Spider-Man: Homecoming

Verdict: Excellent

par: Charly Halper



Enième film du plus célèbre Tisseur de (la) toile, cette critique aurait pu être intitulée « Le Tisseur/Marvel/Disney tisse encore et toujours sa toile » (en vous proposant ensuite de rayer les mentions inutiles)... ou « A force de tirer sur la toile, est-ce qu'elle craque ? ».
Mais, tout cela, c'était avant d'aller voir le film...


Nouvel héros arachnide (après les célèbres Tobey Maguire,
« Spider-Man » de la trilogie de Sam Raimi aux débuts des années 2000, et Andrew Garfield, « Amazing Spider-Man » du diptyque du clipper de Marc Webb qui devait rebooter la saga en 2012, mais aussi l'américain Nicholas Hammond dans les seventies et le japonais télévisé Shinji Todo à la fin de cette même décennie), le jeune Tom Holland (21 ans) a donc la lourde tâche, avec son réalisateur (et scénariste) Jon Watts, de relancer la filiale lucrative du jeune héros orphelin à qui de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités... tout en l'intégrant (enfin, diront certains) dans l'univers cinématographique étendu de la Marvel Company.
Pari réussi pourra vous confier votre serviteur, et pourtant il n'a pas un odeur de saintetés (en dehors de quelques aventures intergalactiques d'une bande de fugitifs devenu d'héroïques
« Gardiens de la Galaxie ») toute cette déferlante de films adaptés de la Maison aux Idées, comme surnomment Marvel ces lecteurs d'antan.

Et faire s'affronter ou s'entraider les super-héros Marvel (qui, en gros et grosse merdo, sur grand écran se cantonnent aux Avengers... mais, heureusement pour la grosse souris américaine, ses membres en sont assez conséquents et ont de quoi pouvoir lancer quantité de films et de franchises à presser jusqu'au jus) appartenant désormais à Disney et ce bon vieux Peter Parker, éternel adolescent apprenant à maîtriser ses grands pouvoirs depuis sa création par Stan lee (qui nous offre à 94 ans son inévitable caméo dans ce film également) et Steve Dikto en 1962 et sous licence Sony, encore et toujours, était ces dernières années une chose encore inimaginable dans cette guerre des box-offices entre studios et majors... mais fantasme de nombreux lecteurs de ces comics.
Déjà envisagé dès le début des nineties pour concurrencer Warner Bros, qui adapte les comics DC (
« Superman » de Richard Donner en 1978 et surtout « Batman » de Tim Burton à partir de 1989), le devellopment hell du réalisateur en pleine ascension James Cameron (« Aliens, le retour » et « Abyss »), après les les projets de Tobe Hooper (« Massacre à la Tronçonneuse ») et Joseph Zito (« Invasion USA » avec Chuck Norris) sous la houlette de Menahem Golan, producteur nanardesque de ces « Captain America » et « 4 Fantastiques » que les fans recherchent aujourd’hui sur la toile, se perdra dès lors dans un méandre de poursuites et noeuds juridiques des plus hollywoodiens entre Cannon, la firme de Golan, Carolco Pictures (« Total Recall », « Terminator 2 », « Universal Soldier »), qui en a racheté les droits pour cinq millions de dollars, et la Columbia (« Bram Stoker's Dracula », « Men in Black »), qui dès 1999 voudrait relancer le scénario long et ambitieux de Cameron (opposant notre héros à l'Homme-Sable et Electro)... mais qui préfère se retirer du projet!
L'arrivée en 2000 du réalisateur indépendant d'horreur Sam Raimi permettra à Sony (désormais détenteur de la totalité des droits récupérés auprès des différents intervenants par Marvel qui les lui a alors revendu, le studio n'était pas ce qu'il est aujourd’hui) de connaître un véritable triomphe planétaire à la sortie à l'été 2002 du premier film d'une première trilogie (plus de 821 millions de dollars de recettes sur les deux milliards et demi récoltés par ces films en sept ans): succès qui ne perdurera pas avec l'annulation d'un quatrième volet (coécrit avec James Vanderbilt pour y faire de Ben Kingsley ce Vautour qui donnera cette fois du fil à retordre à Tobey Maguire, alors qu'Amy Pascal, vice-présidente de Sony, voudrait du Lézard comme antagoniste).
Heureux d'économiser de l'argent, Sony, Amy Pascal et Doug Belgrad, producteur au sein de la major, espèrent alors conclure un accord avec Marvel pour que la firme originelle leur produise une nouvelle trilogie mais qu'eux (Sony) en gardent le contrôle créatif et assurent tout de même la distribution (certains parleraient de beurre, d'argent du beurre voire de crémière) ... en vain, et amenant Sony à lancer son nouvel
« Amazing Spider-Man” avec le clipper Marc Webb (et on ne fait aucun jeu de mots, s'il vous plait) et un Andrew Garfield (payé au rabais: un simple demi-million de dollars et puis c'est tout) dans le rôle d'un Peter Parker qui, comme les autres héros Marvel, se rapproche du récent univers Ultimate -ou presque. Loin d'égaliser les scores de la trilogie de Sam Raimi, les deux films de Marc Webb, avec près d'un milliard et demi de recettes au box-office (tout de même), enterrent les aventures cinématographiques du Tisseur...
Jusqu'à ce que dès 2012 (tout de même: expression du soir), Avi Arad, co-directeur de Marvel Entertainment et producteur de films Marvel, commence à parler d'accord entre Sony et Paramount et le nouveau monstre du divertissement Disney/Marvel: certains éléments et personnages de l'univers new-yorkais de Peter Parker pouvant apparaitre désormais dans les futurs films du MCU.
Février 2015, les choses se précisent avec l'annonce de ce nouveau film Spider-Man, ce
« Homecoming » (dont vous espérez enfin lire la critique, je pense), co-produit par Kevin Feige, Président-Directeur de Marvel Studios (qui fantasme lui aussi depuis 2014 de voir Spider-Man réintégré les futurs films de la phase 3 de leur rouleur compresseur cinématographique), et Amy Pascal de Sony, et avant lequel le nouvel acteur se cachant sous le justaucorps rouge et bleu de la pipelette adolescent pourra apparaitre dans le treizième film du MCU (et premier de cette troisième phase), « Captain America: Civil War » d'Anthony et Joe Russo, sorti en 2016.
Et nous d'arriver enfin à notre film:
« Spider-Man: Homecoming » de Jon Watts!

Devenu une célébrité sur Youtube, Spider-Man, ce nouveau super-héros ayant pris part au combat berlinois du côté d'Iron Man et ayant même réussi à voler son bouclier à Captain America, doit, dans sa vie de tous les jours, faire avec sa vie de lycéen surdoué en sciences au lycée de Midtown, celle de Peter Parker (Tom Holland), adolescent de quinze ans, qui doit à la fois préparer la finale du Decathlon culturel (mais si, vous savez ce genre de concours typiquement américain opposant divers écoles dans des questionnaires de rapidités sur tout et n'importe quoi, comme on en voit dans tant de films) et essayer de savoir si un jour il pourra déclarer son amour à la belle élève de dernière année Liz Allen (Laura Harrier) quand il ne construit pas des vaisseaux Star Wars en Lego avec son meilleur ami, Ned Leeds (Jacob Batalon), attendant que Happy Hogan (Jon Favreau), la “nounou” que lui a assigné Tony Stark (Robert Downey Jr), l'appelle pour une véritable mission... autre que renseigner une vieille dame ou empêcher des vols de voitures ou de vélos...

La fructueuse entreprise criminelle d'Adrian Toomes (Michael Keaton), un entrepreneur de nettoyage industriel ruiné il y a huit ans quand une agence sous contrat gouvernemental appartenant à Tony Stark, Damage Control, a récupéré son contrat pour nettoyer la première tour des Avengers détruite lors de l'attaque des aliens Chitoris, allant peut-être lui permettre de sortir enfin de l'ombre...


Enfin intégré (en tant que seizième film du MCU et quatrième de la phase 3) à l'univers Marvel que des millions de lecteurs (anciens comme nouveaux) à travers le monde attendaient, le scénario du réalisateur Jon Watts et son staff de scénaristes permet à ce second reboot de relancer pleinement les aventures du jeune super-héros.

Jusque là échaudé (comme écrit beaucoup plus haut) par la prolifération annuelle et ad nauseum de films de super-héros Marvel
, qui, au-delà de ne respecter guère les oeuvres originelles, assomment et abrutissent de CGI et autres effets visuels plus laxatifs que soporifiques leurs spectateurs (vous ne me ferez pas croire que le succès d'un film ne se mesure qu'au nombre de ses entrées), votre serviteur aura pourtant passé un très agréable moment devant les 133 minutes de divertissement du troisième film de Jon Watts. Et pourtant ce n'était pas gagné, avec mes a priori sur ces adaptations (ayant une nette préférence pour celles concurrentes de DC avec Zack Snyder et d'autres aux commandes) et ma culture populaire basée sur ces petits fascicules et imports en VO appelés comics-books (dans lesquels j'ai appris entre autres, comme certains, à lire l'anglais et pas que).
Mais, sans être, j'aime à le croire, l'un des défenseurs du temple du Neuvième Art américain et de l'art séquentiel d'outre-Atlantique, je dois avouer que voir des films être vendus sous des appellations
« non contractuelles » (les Avengers que tous vos marmots aiment aujourd’hui et reconnaissent dès qu'ils apparaissent à l'écran: j'en veux pour preuve les enfants assis derrière moi, étant en fait une transposition en fait des récents Ultimates, comme le Wolverine que vous avez toutes aimé dès 2000 n'est pas ce nabot poilu avec une improbable coupe de cheveux et des rouflaquettes plus que pendantes mais l'ancien danseur Hugh Jackman et son mètre 88, etc) et surtout trompeuses (amenant à entendre des « insanités » comme prétendues vérités désormais, en dehors des conversations élitistes de geeks), j'ai pour habitude de grogner, bondir et me taper le front devant les derniers films Marvel, préférant découvrir même d'inconnus comics adaptés par des studios plus discrets que Marvel Studios, Fox ou Sony, oui aussi.
Et malgré les évidentes largesses prises avec le support initial (sans parler de cette bonne vieille Tante May Parker grisonnante et à la limite de la maison de retraite qui, ici, sous les traits de la pimpante cinquantenaire Marisa Tomei devient un fantasme MILF en tant qu'incarnation
« la plus hot » comme le dit l'actrice elle-même, en dehors de Peter, tout le lycée de Midtown est passé au filtre d'un melting-pot socio-culturel: stéréotype de l'étudiant sportif américain dans le comics, le blond Flash Thompson devient ici un pédant participant à ce Decathlon intellectuel incarné par Tony Revolori, le jeune Zero Moustafa du « Grand Budapest Hotel », la blonde Liz Allen la belle mannequi afro-américaine Laura Harrier prolongeant sa récente version animée, la rousse MJ que vous aurez du mal à reconnaitre dans les traits de la chanteuse Disney afro-américaine aux origines teuto-écossaises Zendaya ou Ned Leeds, le meilleur ami de Peter, sous les traits du jeune acteur enrobé amérasien Jacob Batalon nous fait basculer dans l'univers du second Ultimate Spider-Man en ressemblant beaucoup à Ganke Lee, le meilleur ami de celui-ci, etc) ou grâce à celles-ci, qui donnent à ce film une totale peau neuve, le spectateur devrait être pris dans les filets, la toile de ce film: évitant de lui imposer la morsure de cette araignée radio-active ou génétiquement améliorée qui lui a conféré ses super-pouvoirs, de ressasser la mort de son Oncle Ben, son conseil (de grands pouvoirs...) et le choc psychologique qui va faire de Peter Parker un Spider-Man sombre en lui-même ou de rappeler que cet orphelin est élevé par cette (vieille) tante célibataire, sans argent et doit multiplier les jobs pour lui venir en aide et subvenir à ses besoins, « Homecoming » (que nos amis québecquois traduisent par « les retrouvailles » mais qui peut aussi se traduire par un sous-entendu « retour à la maison” bienvenu, tout en étant aussi le terme usité pour parler de ces bals de fin d'année américain) est de facto un très bon divertissement.

Film de super-héros fun et décomplexé, pouvant jouir d'u second effet
« kill cool » du film « Deadpool » (oui, celui qui rêve de coucher avec Spider-Man, mais là on restera dans l'univers des comics où le quatrième mur est souvent explosé chez ce héros peu conventionnel) quand certains plans du tisseur téléphonant ou trainant sur les toits de la Grosse Pomme ne renvoient pas à ce film de Tim Miller, « Homecoming » est aussi et avant tout un film d'adolescents, et ce pas que d'un point de vue de son public (les lecteurs de comics passant encore et toujours pour de grands « adolescents attardés » ou kidultes) mais en ce qui concerne son héros et ses amis aussi, des adolescents qui n'hésitent pas à faire le mur pour un bain de minuit dans la piscine de leur hôtel, non sans avoir dévalisé leur mini-bar, répondant ainsi à l'une des directives de Kevin Feige (ce Président-Directeur producteur évoqué plus haut) de donner à ce film un ton proche des teen movies de feu John Hughes (« Sixteen candies », « Breakfast Club », « Une Créature de rêve »), la traversée d'une zone pavillonnaire par notre citadin héros en parallèle à un extrait de « Ferris Bueller » que je vous laisse imaginer ou quelques scènes et plans (la colle, cette mascotte en fond qui courent sans cesse, la glissade dans son salon de Peter, etc) allant faire tiquer les quarantenaires cinéphages présents dans la salle, comme les quelques notes du générique du dessin animé de 1967 ou la présence musicale des Ramones, ce groupe de punk-rock new-yorkais (du Queens comme Peter) qui joua ce thème en bonus track pas si cachée que ça, feront headbanguer la tête de certains.
Et si par ces cotés le film restera indéniablement ciblé jeune (adulte) public, et évitera même toute mort -ou presque (sans vouloir vous spoiler le film)- Peter refusant à plusieurs fois que son costume ne passe en mode mort totale (le symbiote Venom vous pensez ? Allez voir le film pour le savoir), en faisant un film tout public presque aussi chiant que les films sportifs et éducatifs du programme officiel américain qu'a enregistré Captain America (Chris Evans semblant apprécier, je trouve, de se moquer encore un peu plus de son moralisateur personnage) si tout ce fun n'était pas là (l'attente de Peter, les missions primaires de Spider-Man, quelques répliques ici ou là, etc) et qu'au bout de 75 minutes enfin l'affrontement qu'on aurait presque oublier se produit: Le Vautour (Julien Lepers dégouté d'avoir été viré de France 3 retrouvant enfin un costume high-tech bien plus jouissif que le branleur de bulbe
« Birdman » du mexicain Alejandro González Iñárritu et explosant les critiques que purent émettre sur ce personnage les pontes de Marvel en 2010 à l'encontre de Sam Raimi) venant mettre à mal notre jeune héros, partagé entre se servir de ses pouvoirs pour faciliter la réputation de Peter Parker et réellement s'en servir quitte à désobéir à son mentor Tony Stark...

Seul point noir à ce film, selon votre serviteur, la musique de Michael Giacchino qui ne se fait pas toujours discrète; les inévitables ficelles scénaristiques de cette adaptation d'un univers vieux de 55 ans parmi tant d'autres pouvant être pardonnées car lues et revues à foison depuis, à travers les autres films du tisseur mais également d'autres films et d'autres supports, mais surtout car, comme il est dit dans l'excellent documentaire de 2011
« French Comics: les super-héros dans l'hexagone », Spider-Man en apparaissant en 2002 sur nos grands écrans (et après un cut célèbre depuis sa bande annonce entre les Twin Towers, qui nous a laissé croire qu'il ne sortirait jamais), après les événements du 11 Septembre qui ont frappé le monde entier, est et reste l'un des héros les plus positifs de tous, et quinze ans après (avec son jeune acteur de 21 ans qui est justement censé en avoir quinze d'années) il est toujours aussi positif... revenu à la maison, revenu dans le giron de Marvel (dont le logo bouffe et fait oublier celui de Sony apparu brièvement tout au début du film).

« L'Araignée, l'araignée, est un être bien singulier... »