Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des Territoires, est mis en cause pour avoir permis à sa compagne de réaliser une opération immobilière avec la Mutuelle de Bretagne dont il était directeur général, selon le Canard Enchaîné. Comment réagissez-vous?
En 2011, Richard Ferrand a utilisé ses fonctions pour permettre à sa compagne de réaliser une opération immobilière juteuse. A priori, cette décision n’est pas illégale et il n’y a pas d’angle d’attaque pénal. Mais elle est moralement condamnable, d’autant que Richard Ferrand a bien siégé au conseil d’administration de la mutuelle qui a décidé de réaliser cette opération immobilière. Ces pratiques de népotisme qui avantagent un membre de la famille ne sont pas acceptables. Certes, l’opération est réelle alors que d’autres élus sont mis en cause pour des emplois fictifs de membres de leur famille. Mais ce n’est pas satisfaisant. Richard Ferrand doit en tirer toutes les conséquences.
C’est-à-dire ? Doit-il démissionner?
Oui. Emmanuel Macron a voulu un projet de loi de moralisation de la vie publique, qui n’est pas un terme du code pénal. On se situe sur le terrain de la morale politique. La démission de Richard Ferrand est nécessaire afin de ne pas affaiblir cette ambition de moralisation de la vie politique.
Vous avez été reçu par François Bayrou, le Garde des Sceaux, qui prépare le projet de loi sur ce sujet. Quelle a été votre impression?
Positive car c’est la première fois que l’exécutif reçoit les associations anti-corruption, très en amont, avant la présentation du projet de loi. Il nous a beaucoup écouté et a peu parlé. Nous avons l’espoir que ce projet de loi marque notre démocratie pour les dix ou quinze prochaines années, comme l’avait fait la loi Sapin 1 contre la corruption, en 1993. Le diagnostic des ONG, des parlementaires comme René Dosière ou de rapports, comme celui de Jean-Louis Nadal, le président de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique, est aujourd’hui partagé. Mais rien n’est acquis.
Quelles sont vos craintes?
Nous avons le choix entre nettoyer les écuries d’Augias ou brosser le poney ! Les mesures portées par Emmanuel Macron dans sa campagne sont positives : l’interdiction de toute embauche, par un élu ou un ministre, d’un membre de sa famille et l’interdiction pour les parlementaires d’exercer des activités de conseil parallèlement à leur mandat ; le contrôle de l’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et l’encadrement du lobbying, plus ambitieux que celui prévu dans la loi Sapin II ; enfin, l’interdiction pour tous les détenteurs d’un casier judiciaire de se présenter à une élection.
Que manque t-il alors?
Il faut beaucoup mieux contrôler l’argent des partis politiques, en confiant leur certification des comptes à la Cour des comptes. Nous proposons aussi de supprimer la réserve parlementaire, un outil du clientélisme, qui permet à nos élus d’attribuer des subsides de façon discrétionnaire. Surtout, il faudrait lancer une réforme de notre système judicaire, en supprimant tout lien hiérarchique entre le ministre de la Justice et les procureurs et en mettant fin au « verrou de Bercy », qui filtre les plaintes déposées devant la justice pour fraude fiscale. Comme le président Macron l’a dit après son élection, il faut avoir de l’audace.
Propos recueillis par Thierry Fabre
Voir toutes les réactions