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Pour éviter l’exclusion, des élèves tenus à de bonnes actions

En Côte-d’Or, des collèges et des lycées expérimentent des sanctions alternatives, censées combattre la déscolarisation.

Par  (Dijon - envoyé spécial)

Publié le 02 mars 2015 à 11h26, modifié le 19 août 2019 à 13h17

Temps de Lecture 3 min.

Au Clos de Pouilly, à Dijon, le principal applique

Cela ressemblait pourtant à un midi comme les autres au collège Clos de Pouilly à Dijon. Dans la file d’attente de la cantine, un cri résonne : « Allahou akbar ! » Toisant d’une tête tous ses camarades, un élève de 5e, visage masqué par une cagoule, empoigne une 6e et fait mine de lui trancher la gorge, tel un djihadiste de l’Etat islamique exécutant un otage. A quelques mètres, Karl (le prénom a été modifié), 13 ans, lève son téléphone portable et filme le geste sous le regard médusé des autres élèves, et le diffuse ensuite sur Facebook. En quelques heures, la vidéo est vue près de 300 fois.

Dans un établissement normal, Karl et l’auteur du geste auraient sans doute reçu une exclusion temporaire de un à huit jours. Mais au Clos de Pouilly, le principal a pu en décider autrement. Il leur a appliqué pour la première fois de ses dix-sept ans de carrière une « mesure de responsabilisation ».

Depuis la Toussaint 2014, le département de Côte-d’Or s’est lancé un pari éducatif : éviter avec ce nouvel outil l’entrée des collégiens et lycéens dans une spirale menant à la déscolarisation. « Il s’agit de proposer une alternative à l’élève sanctionné d’une exclusion temporaire, qui prend la forme d’une activité de solidarité », explique Tatiana Diot, chargée de mission pour le suivi des projets éducatifs et pédagogiques à l’académie.

« Quand le jeune est acteur, tout change »

La sanction devient un travail d’intérêt général. L’élève puni pour avoir insulté un camarade, s’être battu durant la récréation ou avoir dégradé le mobilier de l’établissement doit réparation. Avec son consentement et celui de ses parents, il servira de la nourriture aux Restos du cœur, aidera les bénévoles de la Croix-Rouge ou fera la lecture aux personnes âgées. S’il refuse la mesure, la sanction originelle s’appliquera. « On ne peut pas contraindre un jeune à remettre en question son attitude, avance Tatiana Diot, mais quand le jeune est acteur, tout change. »

Dans certains cas, l’élève est amené à réaliser un travail en lien direct avec l’acte qui lui est reproché. Ainsi, un jeune Dijonnais qui avait une attitude discriminatoire envers les femmes « a dû présenter une conférence sur les droits des femmes, appuyé par l’association Femmes égalité emploi », raconte Mme Diot. Un autre, qui envoyait des SMS déplacés à une camarade, a travaillé sur le cyberharcèlement.

Lorsqu’une mesure de responsabilisation est prononcée par le chef d’établissement, la commission éducative ou le conseil de discipline, et acceptée par la famille, l’élève doit fournir jusqu’à vingt heures de son temps libre pour l’une des dix associations avec lesquelles l’académie a noué des partenariats pédagogiques. Huit collèges et cinq lycées pilotent le projet.

« Reconstruire une image valorisante »

« Participer à des activités au service des autres à l’extérieur du milieu scolaire permet à l’élève de sortir de son rôle de perturbateur, comme du cercle vicieux dans lequel les sanctions habituelles l’enferment trop souvent, soutient Evelyne Greusard, la directrice académique à l’origine du projet. Si l’on souhaite que l’élève change de comportement, il est nécessaire qu’il prenne conscience de la gravité de son acte et se reconstruise une image valorisante. »

Face à Abderrahim Mozher, le président de la section dijonnaise de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), Karl, son camarade auteur de la simulation de décapitation et un autre élève, photographe de la scène, ont fait amende honorable. « Ils m’ont expliqué les raisons de leur attitude, puis nous avons discuté du vivre-ensemble, en développant une réflexion critique, affirme M. Mozher. Les mettre devant leurs responsabilités est primordial afin qu’ils comprennent pourquoi un tel comportement est dangereux en société. » La mesure, qui a duré deux heures, semble avoir porté ses fruits. « Quand Karl est rentré à la maison, je l’ai trouvé mûri, explique sa mère. Quelques heures de colle ou une exclusion n’auraient pas eu cet impact. »

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La mesure de responsabilisation est présente dans l’arsenal des punitions au collège et au lycée depuis septembre 2011. Mais elle n’a été utilisée jusqu’alors que ponctuellement. C’est la première fois qu’un dispositif implique tout un département. C’est une forte hausse des exclusions définitives, entre 2012 et 2013, qui a incité l’équipe de Mme Greusard à trouver des solutions alternatives « privilégiant l’éducatif et la bienveillance ».

Un constat formulé aussi par le ministère de l’éducation nationale en mai 2014, dans une circulaire incitant les établissements à limiter le recours aux exclusions, « source de déscolarisation », et réaffirmé le 22 janvier dans le cadre de la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République. En Côte-d’Or, 23 mesures de sanctions alternatives ont déjà été décidées.

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