VIOLENCES - Une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir déjà subi des violences sexuelles. Dans 81% des cas, les victimes sont des mineurs. Dans 94% des situations, les agresseurs sont des proches. Voici quelques-uns des chiffres alarmants que rapporte ce 1er mars une enquête de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, avec le soutien de l'UNICEF France.
Cette étude nationale a été réalisée de mars à septembre 2014 sur 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans, dont 95% de femmes. Le but de cette enquête conçue par Muriel Salmona, psychiatre et psychotraumatologue, Présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, est d'"évaluer l'impact des violences sur leur vie et leur parcours de prise en charge".
Les questions - 184 au total - ont été diffusées sur les sites et réseaux sociaux de l'association. Elles étaient divisées en trois grands groupes: sur les violences sexuelles subies, sur le parcours judiciaire, et sur la santé et la prise en charge médicale. Les réponses étaient anonymes.
70% des personnes interrogées ont déclaré avoir subi des violences sexuelles, 68% au moins un viol, et 40% rapportent une situation d'inceste.
Une victime sur deux agressée avant 11 ans
Parmi ces victimes, 8 sur 10 ont déclaré que les faits se sont déroulés lorsqu'elles étaient encore mineures. Une sur deux avait moins de 11 ans. Une sur cinq moins de 6 ans.
Selon un rapport de l'OMS rendu public en 2014, 20% des femmes et 5 à 10% des hommes dans le monde ont subi des violences sexuelles pendant leur enfance.
Ces agressions sur mineur sont très souvent liées à l'inceste. Dans 70% des cas, lorsque la victime a moins de 6 ans, l'agression est incestueuse. "Mon père m'a violé en moyenne 3 à 4 fois par semaine pendant plus de dix ans", témoigne l'une des victimes.
C'est très compliqué d'avoir des chiffres, année par année, sur les mineurs victimes de viols, pour la simple raison qu'il faut demander l'autorisation à ses responsables légaux.
94% des agresseurs sont des proches
Selon cette enquête, dans 96% des cas, l'agresseur est un homme. Dans 94% des situations, c'est un proche qui commet l'agression sexuelle. Ainsi, un enfant victime sur deux est agressé par un membre de sa famille. Dans un cas sur 4, l'agresseur lui-même est mineur.
A l'âge adulte, un viol sur deux serait un viol conjugal. Seuls 18% des viols de personne majeure seraient causés par un inconnu.
Le tableau ci-dessous donne un aperçu édifiant de ces faits:
Fin janvier de cette année, une campagne organisée par le Collectif féministe contre le viol (CFCV) rappelait que "près de 80% des agresseurs sont des proches". Si l'enquête actuelle estime ce chiffre à 94%, c'est parce qu'elle y inclut les mineurs.
Ces agressions sont lourdes de conséquences sur la santé mentale et physique des victimes. Le rapport de l'enquête montre que 96% des victimes agressées dans l'enfance ont des conséquences sur leur santé mentale: anxiété, idées suicidaires, dépression, phobies... La liste est longue. Il en va de même pour les conséquences physiques, que connaissent 69% des victimes agressées dans l'enfance: douleurs chroniques, troubles alimentaires...
Des conséquences d'autant plus graves quand l'agression était incestueuse: "plus la victime est jeune au moment des faits, plus l'agresseur est proche de la victime, plus il a d'autorité sur elle, et plus l'impact sur sa qualité de vie et le risque qu'elle tente de de suicider sont importants", précise le rapport.
Cette enquête comporte quelques limites, que les auteurs admettent eux-mêmes. D'une part, certaines parties de la population, notamment les hommes, sont sous-représentées. L'échantillon n'est pas non plus représentatif de la population des victimes de violences sexuelles. Les questions ayant été diffusées en ligne, les chercheurs émettent l'hypothèse que les personnes ayant répondu ont plus conscience des traumatismes qu'elles ont subi qu'une grande partie des victimes qui refoulent ou n'osent pas porter plainte.
Quoi qu'il en soit, l'association et l'UNICEF espèrent que ces chiffres vont permettre aux pouvoirs publics de prendre conscience de "l'enfer que [les victimes] vivent ainsi que de la solitude et la souffrance dans lesquelles le déni ambiant les emmure". Et rappeler que les principales victimes sont des enfants, et les principaux agresseurs des personnes qui leur sont proches.