L'incohérence ne nuit pas à la bêtise !

Durcissement du slogan "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé" dans le cadre de la future loi de santé publique.

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Séance publique de l'Assemblée nationale.
Séance publique de l'Assemblée nationale. © assemblee-nationale.fr

Temps de lecture : 3 min

Dans la nuit - qui ne semble pas toujours porter conseil - du 17 au 18 mars, un amendement, en provenance d'un député PS de l'Isère Olivier Véran, a été adjoint à la future loi de santé publique. Cet ajout donnerait toute possibilité au ministère de la Santé de modifier le fameux slogan censé faire barrage à l'alcoolisme "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé" pour le durcir encore, par exemple "l'alcool tue" ou "le premier verre de vin donne le cancer" comme avaient tenté de le faire croire les lobbyistes de la prohibition avant d'être formellement démentis par le Haut Conseil de la santé publique. En donnant ainsi carte blanche au ministère de la Santé - où l'on sait que Claude Got, l'Ysengrin du bonheur malgré vous, a laissé des petits –- pour décider du contenu de ce "message sanitaire" et de l'usage de celui-ci, on fait peser sur la presse française une menace qui inciterait encore davantage à l'autocensure. Celle-ci s'exerce déjà pleinement dans certaines stations de radio où l'on ne manque pas, "par précaution" juridique, d'ajouter "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé" après l'intervention d'un journaliste alors que ce message est en principe uniquement destiné à accompagner la publicité.

À la télévision, c'est bien pire. Proposer à une chaîne un documentaire sur le vin - si ce n'est pour démontrer que les vignerons sont d'affreux pollueurs - relève d'une incroyable naïveté ou du suicide. Le vin, une des plus belles réussites françaises sur le plan tant culturel qu'économique, semble un thème impossible à traiter sans risquer la censure, les amendes et les tribunaux... Même chez les "insolents" de Canal Plus, il faut l'attentat contre Charlie Hebdo pour qu'un soir on montre une bouteille de vin et des gens qui en boivent. Dans les émissions grand public sur la gastronomie (Top Chef et autres), pas de vin. On déguste à la flotte les grands plats réalisés par les concurrents, au pays qui a réussi à faire classer au patrimoine immatériel de l'humanité le repas gastronomique à la française ! On pourrait penser qu'ainsi on a atteint le sommet de la bêtise là aussi à la française. Eh bien, non. Si l'amendement du sieur Véran (ne pas confondre avec le délicieux vin blanc saint-véran, bien plus affûté) est validé lors du débat à l'Assemblée nationale le 31 mars, ce sera un réel durcissement de la loi Évin. Pourquoi pas demain l'obligation de faire figurer à chaque article de la presse écrite sur le vin ou même sur les bouteilles "l'alcool tue". Franc succès assuré auprès des touristes venus visiter les vignobles !

D'une politique de modération à une logique d'interdit


Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères chargé du développement international qui a pris de très importantes initiatives en faveur du tourisme, de l'oenotourisme et de la communication à l'étranger "sur la qualité de notre accueil", apprécierait sans doute... "La filière viticole s'oppose fortement à cet amendement qui remettrait en cause le pouvoir du législateur, et durcirait encore davantage le cadre de la loi Évin. Au-delà, il traduit surtout la volonté de passer d'une politique de modération à une logique d'interdit, ce qui est inacceptable pour les 500 000 hommes et femmes qui élèvent le vin", a déclaré Joël Forgeau, président de Vin & Société. Un Joël Forgeau d'autant plus remonté que le président de la République et son Premier ministre lui avaient assuré lors du Salon de l'agriculture qu'il n'y aurait pas de durcissement de la loi Évin.

Cet amendement relèverait-il d'une nouvelle forme de fronde ? En effet, la même nuit du 17 au 18 mars, mais à l'inverse pourrait-on dire, un autre député PS, Denys Robiliard, du Loir-et-Cher, a justement déposé et fait adopter un second amendement dont le but est d'établir une définition claire de la publicité afin de donner du sens à la loi Évin. Qu'est-ce qui relève de la publicité, parfois camouflée, il est vrai, bien que cela ne trompe pas grand monde, et qu'est-ce qui relève effectivement de l'information journalistique ? Définir un vrai cadre serait d'une grande utilité et permettrait à la justice de disposer d'un arsenal moins flou. Ces dernières années, certains journaux ont été condamnés à de fortes amendes avec des arguments pour le moins arbitraires fournis par les prohibitionnistes.
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