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« Charlie Hebdo » interpelle les candidats sur la laïcité

Pour la première fois de son histoire, l’hebdomadaire intervient dans une campagne électorale pour demander des engagements aux politiques.

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Publié le 21 février 2017 à 08h53, modifié le 22 février 2017 à 07h00

Temps de Lecture 4 min.

« Jamais, depuis le vote de la loi de 1905, la laïcité n’a été autant attaquée ou instrumentalisée », regrette Charlie Hebdo dans un texte à paraître mercredi 22 février, dans ses colonnes, pour interpeller les candidats à la présidentielle.

« De procès en “islamophobie” en remise en cause du droit à l’avortement, de revendications communautaires en Manif pour tous, de “mode du burkini” en “racines chrétiennes”, de “particularismes culturels” en “défense de l’identité”, jamais les affaires publiques n’ont été autant à la merci des ingérences religieuses, menaçant la liberté de conscience et l’égalité des droits », insiste l’hebdomadaire.

Pour la première fois de son histoire, le journal, qui a vu sa rédaction décimée dans un attentat, le 7 janvier 2015 (douze personnes ont été tuées, dont huit membres de l’équipe de rédaction), intervient dans une campagne pour demander des engagements aux politiques. « C’est une espèce de garantie. Nous avions l’impression que les candidats passaient un peu vite sur les questions de laïcité », explique le directeur, ­Laurent Sourisseau, dit Riss.

Ne pas altérer la loi du 9 décembre 1905

Concrètement, Charlie Hebdo souhaite que les politiques s’engagent sur trois points. D’abord, ne pas modifier, « de quelque manière que ce soit », la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. Au passage, « c’est une façon d’obliger à lire » ce texte, « rigoureux et sévère », commente Riss.

Le journal demande aussi aux candidats de ne pas introduire dans la législation « des aménagements particuliers à l’égard d’une communauté religieuse ». Une référence au concept d’« accommodements raisonnables » : popularisé au Canada puis dans le monde anglo-saxon, le terme désigne certaines dérogations à la loi visant à éviter des discriminations.

Riss cite par exemple les tribunaux islamiques de Londres, sollicités pour des questions comme le divorce, ou des écoles françaises confessionnelles musulmanes, « presque clandestines ». « Il ne faudrait pas que des pratiques religieuses à la limite de la loi soient entérinées par la République », explique Riss, craignant l’« état de fait ».

Hamon, une vision « idyllique »

Enfin, Charlie Hebdo veut s’assurer que le prochain président de la République ne créera pas un « délit de blasphème ». Un point sensible pour l’hebdomadaire – victime d’attaques après la publication de caricatures de Mahomet –, pratiquant actif de la satire des religions.

Tous les candidats sont concernés, mais Benoît Hamon pourrait se sentir particulièrement visé. Dans le débat qui a opposé le candidat socialiste à Manuel Valls sur la question de la laïcité, dans l’entre-deux-tours de la primaire de la gauche, Riss a trouvé l’ancien premier ministre plus « réaliste ».

« Benoît Hamon a une vision un peu idyllique de la loi de 1905, un peu déconnectée des problèmes de la société française. Il fait un peu l’impasse sur le volet répressif », estime le directeur de Charlie Hebdo, citant les peines de prison prévues par l’article 31 de la loi pour ceux qui forceraient quelqu’un à exercer un culte – ou à s’abstenir de l’exercer, d’ailleurs.

La référence de l’hebdomadaire aux « aménagements particuliers » peut faire écho au discours tenu en août 2016 par Benoît Hamon, plutôt favorable au concept d’accommodements raisonnables, vus comme un « compromis entre la reconnaissance du fait religieux et les limites posées à l’extension du domaine religieux ». Réfutant une laïcité « prétexte » à une offensive contre les musulmans, M. Hamon définit en général la laïcité comme « toute la loi de 1905 et rien que la loi ».

Mélenchon « moins ambigu » sur ces questions

Malgré sa fermeté, Riss ne réclame pas de durcissement du texte. Il ne plaide pas non plus en faveur d’une « interdiction » du burkini, comme l’avait soutenue M. Valls, ni pour celle du voile et des autres signes religieux dans l’espace public, comme l’a proposé la candidate du Front national Marine Le Pen. En revanche, à l’université, « qui est un lieu public », on peut se poser la question, estime-t-il.

Le directeur de Charlie Hebdo attend aussi des réponses d’Emmanuel Macron : « On ne sait pas bien comment il est vertébré sur le thème de la laïcité. Il est très libéral, il s’adapte. »

Le candidat d’En marche ! et ancien ministre de l’économie de François Hollande a jusqu’ici défendu une conception plutôt libérale, opposé à une « laïcité revancharde ». Quant à Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise, Riss le juge moins « ambigu » sur ces questions.

Une conception offensive ?

Charlie Hebdo cherche-t-il à imposer à tout prix une conception offensive de la laïcité dans une campagne souvent structurée autour d’autres thèmes, comme le revenu universel, la Sécurité ­sociale, ou la probité ? Riss réfute l’argument et admet que la place des religions dans la société n’est qu’« un sujet parmi d’autres ».

Quant au reproche souvent fait aux défenseurs de la laïcité de biaiser pour cibler en premier lieu l’islam, le directeur de Charlie Hebdo l’écarte en pointant aussi du doigt « les catholiques » et les « arrière-pensées » de certains politiques hostiles à l’islam. Une référence indirecte à la députée (FN) de Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen ou au candidat de la droite François Fillon.

« La difficulté, c’est d’être ferme sur les principes, sans être dans l’hyperrépression, sans verser dans la démagogie ou faire de la laïcité une arme contre une catégorie de personnes. C’est une ligne de crête étroite, estime Riss. C’est plus difficile de défendre la laïcité, en étant juste. La rejeter c’est la ­facilité. »

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