Quoi qu’en disent les nostalgiques du Remake 2000 ou ceux qui cultivent une hostilité viscérale envers Navin Ramgoolam ou Paul Bérenger, l’alliance Travailliste-MMM a toujours de très bonnes chances d’être conclue. Mais loin de se faire dans la sérénité, la clôture du deal est marquée par le sceau de la méfiance.

Pendant que le leader des rouges affirme qu’il ne reste que « quelques points à peaufiner », le patron du MMM précise que ceux-ci ne sont pas « fondamentaux ». C’est ce qui explique probablement pourquoi plusieurs versions écrites de l’accord scellant l’alliance rouge-mauve existent déjà. Mais voilà, la version finale n’a toujours pas été arrêtée par les deux leaders politiques. Pire, au lieu de s’entendre pour clore cette ultime phase, les deux hommes se sont engagés dans une guerre des nerfs à distance. Par médias, déclarations de presse, voire silences interposés.

Il y a quelque chose de surréaliste à voir deux hommes appelés à occuper ensemble les deux plus hautes fonctions de l’Etat se comporter de la sorte. A croire que la cordialité et la sympathie, pourtant réelles, qui les unissent sont inversement proportionnelles à la confiance qui règne entre eux.

C’est vrai que sur la question de la confiance, Ramgoolam et Bérenger ont un lourd passé. Les deux chefs politiques se sont en effet souvent trahis, parfois pour devancer l’autre dans la conclusion d’une alliance avec un troisième parti. Des mots très durs ont également été échangés, notamment sur le ton « mo pou fini zot ». L’homo politicus a beau avoir le cuir épais, les blessures du passé laissent parfois des cicatrices douloureuses.

Plus fondamentalement, pour reprendre le mot du moment, des différences de base existent aussi dans le style des deux hommes. Certes, les deux sont autocrates et aiment centraliser la prise de décision. Mais là où l’un cultive un féroce appétit de dévorer les dossiers, l’autre prend un temps infini pour peser toutes ses options sur chacun d’entre eux. Le résultat est le même : beaucoup de temps perdu. Si les méthodes demeurent diamétralement opposées, mises côte à côte, elles augurent néanmoins d’un même résultat : le clash.

Ramgoolam et Bérenger se sont pratiqués pendant suffisamment longtemps pour savoir exactement ce qui les sépare. Les deux hommes ont donc parfaitement mesuré leurs différences et divergences avant de se lancer dans le long et délicat processus de conclusion d’une alliance à l’ampleur jamais égalée. Puisqu’elle s’accompagne d’importants changements/arrangements institutionnels.

Alors pourquoi ces tergiversations de dernière heure ? Les futurs mariés décrivent parfois cette angoisse de dernière minute qui les pousse à se demander s’ils sont en train de prendre la bonne décision. Vraisemblablement, dans le couple Ramgoolam-Bérenger, c’est le patron des travaillistes qui semble davantage gagné par cette angoisse. Sans doute parce que cette alliance signifie le renoncement à une certaine part de la liberté auquel il a goûté depuis juillet 2005.

Choisir, c’est renoncer, dit l’adage. Ramgoolam peut choisir l’alliance susceptible de lui donner la stature qu’il pense mériter tout en dirigeant le pays dans le style qu’il souhaite. Ce choix implique néanmoins la perte de sa main mise quasi-totale sur toutes les décisions peu ou prou importantes prises dans la sphère publique et même au-delà. Il n’est pas évident de faire le deuil de sa toute-puissance. Ramgoolam a probablement besoin de temps pour cela. Bérenger le comprend sans doute. Mais pour encore combien de temps ?

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