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Une dernière journée marathon avant l’adoption d’un « accord décisif pour la planète »

La COP21 s’est achevée, samedi au Bourget, par l’adoption d’un texte universel et contraignant pour lutter contre le réchauffement climatique.

Le Monde

Publié le 12 décembre 2015 à 13h40, modifié le 14 décembre 2015 à 12h24

Temps de Lecture 6 min.

Au terme de deux semaines d’intenses tractations, 195 pays ont adopté, samedi 12 décembre, l’accord de Paris, un accord universel et contraignant visant à contenir le réchauffement planétaire, marquant une étape historique dans les négociations climatiques.

La séance plénière a débuté avec près de deux heures de retard, réglant quelques problèmes liés à la conformité juridique et linguistique du texte. Pas d’objection, le président de la COP21, le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius, a donc donné le coup de marteau marquant l’adoption formelle de cet accord, saluée par une longue ovation.

Le président François Hollande a assuré que « la France mettra tout en œuvre pour appliquer l’accord, mais aussi pour accélérer le mouvement ». Il s’est engagé à réviser à la hausse les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France « au plus tard en 2020 », et à former une coalition avec d’autres pays pour aboutir à un prix du carbone. « Le 12 décembre 2015 restera une grande date pour la planète. A Paris, bien des révolutions se sont déroulées, mais aujourd’hui, c’est la plus belle des révolutions, la plus pacifique, la révolution pour le changement climatique », a-t-il conclu.

« Rendez-vous à Marrakech »

« Nous acceptons ce texte sans amendement », a lancé une déléguée d’Afrique du Sud, représentante du groupe – déterminant dans les négociations – G77 + la Chine. « L’accord de Paris, c’est un grand pas en avant pour les pays en développement. » « Il est crucial que les pays développés renforcent leurs actions, et qu’il y ait un soutien suffisant aux pays en développement », a-t-elle tenu à rappeler.

Certains points continuent toutefois de fâcher. Le représentant du Nicaragua, craignant d’arriver à un réchauffement de 3 °C, a notamment demandé d’ajouter et de supprimer certains extraits, avertissant : « Nous ne pouvons pas accompagner ce consensus. » L’Inde aurait aimé « un accord plus ambitieux », estimant que le texte ne garantit pas le respect du seuil de réchauffement sous 2 °C et que « les mesures des pays développés ne sont pas proportionnelles à leur responsabilité historique ». Et Laurent Fabius a précisé qu’il conduirait des consultations avec l’Afrique, qui souhaite voir sa vulnérabilité face au changement climatique mieux reconnue, afin de bénéficier de financements supplémentaires.

La représentante du Maroc, qui prendra la présidence de la prochaine COP22, a quant à elle lancé la suite du « combat », avec un grand enthousiasme : « Aujourd’hui, nous avons pour la première fois un accord holistique et transformationnel qui remet l’homme et sa planète au centre des priorités internationales. » « Rendez-vous à Marrakech » du 7 au 18 novembre 2016.

« Le meilleur équilibre possible »

En fin de matinée, Laurent Fabius, en présence du président François Hollande et du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, avait présenté, avec une très vive émotion, le texte issu d’une dernière nuit de négociations : un « projet d’accord ambitieux et équilibré », « juste, durable, dynamique et juridiquement contraignant ».

Le texte de 29 articles et 31 pages précise, a-t-il dit, les « responsabilités différenciées des pays » dans les efforts contre le réchauffement, dans cinq domaines différents. Il maintient un seuil de réchauffement « bien en deçà de 2 °C », en s’efforçant de le limiter à 1,5 °C. Il évoque une « nécessaire coopération sur les pertes et dommages », et fait de la somme de 100 milliards de dollars promis par les pays du Nord d’ici à 2020 une somme « plancher » pour après 2020, avec un nouvel objectif chiffré défini en 2025.

« Le temps est venu de nous concentrer non plus sur les lignes rouges, mais sur les lignes vertes d’un compromis universel », a affirmé le chef de la diplomatie française. Le texte est « le meilleur équilibre possible, à la fois puissant et délicat, qui permettra à chaque délégation de rentrer chez soi la tête haute et avec des acquis importants ». « Le monde retient son souffle », a-t-il conclu.

Hollande : « l’accord décisif pour la planète, c’est maintenant »

François Hollande a succédé à Laurent Fabius et à Ban Ki-moon à la tribune pour présenter cet « accord universel, contraignant et différencié ». Appelant à dépasser les dernières divergences et exigences pour adopter l’accord, le chef de l’Etat français a prévenu : « On ne sera pas jugés sur une phrase, mais sur un texte dans son ensemble, pas sur un mot mais sur un acte, pas sur un jour mais sur un siècle. » « Il n’y aura pas de sursis possible, l’accord décisif pour la planète, c’est maintenant », a-t-il poursuivi, recyclant son slogan de campagne.

« Le 12 décembre 2015 peut être une grande date pour l’humanité, un message de vie. Et je serais personnellement heureux, presque soulagé, fier, qu’il soit lancé de Paris, ce message-là, car Paris a été meurtri il y a tout juste un mois, jour pour jour. Nous vous demandons donc d’adopter le premier accord universel sur le climat de notre histoire. Il est rare d’avoir dans une vie l’occasion de changer le monde, saisissez-la, pour que vive la planète, vive l’humanité et vive la vie. »

Un « vrai tournant »

Loué comme un « vrai tournant » par Jennifer Morgan, du World Resources Institute, l’accord lance un « signal fort indiquant que les gouvernements sont engagés à s’aligner sur la science » en établissant un seuil de réchauffement à 2 °C, avec une référence au seuil de 1,5 °C, d’après Tasneem Essop, la chef de la délégation du WWF pour la COP21. « Ce dont nous avons besoin maintenant c’est qu’ils accélèrent leurs actions, en termes de réductions de leurs émissions et de soutiens financiers, pour tenir cette limite. »

Certaines ONG se montrent toutefois assez critiques : « Les pays à l’origine du problème ont promis trop peu d’aide pour les populations sur les lignes de front du dérèglement climatique », estime Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International. May Boeve, directrice de 350.org, déplore « l’exclusion de la mention sur les droits des peuples indigènes, l’absence de financement pour les pertes et dommages, et (…) le fait que les engagements actuels des pays conduisent toujours vers un réchauffement de 3 °C ». Maxime Combes, porte-parole d’Attac France sur les enjeux climatiques, dénonce, lui, « l’absence d’engagements chiffrés de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour les années à venir ; sans feuille de route clairement établie, y compris en matière de financement, nous avons affaire à un accord sans ambition… ».

Nombre de chefs d’Etat ont de leur côté salué cet accord jugé « historique ». « Il reste encore beaucoup de travail à accomplir », a réagi la chancelière allemande Angela Merkel, mais l’accord « est un signe d’espoir ». « Le problème n’est pas résolu grâce à l’accord de Paris, mais ce dernier établit le cadre durable dont le monde a besoin pour résoudre la crise climatique », a lancé le président américain Barack Obama. Le premier ministre britannique David Cameron s’est réjoui d’un accord qui « sécuris(e) notre planète pour de nombreuses générations à venir ». « Historique est un adjectif souvent employé abusivement en politique, mais l’accord d’aujourd’hui mérite cette qualification », a de son côté renchéri le président du Parlement européen Martin Schulz.

Banderoles et fresques humaines

Pendant que les négociations s’achevaient au Bourget, la mobilisation battait son plein à Paris et en province pour réaffirmer l’urgence de l’action en faveur de la justice climatique : immense banderole de tissu symbolisant les lignes rouges des pays dans les négociations climatiques ; fresque humaine géante dessinant le message « Climate, Justice, Peace » sur une carte interactive de Paris ; minute de silence pour les victimes du réchauffement climatique… Sur le Champ de Mars, elle a réuni, selon les organisateurs, plus de 20 000 personnes, et au total plus de 30 000 personnes selon la Coalition 21 climat, qui regroupe 130 organisations de la société civile.

Le projet d’accord a été finalisé à l’aube samedi, après une troisième nuit d’affilée de négociations entre les 195 pays partis à la conférence de l’ONU, et avec un jour de retard sur la date prévue pour la clôture de la COP. Ces deux derniers jours, des chefs d’Etat, notamment de la Chine, des Etats-Unis, de la France, de l’Inde et du Brésil, ont eu des entretiens téléphoniques pour faire avancer les négociations. Dans la nuit de jeudi à vendredi, une réunion de négociations avait vu les positions de certains pays se raidir, faisant craindre un blocage.

 

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