. Apprendre et oser. Albin Michel, 2015.

 
Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications