"La Freebox ne marche pas. J'attends le retour de Quentin." Anne est chez elle. Quentin, son grand ado à l'appétit de vie incompressible, est sorti. Il était supposé rentrer deux heures plus tôt mais, quand il émergera, prudence avant de l'enguirlander. Pas question qu'il claque la porte sans rallumer la Freebox.
Depuis quelques années, sous l'effet des nouvelles technologies, on assiste dans les foyers à une subtile inversion de l'autorité. Si les familles étaient des entreprises, les enfants en seraient les directeurs techniques. Et, comme tout le monde le sait, non seulement les directeurs techniques sont invirables (ils pourraient partir avec les codes), mais ils sont généralement les mieux traités de la boîte. Alors, un peu comme on tente de faire illusion en réunion au travail en écoutant le directeur informatique rappeler ses contraintes, on essaie face à nos enfants de masquer notre ignorance par des phrases très vagues. "Tu peux me remettre mon écran comme il était ?"
LE CONTRÔLE PARENTAL HACKÉ
Dans les entreprises, certains ont mis en place du "reverse mentoring", qui voient de jeunes employés aider les plus anciens à se familiariser avec les nouvelles technologies. Mais dans les entreprises, tout le monde est adulte. Qu'en est-il quand on a besoin de l'aide de ses enfants pour utiliser des outils dont on est censé réguler leur consommation ? Un dessin publié dans le New Yorker le résumait ainsi : "Pour la fête des pères, j'offre à mon père une heure de maintenance technique gratuite."
Parents de quatre enfants, Nathalie et Bertrand ont installé un logiciel de contrôle parental sur l'ordinateur familial. Quand le journal de contrôle a indiqué plusieurs semaines de suite que Félix, 16 ans, n'avait pas consulté Internet de la semaine, ils ont eu un doute. Félix s'était installé en administrateur du logiciel.
Le pédiatre Aldo Naouri a beau appeler au retour de l'autorité parentale - remettre les parents en haut et les enfants en bas -, il n'apprécie pas qu'on parle d'inversion de l'autorité sur ce sujet. Les juniors agiles et les parents interdits devant des innovations, c'est intemporel selon lui. Il ne voit pas quel est le problème à mendier de l'aide. "La génération du dessous veut plaire à celle du dessus. Ça lui permet de se sentir appréciée." Peut-être dit-il ça parce que, ce matin, sa machine à laver est tombée en panne et qu'il a commencé par appeler son fils. La ductilité des jeunes face à l'innovation est certainement intemporelle. Mais les divertissements dont il fallait écarter les enfants étaient autrefois plus simples, parole de vieux.
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