Enième film du plus célèbre Tisseur de (la)
toile, cette critique aurait pu être intitulée « Le
Tisseur/Marvel/Disney tisse encore et toujours sa toile »
(en vous proposant ensuite de rayer les mentions inutiles)... ou « A
force de tirer sur la toile, est-ce qu'elle craque ? ».
Mais,
tout cela, c'était avant d'aller voir le film...
Nouvel héros
arachnide (après les célèbres Tobey Maguire, « Spider-Man »
de la trilogie de Sam Raimi aux débuts des années 2000, et Andrew
Garfield, « Amazing
Spider-Man »
du diptyque du clipper de Marc Webb qui devait rebooter la saga en
2012, mais aussi l'américain Nicholas Hammond dans les seventies et
le japonais télévisé Shinji Todo à la fin de cette même
décennie), le jeune Tom Holland (21 ans) a donc la lourde tâche,
avec son réalisateur (et scénariste) Jon Watts, de relancer la
filiale lucrative du jeune héros orphelin à qui de grands pouvoirs
impliquent de grandes responsabilités... tout en l'intégrant
(enfin, diront certains) dans l'univers cinématographique étendu de
la Marvel Company.
Pari réussi pourra vous confier votre
serviteur, et pourtant il n'a pas un odeur de saintetés (en dehors
de quelques aventures intergalactiques d'une bande de fugitifs devenu
d'héroïques « Gardiens
de la Galaxie »)
toute cette déferlante de films adaptés de la Maison aux Idées,
comme surnomment Marvel ces lecteurs d'antan.
Et faire
s'affronter ou s'entraider les super-héros Marvel (qui, en gros et
grosse merdo, sur grand écran se cantonnent aux Avengers... mais,
heureusement pour la grosse souris américaine, ses membres en sont
assez conséquents et ont de quoi pouvoir lancer quantité de films
et de franchises à presser jusqu'au jus) appartenant désormais à
Disney et ce bon vieux Peter Parker, éternel adolescent apprenant à
maîtriser ses grands pouvoirs depuis sa création par Stan lee (qui
nous offre à 94 ans son inévitable caméo dans ce film également)
et Steve Dikto en 1962 et sous licence Sony, encore et toujours,
était ces dernières années une chose encore inimaginable dans
cette guerre des box-offices entre studios et majors... mais fantasme
de nombreux lecteurs de ces comics.
Déjà envisagé dès le début
des nineties pour concurrencer Warner Bros, qui adapte les comics DC
(« Superman »
de Richard Donner en 1978 et surtout « Batman »
de Tim Burton à partir de 1989), le devellopment hell du réalisateur
en pleine ascension James Cameron (« Aliens,
le retour »
et « Abyss »),
après les les projets de Tobe Hooper (« Massacre
à la Tronçonneuse »)
et Joseph Zito (« Invasion
USA »
avec Chuck Norris) sous la houlette de Menahem Golan, producteur
nanardesque de ces « Captain
America »
et « 4
Fantastiques »
que les fans recherchent aujourd’hui sur la toile, se perdra dès
lors dans un méandre de poursuites et noeuds juridiques des plus
hollywoodiens entre Cannon, la firme de Golan, Carolco Pictures («
Total
Recall »,
« Terminator
2 »,
« Universal
Soldier »),
qui en a racheté les droits pour cinq millions de dollars, et la
Columbia (« Bram
Stoker's Dracula »,
« Men
in Black »),
qui dès 1999 voudrait relancer le scénario long et ambitieux de
Cameron (opposant notre héros à l'Homme-Sable et Electro)... mais
qui préfère se retirer du projet!
L'arrivée en 2000 du
réalisateur indépendant d'horreur Sam Raimi permettra à Sony
(désormais détenteur de la totalité des droits récupérés auprès
des différents intervenants par Marvel qui les lui a alors revendu,
le studio n'était pas ce qu'il est aujourd’hui) de connaître un
véritable triomphe planétaire à la sortie à l'été 2002 du
premier film d'une première trilogie (plus de 821 millions de
dollars de recettes sur les deux milliards et demi récoltés par ces
films en sept ans): succès qui ne perdurera pas avec l'annulation
d'un quatrième volet (coécrit avec James Vanderbilt pour y faire
de Ben Kingsley ce Vautour qui donnera cette fois du fil à retordre
à Tobey Maguire, alors qu'Amy Pascal, vice-présidente de Sony,
voudrait du Lézard comme antagoniste).
Heureux d'économiser de
l'argent, Sony, Amy Pascal et Doug Belgrad, producteur au sein de la
major, espèrent alors conclure un accord avec Marvel pour que la
firme originelle leur produise une nouvelle trilogie mais qu'eux
(Sony) en gardent le contrôle créatif et assurent tout de même la
distribution (certains parleraient de beurre, d'argent du beurre
voire de crémière) ... en vain, et amenant Sony à lancer son nouvel
« Amazing
Spider-Man” avec le clipper Marc Webb (et on ne fait aucun jeu de
mots, s'il vous plait) et un Andrew Garfield (payé au rabais: un
simple demi-million de dollars et puis c'est tout) dans le rôle d'un
Peter Parker qui, comme les autres héros Marvel, se rapproche du
récent univers Ultimate -ou presque. Loin d'égaliser les scores de
la trilogie de Sam Raimi, les deux films de Marc Webb, avec près
d'un milliard et demi de recettes au box-office (tout de même),
enterrent les aventures cinématographiques du Tisseur...
Jusqu'à
ce que dès 2012 (tout de même: expression du soir), Avi Arad,
co-directeur de Marvel Entertainment et producteur de films Marvel,
commence à parler d'accord entre Sony et Paramount et le nouveau
monstre du divertissement Disney/Marvel: certains éléments et
personnages de l'univers new-yorkais de Peter Parker pouvant
apparaitre désormais dans les futurs films du MCU.
Février
2015, les choses se précisent avec l'annonce de ce nouveau film
Spider-Man, ce « Homecoming »
(dont vous espérez enfin lire la critique, je pense), co-produit par
Kevin Feige, Président-Directeur de Marvel Studios (qui fantasme lui
aussi depuis 2014 de voir Spider-Man réintégré les futurs films de
la phase 3 de leur rouleur compresseur cinématographique), et Amy
Pascal de Sony, et avant lequel le nouvel acteur se cachant sous le
justaucorps rouge et bleu de la pipelette adolescent pourra
apparaitre dans le treizième film du MCU (et premier de cette
troisième phase), « Captain
America: Civil War »
d'Anthony et Joe Russo, sorti en 2016.
Et nous d'arriver enfin à
notre film: « Spider-Man:
Homecoming »
de Jon Watts!
Devenu
une célébrité sur Youtube, Spider-Man, ce nouveau super-héros
ayant pris part au combat berlinois du côté d'Iron Man et ayant
même réussi à voler son bouclier à Captain America, doit, dans sa
vie de tous les jours, faire avec sa vie de lycéen surdoué en
sciences au lycée de Midtown, celle de Peter Parker (Tom Holland),
adolescent de quinze ans, qui doit à la fois préparer la finale du
Decathlon culturel (mais si, vous savez ce genre de concours
typiquement américain opposant divers écoles dans des
questionnaires de rapidités sur tout et n'importe quoi, comme on en
voit dans tant de films) et essayer de savoir si un jour il pourra
déclarer son amour à la belle élève de dernière année Liz Allen
(Laura Harrier) quand il ne construit pas des vaisseaux Star Wars en
Lego avec son meilleur ami, Ned Leeds (Jacob Batalon), attendant que
Happy Hogan (Jon Favreau), la “nounou” que lui a assigné Tony
Stark (Robert Downey Jr), l'appelle pour une véritable mission...
autre que renseigner une vieille dame ou empêcher des vols de
voitures ou de vélos...
La fructueuse entreprise criminelle
d'Adrian Toomes (Michael Keaton), un entrepreneur de nettoyage
industriel ruiné il y a huit ans quand une agence sous contrat
gouvernemental appartenant à Tony Stark, Damage Control, a récupéré
son contrat pour nettoyer la première tour des Avengers détruite
lors de l'attaque des aliens Chitoris, allant peut-être lui
permettre de sortir enfin de l'ombre...
Enfin intégré (en
tant que seizième film du MCU et quatrième de la phase 3) à
l'univers Marvel que des millions de lecteurs (anciens comme
nouveaux) à travers le monde attendaient, le scénario du
réalisateur Jon Watts et son staff de scénaristes permet à ce
second reboot de relancer pleinement les aventures du jeune
super-héros.
Jusque là échaudé (comme écrit beaucoup plus
haut) par la prolifération annuelle et ad nauseum de films de
super-héros Marvel, qui, au-delà de ne respecter guère les oeuvres
originelles, assomment et abrutissent de CGI et autres effets visuels
plus laxatifs que soporifiques leurs spectateurs (vous ne me ferez
pas croire que le succès d'un film ne se mesure qu'au nombre de ses
entrées), votre serviteur aura pourtant passé un très agréable
moment devant les 133 minutes de divertissement du troisième film de
Jon Watts. Et pourtant ce n'était pas gagné, avec mes a priori sur
ces adaptations (ayant une nette préférence pour celles
concurrentes de DC avec Zack Snyder et d'autres aux commandes) et ma
culture populaire basée sur ces petits fascicules et imports en VO
appelés comics-books (dans lesquels j'ai appris entre autres, comme
certains, à lire l'anglais et pas que).
Mais, sans être, j'aime
à le croire, l'un des défenseurs du temple du Neuvième Art
américain et de l'art séquentiel d'outre-Atlantique, je dois avouer
que voir des films être vendus sous des appellations « non
contractuelles »
(les Avengers que tous vos marmots aiment aujourd’hui et
reconnaissent dès qu'ils apparaissent à l'écran: j'en veux pour
preuve les enfants assis derrière moi, étant en fait une
transposition en fait des récents Ultimates, comme le Wolverine que
vous avez toutes aimé dès 2000 n'est pas ce nabot poilu avec une
improbable coupe de cheveux et des rouflaquettes plus que pendantes
mais l'ancien danseur Hugh Jackman et son mètre 88, etc) et surtout
trompeuses (amenant à entendre des « insanités »
comme prétendues vérités désormais, en dehors des conversations
élitistes de geeks), j'ai pour habitude de grogner, bondir et me
taper le front devant les derniers films Marvel, préférant
découvrir même d'inconnus comics adaptés par des studios plus
discrets que Marvel Studios, Fox ou Sony, oui aussi.
Et malgré
les évidentes largesses prises avec le support initial (sans parler
de cette bonne vieille Tante May Parker grisonnante et à la limite
de la maison de retraite qui, ici, sous les traits de la pimpante
cinquantenaire Marisa Tomei devient un fantasme MILF en tant
qu'incarnation « la
plus hot »
comme
le dit l'actrice elle-même, en dehors de Peter, tout le lycée de
Midtown est passé au filtre d'un melting-pot socio-culturel:
stéréotype de l'étudiant sportif américain dans le comics, le
blond Flash Thompson devient ici un pédant participant à ce
Decathlon intellectuel incarné par Tony Revolori, le jeune Zero
Moustafa du « Grand
Budapest Hotel »,
la blonde Liz Allen la belle mannequi afro-américaine Laura Harrier
prolongeant sa récente version animée, la rousse MJ que vous aurez
du mal à reconnaitre dans les traits de la chanteuse Disney
afro-américaine aux origines teuto-écossaises Zendaya ou Ned Leeds,
le meilleur ami de Peter, sous les traits du jeune acteur enrobé
amérasien Jacob Batalon nous fait basculer dans l'univers du second
Ultimate Spider-Man en ressemblant beaucoup à Ganke Lee, le meilleur
ami de celui-ci, etc) ou grâce à celles-ci, qui donnent à ce film
une totale peau neuve, le spectateur devrait être pris dans les
filets, la toile de ce film: évitant de lui imposer la morsure de
cette araignée radio-active ou génétiquement améliorée qui lui a
conféré ses super-pouvoirs, de ressasser la mort de son Oncle Ben,
son conseil (de grands pouvoirs...) et le choc psychologique qui va
faire de Peter Parker un Spider-Man sombre en lui-même ou de
rappeler que cet orphelin est élevé par cette (vieille) tante
célibataire, sans argent et doit multiplier les jobs pour lui venir
en aide et subvenir à ses besoins, « Homecoming »
(que nos amis québecquois traduisent par « les
retrouvailles »
mais qui peut aussi se traduire par un sous-entendu « retour
à la maison” bienvenu, tout en étant aussi le terme usité pour
parler de ces bals de fin d'année américain) est de facto un très
bon divertissement.
Film de super-héros fun et décomplexé,
pouvant jouir d'u second effet « kill
cool »
du film « Deadpool »
(oui, celui qui rêve de coucher avec Spider-Man, mais là on restera
dans l'univers des comics où le quatrième mur est souvent explosé
chez ce héros peu conventionnel) quand certains plans du tisseur
téléphonant ou trainant sur les toits de la Grosse Pomme ne
renvoient pas à ce film de Tim Miller, « Homecoming »
est aussi et avant tout un film d'adolescents, et ce pas que d'un
point de vue de son public (les lecteurs de comics passant encore et
toujours pour de grands « adolescents
attardés »
ou kidultes) mais en ce qui concerne son héros et ses amis aussi,
des adolescents qui n'hésitent pas à faire le mur pour un bain de
minuit dans la piscine de leur hôtel, non sans avoir dévalisé leur
mini-bar, répondant ainsi à l'une des directives de Kevin Feige (ce
Président-Directeur producteur évoqué plus haut) de donner à ce
film un ton proche des teen movies de feu John Hughes (« Sixteen
candies »,
« Breakfast
Club »,
« Une
Créature de rêve »),
la traversée d'une zone pavillonnaire par notre citadin héros en
parallèle à un extrait de « Ferris
Bueller »
que je vous laisse imaginer ou quelques scènes et plans (la colle,
cette mascotte en fond qui courent sans cesse, la glissade dans son
salon de Peter, etc) allant faire tiquer les quarantenaires
cinéphages présents dans la salle, comme les quelques notes du
générique du dessin animé de 1967 ou la présence musicale des
Ramones, ce groupe de punk-rock new-yorkais (du Queens comme Peter)
qui joua ce thème en bonus track pas si cachée que ça, feront
headbanguer la tête de certains.
Et si par ces cotés le film
restera indéniablement ciblé jeune (adulte) public, et évitera
même toute mort -ou presque (sans vouloir vous spoiler le film)-
Peter refusant à plusieurs fois que son costume ne passe en mode
mort totale (le symbiote Venom vous pensez ? Allez voir le film pour
le savoir), en faisant un film tout public presque aussi chiant que
les films sportifs et éducatifs du programme officiel américain
qu'a enregistré Captain America (Chris Evans semblant apprécier, je
trouve, de se moquer encore un peu plus de son moralisateur
personnage) si tout ce fun n'était pas là (l'attente de Peter, les
missions primaires de Spider-Man, quelques répliques ici ou là,
etc) et qu'au bout de 75 minutes enfin l'affrontement qu'on aurait
presque oublier se produit: Le Vautour (Julien Lepers dégouté
d'avoir été viré de France 3 retrouvant enfin un costume high-tech
bien plus jouissif que le branleur de bulbe « Birdman »
du mexicain Alejandro González Iñárritu et explosant les critiques
que purent émettre sur ce personnage les pontes de Marvel en 2010 à
l'encontre de Sam Raimi) venant mettre à mal notre jeune héros,
partagé entre se servir de ses pouvoirs pour faciliter la réputation
de Peter Parker et réellement s'en servir quitte à désobéir à
son mentor Tony Stark...
Seul point noir à ce film, selon
votre serviteur, la musique de Michael Giacchino qui ne se fait pas
toujours discrète; les inévitables ficelles scénaristiques de
cette adaptation d'un univers vieux de 55 ans parmi tant d'autres
pouvant être pardonnées car lues et revues à foison depuis, à
travers les autres films du tisseur mais également d'autres films et
d'autres supports, mais surtout car, comme il est dit dans
l'excellent documentaire de 2011 « French
Comics: les super-héros dans l'hexagone »,
Spider-Man en apparaissant en 2002 sur nos grands écrans (et après
un cut célèbre depuis sa bande annonce entre les Twin Towers, qui
nous a laissé croire qu'il ne sortirait jamais), après les
événements du 11 Septembre qui ont frappé le monde entier, est et
reste l'un des héros les plus positifs de tous, et quinze ans après
(avec son jeune acteur de 21 ans qui est justement censé en avoir
quinze d'années) il est toujours aussi positif... revenu à la
maison, revenu dans le giron de Marvel (dont le logo bouffe et fait
oublier celui de Sony apparu brièvement tout au début du
film).
« L'Araignée,
l'araignée, est un être bien singulier... »