La France mise sur la détection, la prévention et la "déradicalisation" dans la lutte contre le terrorisme (SYNTHESE)

Publié le 2016-10-19 à 00:34 | french.xinhuanet.com

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Par Claudine Girod-Boos

STRASBOURG, 18 octobre (Xinhua) -- Le préfet du département du Bas-Rhin (est de France) et de la zone de défense Est, Stéphane Fratacci, lors d'une rencontre avec la presse, mardi, à Strasbourg, a fait le point sur les modalités de la stratégie du gouvernement en matière de lutte contre la radicalisation dans l'Hexagone où le nombre d'individus susceptibles de constituer une menace terroriste est évalué à près de 15 000 selon les services de police et de renseignement.

Le département du Bas-Rhin, dont le chef-lieu est Strasbourg, fait partie des plus exposés en France par le phénomène de radicalisation, lié principalement à la montée du djihadisme. En juillet dernier, sept Alsaciens, connus comme la "filière de Strasbourg", poursuivis pour être allés en Syrie entre décembre 2013 et avril 2014, ont été condamnés à des peines allant de six à neuf ans de prison, assorties d'une période de sûreté des deux tiers.

La peine la plus lourde a été prononcée contre Karim Mohamed-Aggad, dont le frère Foued, qui était du voyage en Syrie, a été identifié comme l'un des kamikazes du Bataclan lors des attentats du 13 novembre à Paris.

"Depuis avril 2014 ont été mis en place des dispositifs forcément complexes et évolutifs pour accompagner la situation d'hommes et de femmes considérés comme en voie de radicalisation. Face à une situation inédite dans l'histoire de nos politiques publiques, il a fallu agir à très grande vitesse compte tenu des attentats dont notre pays a été victime", a déclaré, mardi, devant la presse, le préfet du département du Bas-Rhin et de de la zone de défense Est, Stéphane Fratacci.

Depuis deux ans et demi, "un peu plus de 740 appels de signalements" (la plupart émanant de l'entourage proche) ont été reçus dans le Bas-Rhin, a révélé le chargé de mission de la Préfecture Jean-Claude Herrgott. "Un tiers d'entre eux" se sont révélés "vides", notamment parce qu'ils relevaient de la "malveillance", a-t-il précisé. Sur les "environ 450" restant, "20% doivent relever d'un suivi".

Cela représente un total de "80 dossiers chauds", résume le Préfet Fratacci. "Des dossiers particulièrement actifs mais qui ne présentent pas forcément des éléments impliquant une judiciarisation", ajoute le représentant de l'Etat.

Dans le Bas-Rhin, on dénombre à ce jour "six assignations à résidence", et "trois ou quatre" perquisitions administratives réalisées depuis le mois de juillet et les nouvelles mesures sur les saisies informatiques, précise encore le Préfet.

Dans l'ensemble de la zone de défense qui regroupe 18 départements, le nombre de perquisitions administratives sur la même période approche les 90.

Environ "quinze à vingt" personnes domiciliées dans le Bas-Rhin auraient par ailleurs rejoint les rangs de l'Etat islamique (EI) et "une douzaine" de mineurs ont pu être empêchés de partir vers la zone syro-irakienne. Certains ont pu être récupérés en Turquie, en Hongrie, en Autriche ou en Allemagne. "C'est une course de vitesse", commente M. Fratacci.

La détection, l'accompagnement et la prévention sont les trois piliers de la politique gouvernementale face à la radicalisation, résume le Préfet. "Cela suppose un travail étroit entre les services de police, les services de la Préfecture et les autorités judiciaires. Il faut mettre en réseau les compétences. L'évaluation de la radicalisation est par définition complexe", explique-t-il. Les réseaux associatifs et les partenaires publics et privés sont également associés au cas par cas, ajoute-t-il.

Le profil de ceux communément appelés les "candidats au djihad", partis des dix-huit départements de la zone de défense Est, recoupe les données rassemblées à l'échelle nationale, rappelle le représentant de l'Etat.

Selon l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), les plus gros contingents de radicalisés se recrutent dans les zones urbaines (la région parisienne, le Nord, le Rhône, l'arc méditerranéen), "des zones à forte densité, d'anciens bassins industriels, foyers traditionnels d'immigration".

Les services de police et de renseignement français ciblent environ 15 000 individus représentant une menace terroriste qui sont recensés dans une base de données, créée en mars 2015 et mise en place en juillet 2015, appelée le "Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste" (FSPRT).

Ce fichier est renseigné par les services antiterroristes, les états-majors de sécurité (EMS) dans les départements et par l'exploitation des appels au numéro vert de la plateforme de signalement, lancée en avril 2014. Un appel sur dix au numéro vert donne lieu à un signalement. Le FSPRT est mis à jour au fur et à mesure des vérifications. Près de 1 200 noms ont été retirés et plusieurs centaines de fiches sont soit en veille, soit clôturées.

"Le FSPRT est le moyen pour nous de discuter en permanence avec nos collègues des autres services pour évaluer les cas dont nous n'aurions pas décelé la dangerosité", avait expliqué, en mai dernier, le patron du renseignement intérieur, Patrick Calvar, devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats.

Selon une enquête du Journal du Dimanche parue le 9 octobre dernier, 4 000 fichés au FSPRT, considérés comme les plus dangereux, sont suivis par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et plus de 5 000 par le Service central du renseignement territorial (SCRT).

Face à l'ampleur du phénomène, le gouvernement français a réfléchi à la création de "centres de déradicalisation". À la suite des attentats terroristes de janvier 2015, le député Sébastien Pietrasanta a été chargé par le Premier ministre d'une mission qui a donné lieu à un rapport intitulé "La déradicalisation, outil de lutte contre le terrorisme".

L'efficacité de tels dispositifs ne fait cependant pas l'unanimité. Dans la commune de Beaumont-en-Véron, en Indre-et-Loire (centre), le centre de déradicalisation voulu par le Premier ministre Manuel Valls, qui a ouvert ses portes en septembre, suscite les critiques des élus qui viennent d'interpeller le gouvernement, lui demandant notamment de "tenir intégralement ses engagements", notamment sur le profil des candidats à la déradicalisation.

De son côté, le magistrat Jean de Maillard, dans son article "Terrorisme et autres menaces", estime que les programmes de déradicalisation "sont généralement considérés par les pouvoirs publics comme des solutions d'ensemble face au problème de radicalisation alors qu'ils constituent une réponse individuelle pour quelques cas bien déterminés".

Lire aussi:

La France rend hommage aux victimes du terrorisme depuis septembre 2015

PARIS, 19 septembre (Xinhua) -- Le chef de l'Etat français François Hollande a présidé ce lundi matin une cérémonie d'hommage aux 230 victimes françaises du terrorisme depuis septembre 2015 en France et à l'étranger, à l'Hôtel des Invalides à Paris à laquelle assistaient près de 700 personnes.

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Publié le 2016-10-19 à 00:34 | french.xinhuanet.com

Par Claudine Girod-Boos

STRASBOURG, 18 octobre (Xinhua) -- Le préfet du département du Bas-Rhin (est de France) et de la zone de défense Est, Stéphane Fratacci, lors d'une rencontre avec la presse, mardi, à Strasbourg, a fait le point sur les modalités de la stratégie du gouvernement en matière de lutte contre la radicalisation dans l'Hexagone où le nombre d'individus susceptibles de constituer une menace terroriste est évalué à près de 15 000 selon les services de police et de renseignement.

Le département du Bas-Rhin, dont le chef-lieu est Strasbourg, fait partie des plus exposés en France par le phénomène de radicalisation, lié principalement à la montée du djihadisme. En juillet dernier, sept Alsaciens, connus comme la "filière de Strasbourg", poursuivis pour être allés en Syrie entre décembre 2013 et avril 2014, ont été condamnés à des peines allant de six à neuf ans de prison, assorties d'une période de sûreté des deux tiers.

La peine la plus lourde a été prononcée contre Karim Mohamed-Aggad, dont le frère Foued, qui était du voyage en Syrie, a été identifié comme l'un des kamikazes du Bataclan lors des attentats du 13 novembre à Paris.

"Depuis avril 2014 ont été mis en place des dispositifs forcément complexes et évolutifs pour accompagner la situation d'hommes et de femmes considérés comme en voie de radicalisation. Face à une situation inédite dans l'histoire de nos politiques publiques, il a fallu agir à très grande vitesse compte tenu des attentats dont notre pays a été victime", a déclaré, mardi, devant la presse, le préfet du département du Bas-Rhin et de de la zone de défense Est, Stéphane Fratacci.

Depuis deux ans et demi, "un peu plus de 740 appels de signalements" (la plupart émanant de l'entourage proche) ont été reçus dans le Bas-Rhin, a révélé le chargé de mission de la Préfecture Jean-Claude Herrgott. "Un tiers d'entre eux" se sont révélés "vides", notamment parce qu'ils relevaient de la "malveillance", a-t-il précisé. Sur les "environ 450" restant, "20% doivent relever d'un suivi".

Cela représente un total de "80 dossiers chauds", résume le Préfet Fratacci. "Des dossiers particulièrement actifs mais qui ne présentent pas forcément des éléments impliquant une judiciarisation", ajoute le représentant de l'Etat.

Dans le Bas-Rhin, on dénombre à ce jour "six assignations à résidence", et "trois ou quatre" perquisitions administratives réalisées depuis le mois de juillet et les nouvelles mesures sur les saisies informatiques, précise encore le Préfet.

Dans l'ensemble de la zone de défense qui regroupe 18 départements, le nombre de perquisitions administratives sur la même période approche les 90.

Environ "quinze à vingt" personnes domiciliées dans le Bas-Rhin auraient par ailleurs rejoint les rangs de l'Etat islamique (EI) et "une douzaine" de mineurs ont pu être empêchés de partir vers la zone syro-irakienne. Certains ont pu être récupérés en Turquie, en Hongrie, en Autriche ou en Allemagne. "C'est une course de vitesse", commente M. Fratacci.

La détection, l'accompagnement et la prévention sont les trois piliers de la politique gouvernementale face à la radicalisation, résume le Préfet. "Cela suppose un travail étroit entre les services de police, les services de la Préfecture et les autorités judiciaires. Il faut mettre en réseau les compétences. L'évaluation de la radicalisation est par définition complexe", explique-t-il. Les réseaux associatifs et les partenaires publics et privés sont également associés au cas par cas, ajoute-t-il.

Le profil de ceux communément appelés les "candidats au djihad", partis des dix-huit départements de la zone de défense Est, recoupe les données rassemblées à l'échelle nationale, rappelle le représentant de l'Etat.

Selon l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), les plus gros contingents de radicalisés se recrutent dans les zones urbaines (la région parisienne, le Nord, le Rhône, l'arc méditerranéen), "des zones à forte densité, d'anciens bassins industriels, foyers traditionnels d'immigration".

Les services de police et de renseignement français ciblent environ 15 000 individus représentant une menace terroriste qui sont recensés dans une base de données, créée en mars 2015 et mise en place en juillet 2015, appelée le "Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste" (FSPRT).

Ce fichier est renseigné par les services antiterroristes, les états-majors de sécurité (EMS) dans les départements et par l'exploitation des appels au numéro vert de la plateforme de signalement, lancée en avril 2014. Un appel sur dix au numéro vert donne lieu à un signalement. Le FSPRT est mis à jour au fur et à mesure des vérifications. Près de 1 200 noms ont été retirés et plusieurs centaines de fiches sont soit en veille, soit clôturées.

"Le FSPRT est le moyen pour nous de discuter en permanence avec nos collègues des autres services pour évaluer les cas dont nous n'aurions pas décelé la dangerosité", avait expliqué, en mai dernier, le patron du renseignement intérieur, Patrick Calvar, devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats.

Selon une enquête du Journal du Dimanche parue le 9 octobre dernier, 4 000 fichés au FSPRT, considérés comme les plus dangereux, sont suivis par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et plus de 5 000 par le Service central du renseignement territorial (SCRT).

Face à l'ampleur du phénomène, le gouvernement français a réfléchi à la création de "centres de déradicalisation". À la suite des attentats terroristes de janvier 2015, le député Sébastien Pietrasanta a été chargé par le Premier ministre d'une mission qui a donné lieu à un rapport intitulé "La déradicalisation, outil de lutte contre le terrorisme".

L'efficacité de tels dispositifs ne fait cependant pas l'unanimité. Dans la commune de Beaumont-en-Véron, en Indre-et-Loire (centre), le centre de déradicalisation voulu par le Premier ministre Manuel Valls, qui a ouvert ses portes en septembre, suscite les critiques des élus qui viennent d'interpeller le gouvernement, lui demandant notamment de "tenir intégralement ses engagements", notamment sur le profil des candidats à la déradicalisation.

De son côté, le magistrat Jean de Maillard, dans son article "Terrorisme et autres menaces", estime que les programmes de déradicalisation "sont généralement considérés par les pouvoirs publics comme des solutions d'ensemble face au problème de radicalisation alors qu'ils constituent une réponse individuelle pour quelques cas bien déterminés".

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PARIS, 19 septembre (Xinhua) -- Le chef de l'Etat français François Hollande a présidé ce lundi matin une cérémonie d'hommage aux 230 victimes françaises du terrorisme depuis septembre 2015 en France et à l'étranger, à l'Hôtel des Invalides à Paris à laquelle assistaient près de 700 personnes.

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