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Un lycéen menacé de mort pour avoir publié un journal spécial «Charlie Hebdo»

Un élève scolarisé dans le Val-de-Marne et rédacteur en chef du journal de son lycée est l’objet de menaces de mort répétées depuis fin janvier. Une manifestation de soutien a été organisée.
par LIBERATION, avec AFP
publié le 21 mai 2015 à 17h26

Louis, 17 ans, a reçu sept menaces de mort depuis fin janvier, dont deux comportant une ou plusieurs balles. Car cet élève du lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés (dans le Val-de-Marne) a fait paraître le 22 janvier un numéro spécial Charlie Hebdo dans La Mouette bâillonée, le journal de son lycée.

Dans ce numéro titré «Je suis Charlie», les élèves pouvait y lire des billets d'humeur, des poèmes, des dessins, mais aucune caricature de Mahomet. «C'était un hommage aux 17 victimes sans discrimination, pour les juifs, les journalistes, les policiers», explique Louis.

Croix gammée, cercueil et lettre de menace de mort

Ce lycée réputé de de 2 300 élèves a été directement touché par les attentats. Un élève y a perdu son père, le correcteur Mustapha Ourrad, dans l'attaque de Charlie Hebdo, tandis qu'une autre a vu son oncle décéder lors de la prise d'otage d'Amédy Coulibaly dans l'Hyper Cacher à Vincennes.

Mais dès le lendemain de la diffusion de ce numéo de soutien à l'hebdomadaire, Louis découvre dans la boîte aux lettres de son journal une enveloppe contenant la Une du fameux numéro sur laquelle ont été agrafés une croix gammée, un cercueil et une lettre de menace de mort. Il dépose plainte au commissariat de Saint-Maur qui ouvre une enquête. Mais depuis, il en a reçu sept et la dernière, qui remonte à début mai, avait «un goût d'ultimatum» selon lui.

Louis, «très affecté psychologiquement» selon sa mère qui ne «comprend pas l'acharnement» que subit son fils, confie ne «dormir que quelques heures par nuit», «ne plus sortir seul dans la rue» et se déplacer avec «deux bombes lacrymogènes» en permanence sur lui. Chaque soir, il est raccompagné chez lui à la sortie des cours par le proviseur ou son adjointe.

Un droit de retrait des enseignants

Plusieurs enseignants ont décidé d’exercer leur droit de retrait jeudi et se sont rassemblés avec de nombreux élèves à midi devant l’entrée du lycée, pour manifester leur soutien à cet élève, inscrit en classe de Première.

«Cela dure depuis des mois. Au début, nous n'avons rien dit pour laisser l'enquête se faire, mais rien de concret n'a été fait», déplore Pascale Morel, professeure d'histoire, pour justifier le débrayage. Elle s'indigne du silence du ministère de l'Education nationale, «qui a pourtant fait de la lutte contre le harcèlement l'une de ses prioriés». Le proviseur de l'établissement n'a pas souhaité commenter.

 «La liberté d'expression est menacée. 11 janvier, 21 mai, même combat» s'alarme le journal du lycée La Mouette bâillonée dans un communiqué. 

«Cette affaire est prise très au sérieux», indique une source judiciaire. «Plusieurs auditions d'enseignants et d'élèves ont déjà eu lieu et des analyses biologiques» sur les lettres sont en cours, précise cette source.

Une délégation de six personnes, composée de professeurs et de parents d'élèves, doit être reçue vendredi matin par le rectorat de Créteil. «La situation est préoccupante», confie Vincent Auber, directeur académique adjoint du département. «Nous avons été réactif dès la première lettre, nous avons vu et reçu l'élève à plusieurs reprises, mais nous ne souhaitions pas interférer dans l'enquête en cours, surtout qu'il s'agit d'un mineur.»

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