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Tout comprendre à l’affaire Balkany

Le député UMP Patrick Balkany, déjà mis en examen pour « blanchiment de fraude fiscale », a été mis en examen pour déclarations mensongères sur son patrimoine.

Par , et

Publié le 22 octobre 2014 à 13h52, modifié le 19 janvier 2016 à 16h49

Temps de Lecture 5 min.

Patrick et Isabelle Balkany, en novembre 2009 à Levallois-Perret.

Déjà mis en examen en octobre 2014 pour « blanchiment de fraude fiscale », « corruption » et « blanchiment de corruption », le député UMP des Hauts-de-Seine et maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, plus protégé par son immunité parlementaire depuis mars 2015, a de nouveau été mis en examen, vendredi 15 janvier, pour déclarations mensongères sur son patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Lire : Article réservé à nos abonnés Sur la piste de la fortune de Patrick Balkany

Pourquoi l'affaire ?

Officiellement, Patrick Balkany, très proche de Nicolas Sarkozy, et sa femme Isabelle déclarent des revenus d'environ 145 000 euros. Lui a déclaré, en 2012, 87 175 euros de revenus tandis qu'elle a été… non imposable, se voyant rembourser 6 000 euros du Trésor public après s'être déclarée en tant que « personne isolée » et donc bénéficié d'une demi-part fiscale supplémentaire.

Problème : les enquêteurs mettent en lumière un train de vie beaucoup plus important qu'annoncé. La seule déclaration de rémunération des employés à domicile pour l'année 2012 s'élève ainsi à… 127 000 euros.

L'enquête du pôle financier cible ainsi le patrimoine supposé important des Balkany, qui aurait été acquis par « un schéma sophistiqué de fraude » par le biais de sociétés écrans et de comptes offshore. L'étude des comptes du couple montre également un train de vie fastueux (voyages, dépenses diverses).

Les éléments qui accréditent l'hypothèse de revenus et patrimoine non déclarés

1. Des dépenses importantes régulières

Le train de vie des Balkany tel qu'analysé par Tracfin, l'organisme anti-blanchiment de Bercy, semble incohérent avec leurs revenus, Patrick Balkany ayant par exemple déclaré 87 175 euros de revenus en 2012, contre 50 683 euros pour Isabelle. Cette année-là, les comptes du premier affichaient un solde positif de 375 000 euros mais avec des mouvements atteignant 2 millions d'euros en crédit, contre 325 000 euros pour ceux de la seconde avec des mouvements jusqu'à 5,2 millions d'euros.

Le couple est officiellement propriétaire d'une luxueuse maison à Giverny, dans l'Eure, et locataire d'un deux pièces de 34 m² à Levallois-Perret. Leurs dépenses, passées au crible par la cellule d'investigation financière, affichent des montants importants, comme 15 000 euros de décoration, prêt à porter ou courses au Maroc entre décembre 2008 et octobre 2009, 40 000 euros de décoration à Saint-Martin en cinq ans. Au total, les cartes bleues des Balkany affichent des débits allant jusqu'à 360 000 euros pour une année, bien loin de leurs revenus déclarés.

2. Un virement de 5 millions de dollars

Au cours de son enquête, Tracfin a relevé un mouvement financier suspect entre un industriel belge situé en République démocratique du Congo, George Forrest, et la société Himola Company Corp, basée au Panama et dont le bénéficiaire économique est Jean-Pierre Aubry, bras droit de Patrick Balkany à la mairie de Levallois-Perret. Deux virements de 2,5 millions de dollars (3,6 millions d'euros au total à l'époque) ont ainsi transité les 22 et 29 juin 2009. Soit juste avant l'achat soupçonné par le couple du ryad marocain de Dar Gyucy.

Mais ces transactions n'étaient pas liées directement à M. Balkany. C'est désormais chose faite avec le témoignage de George Forrest au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke le 18 septembre. L'industriel a expliqué que Patrick Balkany avait servi d'intermédiaire lors du rachat d'une société d'exploitation d'uranium opérant en Namibie.

« Comme M. Balkany m'avait apporté l'affaire et que tout commissionnaire reçoit une commission, j'ai négocié avec M. Balkany à 1 %. On a arrondi à 5 millions de dollars. »

George Forrest a assuré que c'est bien « M. Balkany lui-même » qui « dans son bureau à la mairie de Levallois, a noté sur un bout de papier » le numéro de compte de Himola à Singapour.

Un autre témoignage a permis de lier Patrick Balkany à la société Himola. Entendue par la justice le 24 septembre, la gestionnaire de fonds Diana Brush, directrice de la société suisse Gestrust, elle-même propriétaire de Himola, a assuré que « le véritable propriétaire de Himola était M. Balkany ».

3. La somptueuse villa « Pamplemousse » à Saint-Martin aux Antilles

Les enquêteurs suspectent également le couple Balkany d'être propriétaire, sans la déclarer, d'une somptueuse villa à Saint-Martin, dénommée « Pamplemousse ». Cette demeure est possédée par une société basée au Liechtenstein, Real Estate French West Indies, dont le bénéficiaire économique (la personne qui peut effectuer des opérations sur et par le compte bancaire) n'est autre que… Isabelle Balkany. De son côté, Patrick Balkany est lui titulaire d'un contrat d'assurance habitation pour cette villa.

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De plus, les enquêteurs ont mis en lumière « une fréquentation constante [du couple] de l'île de Saint-Martin entre mars 2007 et la période récente » avec « près d'une centaine de paiements identifiés » (au moins 11 séjours d'Isabelle Balkany, 13 de Patrick Balkany). Leur fils Alexandre s'est lui aussi « régulièrement rendu à Saint-Martin au cours des années 2012-2013 » alors que « quasiment aucune dépense hôtelière [n'a été] enregistrée lors de ses déplacements ».

Placée en garde à vue puis mise en examen en mai pour « blanchiment de fraude fiscale », Isabelle Balkany a admis être « propriétaire de cette maison depuis 1997 », acquise « avec des fonds parfaitement licites », selon son avocat, Me Grégoire Lafarge. Il a reconnu que cette villa n'avait « pas été régulièrement déclarée, l'ISF n'a pas été réglé ».

4. Une autre villa luxueuse, au Maroc

Le couple Balkany nie toutefois être propriétaire d'une autre demeure somptueuse, à Marrakech celle-là. La villa « Dar Gyucy », située à Marrakech, fait l'objet d'un complexe montage de sociétés-écrans et au financement flou. Elle a été achetée par la société civile immobilière (SCI) « Dar Gyucy », créée en août 2009 et dont le bénéficiaire économique est Jean-Pierre Aubry, le bras droit de Patrick Balkany à Levallois-Perret. Or les enquêteurs ont constaté que ce dernier, officiellement le propriétaire de la demeure, a séjourné à l'hôtel lors de voyages à Marrakech.

Il n'y a pas de lien direct entre la villa « Dar Gyucy » et le couple Balkany. La SCI « Dar Gyucy » est possédée à 1 % par Diana Brush, la gestionnaire de fonds citée précédemment, et à 99 % par une autre société, Haydrige Investments Group Corp. Cette dernière, basée au Panama, est présidée par Marc Angst, qui n'est autre que le président de Gestrust, la société qui emploie… Diana Brush. La villa a été financée, pour un montant de près de 3 millions d'euros, par deux sociétés égyptiennes, dont à laquelle participe le cheikh milliardaire Mohamed Bin Issa Al-Jaber, qui a réalisé plusieurs investissements importants à Levallois-Perret.

Mais les enquêteurs disposent d'un faisceau d'indices sur les propriétaires réels de la villa. Le compte bancaire de la SCI « Dar Gyucy » a ainsi été alimenté à plusieurs reprises par Julien Balkany, demi-frère de Patrick, en 2011, 2012 et 2013, tandis qu'Alexandre, le fils du couple, a lui versé 45 000 euros au total en 2012 et 2013.

Par ailleurs, l'analyse des dépenses par carte bancaire d'Isabelle Balkany montrent d'importantes dépenses d'ameublement et de décoration, sur Internet (pour un montant total de 18 266 euros) ainsi qu'à Marrakech (au moins 15 000 euros), entre décembre 2008 et janvier 2010, juste après le versement de 5 millions de dollars – or, la villa « Dar Gyucy » a été acquise en janvier 2010. Et là encore, les séjours marocains très fréquents des Balkany ainsi que de leur fils, « sans dépense hôtelière », ont alimenté les soupçons des enquêteurs.

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