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C'est la tempête la plus violente depuis 1999 qui est survenue dans la nuit de samedi 27 au dimanche 28 février 2010 en Vendée. Cette tempête a occasionné de nombreux et très importants dégâts matériels, naturels comme humains. 35 morts seront recensés sur le département dont 29 morts à La Faute-sur-Mer. Climat-Vendée revient sur ce phénomène météo dans ce dossier. 

 

L'avant tempête

Plusieurs jours avant la tempête Xynthia, les modèles numériques et les prévisionnistes commençaient déjà à anticiper ce phénomène qui s'annonçait comme inhabituel et dangereux.

Globalement, les tempêtes hivernales s’expliquent par la conjonction d’un courant froid en haute altitude (courant-jet) avec des vents d’Ouest rapides et forts, et d’une masse d’air chaud en basses couches (jusqu’à 1 500m au dessus du sol). L’interaction de ces éléments entraîne une baisse plus ou moins rapide de la pression et donc la formation d’une dépression. Les tempêtes se forment souvent plus au Nord de nos régions, au niveau de la Manche, sur les îles Britanniques et en Scandinavie.

Mais ce n’est pas le scénario de Xynthia. Cette tempête s'est formée grâce à la présence beaucoup plus au Sud que d’habitude d’un courant-jet, c'est-à-dire à la latitude du Maroc. Du fait de ce positionnement méridional, la masse d’air chaud s'est averée plus importante que d’habitude et le courant-jet s'est accompagné de vents particulièrement puissants. Cette dépression en pleine formation est remontée samedi 27 février par le Portugal, la Galice (Nord-Ouest de l’Espagne) jusqu’au Golfe de Gascogne avant de frapper violemment la France (en particulier le centre-ouest).

Le 25 février, une cyclogénèse explosive a entraîné la formation de cette dépression près de l’archipel portugais de Madère. Une anomalie d'altitude avec un décrochage de basse tropopause (en lien avec une inflexion du courant-jet) a nettement intensifié ce creusement dépressionnaire. Cette dépression est peu à peu remonté des régions subtropicales en advectant les masses d’air chaud sahariennes. Les services météorologiques allemands ont baptisé cette dépression « Xynthia ».
Le 26 février, la dépression est remonté près des Îles Canaries. L’advection chaude fut remarquable en amont, la température étant passé de 16°C à 27°C en quelques heures, sur ces Îles. La cyclogénèse a continué et s’est encore accentuée. La dépression s'est creusée a un peu moins de 990 hpa à 21h, remontant peu à peu le long des côtes du Portugal.
Le 27 février, le centre dépressionnaire était pointé à 975 hpa vers 11h. La dépression a continué son chemin le long des côtes portugaises avant de frapper la Galice en cours d’après-midi puis de remonter en direction du Golfe de Gascogne en soirée du 27 février. À 15h, la pression au cœur de Xynthia est descendue à 970 hpa. Des températures très douces (jusqu’à 25°C) ont été observées dans le courant de l'après-midi et de soirée au pied des Pyrénées, par effet de foehn.

 

Détail synoptique

Revenons d'abord sur la carte du géopotentiel Z 500 (il s'agit de l'altitude à laquelle il faut s'élever pour arriver à une pression de 500 hpa). Carte de prévision du gépotentiel Z500On constate sur cette carte de grosses différences d'altitude du point 500 hpa sur une distance restreinte. C'est en fait un thalweg qui s'étire depuis le pôle, et qui s'étend très au sud, à des latitudes inhabituelles.

Dans ce contexte, il est important d'insister sur le gradient thermique marqué rendant la zone particulièrement barocline. Par conséquent, on retrouve une ambiance favorable à l'explosion de la dépression.

Carte de prévision de l'altitude de la tropopausePour comprendre la puissance du mécanisme, il faut s'intéresser à la tropopause. L'anomalie de basse tropopause caractérise le talweg et constitue le moteur du processus. La carte à gauche illustre les champs de haute et basse tropopause.

Les zones du bleu au violet correspondent aux bas geopotentiels; à l'opposé des zone allant du vert au rouge. On retrouve donc nettement notre talweg qui descend très bas sur l'Atlantique et une pointe en crochet caractéristique des situations explosives.Carte de prévision de la Theta E

Les bas geopotentiels pilotent les hauts geopotentiels en quelques sortes, ainsi, cette anomalie de basse tropopause force l'air chaud à remonter à l'avant.

On note cette remontée de la température à l'avant sur la carte Theta E (à droite). Le paramètre Theta E est la température que prendrait une particule d'air si on l'abaissait au niveau 1000 hpa, sans modifier ses conditions initiales.

Carte de prévision du courant jetOn note donc l'intensité du gradient qui n'est autre que le reflet du courant jet (carte de gauche).

On remarque au passage que la Theta E remonte de façon plus droite que le courant jet qui lui est plus oblique en repère du bas de page considéré horizontal, c'est une marque supplémentaire de l'aspect très barocline de la situation.

Au final, tout est réuni pour la formation d'une dépression à caractère explosif, c'est donc une dépression d'une intensité peu fréquente mais pas inédite qui a aborder l'arc Atlantique.

 

La vigilance de Météo-France

Une alerte orange a d’abord été lancée le 27 février au petit matin, par Météo-France. Dans son bulletin, Météo-France a confirmé que cette tempête allait être remarquable, en la qualifiant "d'une force et d'une ampleur peu fréquente". C’est à 16h que Météo-France a réactualisé son bulletin de vigilance en passant certains départements en vigilance maximale : la vigilance rouge ! Carte de vigilance publiée par Météo-France le 27/02 à 16h00En effet, les prévisions de Météo-France indiquaient qu'en deuxième partie de nuit, les rafales atteindraient 150 km/h le long du littoral et 130 km/h de manière généralisée dans l’intérieur des terres.

De plus, dans ce bulletin de vigilance, Météo-France a mis en garde la population côtière sur le risque de submersion. Voici un extrait du bulletin de vigilance : « A noter de plus la formation de très fortes vagues de 8 m en mer, qui déferleront sur le littoral à partir de la fin de nuit et en matinée de dimanche; la conjonction avec la marée haute de fort coefficient ( 102 ) et le phénomène de surcote ( localement plus d'1 m ) engendré par les vents forts et les pressions basses favorisera une élévation temporaire du niveau de la mer pouvant submerger certaines parties du littoral ».

Le dispositif de vigilance a été instauré à la fin de 1999 / début 2000, après les tempêtes de décembre 1999. Ce n’est que la deuxième fois que la vigilance rouge pour vents violents est lancée depuis cette date. La vigilance rouge signifie que des vents à 150 km/h et plus sont possibles et implique des précautions strictes. En Vendée, c’est la première fois que la vigilance rouge a été lancée (tous phénomènes confondus).

 

Suivi des évènements

Vendredi 26 février à 12h00, la dépression à l’Ouest des Iles Canaries est creusée à 996 hpa. Elle continue son chemin tout en se creusant et en remontant sur le Nord du Portugal.

Samedi 27 février à 12h00, cette dépression atteint la Galice aux environs de 975 hpa. Elle remonte peu à peu vers le Golfe de Gascogne et la Bretagne ; elle a également l’air un peu plus creuse que prévue. La vigilance rouge est diffusée par Météo-France à 16h, elle est toute de suite relayée par les médias. Cette vigilance rouge débutera à 22h pour les départements de la Charente-Maritime (17), les Deux-Sèvres (79), la Vendée (85) et la Vienne (86). Météo-France met en garde la population puisqu’un risque de submersion côtière existe du fait de la conjonction de la forte marée (coefficient de marée de 102 peu après 4h du matin), des vents très violents (140-150 km/h sur le littoral) ainsi que d’une surcote (> 1m) due à la faible pression au passage de cette tempête. L’aspiration de l’eau par la dépression combiné aux vents qui poussent cette eau vers le littoral créé une surcote très importante. Le risque de submersion de certains endroits était donc inévitable mais encore mal connu.

Pour la suite de ces événements, voici le bulletin de suivi de la tempête édité par nos soins au soir de celle-ci.

Samedi 27 février à 14h40 : La dépression continue à se creuser, elle se situe actuellement au large du nord ouest du Portugal, avec un dernier relevé à 971 hpa en son centre. À 12h15 ce samedi 27 février, Xynthia s'approche de la Galice tout en se creusantEn Vendée, le secteur chaud nous aborde avec une généralisation des pluies de plus en plus continues et généralement faibles. Le vent est orienté au secteur sud est et ne dépasse pas les 50 km/h sur le littoral. Enfin le baromètre affiche une nette baisse avec 994 hpa au dernier relevé à mesure de l'approche de la dépression.

16h15 : Les pluies faibles et continues se poursuivent, toutefois un temps plus sec revient provisoirement par le Sud du département. Le vent reste orienté au secteur Sud-est, et intensité des vents se stabilise avec 50 à 60 km/h en rafales sur le littoral, et 40 km/h dans les terres. La pression poursuit sa baisse avec 990 hpa. Mais l'élément marquant, c'est la décision importante de Météo-France, en plaçant la Vendée en vigilance rouge; ce qui correspond au degré d'alerte maximale.

18h15 : Les pluies se renforcent en progressant vers le nord, ainsi une bonne moitié nord du département est concernée par des pluies modérées, le reste de la Vendée connaît une interruption temporaire des précipitations. De nouvelles pluies faibles abordent le sud du département. Globalement, le secteur chaud remplace par le sud le front chaud qui s'évacue par le nord, avec des pluies qui deviennent intermittentes, la pression affiche dorénavant 984 hpa en baisse continue. Le vent reste orienté Sud-est, voire Est par rafale, et l'intensité croît très légèrement, les rafales n'atteignent pas encore les 60 km/h.

20h55 : les pluies continues ont cessé sauf sur l'extrême nord du département, des pluies faibles et éparses se produisent désormais. Le vent reste faible à modéré mais va commencer à forcir, car l'orientation est en train de basculer au Sud. Il est à remarquer que les températures sont en hausse avec ce changement de direction, alors que la pression n'a cessé de baisser, les 979 hpa sont atteints. Enfin, le centre de la dépression est actuellement sur le Golfe de Gascogne, avec un centre à 970 hpa, les vents les plus forts sont situés au sud de ce centre.

23h12 : les précipitations ont cessé mais des averses se forment actuellement, le vent continue de se renforcer progressivement, les 75 km/h sont atteint en rafales sur le littoral et 60 km/h dans les terres. Le renforcement est de plus en plus net.

Dimanche 28 février à 0h55 : Le vent se renforce très nettement sur notre département. Les 100 km/h sont approchés sur le littoral alors que dans les terres, l’on dépasse 80-90 km/h. Le centre de la dépression est encore au large avec 969 hpa. Les isobares sont très resserrés au sud de la dépression. Ce dépression commence à bien prendre forme au satellite, on commence à voir un enroulement.

Carte des rafales maximales enregistrées en Vendée2h00 : Les vents sont désormais tempétueux, les 100 km/h sont atteints dans l'intérieur du département, les 110 km/h sont sur le point d'être atteints sur le littoral. On signale par ailleurs les premières coupures d'électricité sur le sud du département, mais l'information reste à confirmer lors du prochain suivi. Le centre de la dépression est actuellement au nord ouest immédiat du département, les vents sur la partie sud continuent à se renforcer.

3h30 : Le vent continue de se renforcer dans les terres et sur le littoral du Sud-ouest ! Vers le Nord-ouest de la Vendée, les vents sont plus calmes avec le passage du centre dépressionnaire. Ailleurs, le vent souffle à 110-130 km/h dans les terres, localement plus. Et entre 120 et 140 km/h sur le littoral Sud Vendéen. Le centre dépressionnaire se situe sur l'Ile et Vilaine à 970 hpa. Attention, les vents soufflent au plus fort, ils devraient commencer se calmer sur l’Ouest puis progressivement l’Est dès 4h.

 

Rafales maximales

Voici les plus fortes rafales enregistrées sur la Vendée : 111 km/h à Palluau, 114 km/h au Perrier, 117 km/h à La Mothe Achard, 121 km/h à Noirmoutier-en-l'Île, 125 km/h à Pouzauges, 131 km/h à La Roche sur Yon, Le Château d'Olonne et Fontenay le Comte et 138 km/h à Luçon ou encore Les Sables d'Olonne ! On estime tout de même que des rafales comprises entre 150 et 160 km/h ont pu se produire sur le littoral, surtout entre Les Sables d'Olonne et l'Anse de l'Aiguillon. En effet, à la pointe de l'Ile de Ré, la rafale maximale enregistrée a atteint 160 km/h.

 

Conséquences

Pour les dégâts, ils sont bien nombreux sur la côte avec le fort coefficient de marée. Certaines vitrines ont été endommagées et des glissements de terrain importants ont été observés sur Les Sables d'Olonne. Plusieurs bateaux de plaisance ont été endommagés, un ponton a même été soulevé par les eaux. La piscine du remblai a été totalement inondée dans la nuit. De nombreuses caves se sont retrouvées inondées. La partie en travaux du remblai a été sérieusement endommagée, avec des affaissements constatés.

35 personnes sont décédées en Vendée dont 29 rien qu'à La Faute-sur-Mer, une des deux communes les plus touchées par des inondations. En effet, la digue qui protégeait ces villes a cédé sous la puissance de la houle. L'eau de mer s'est donc engouffrée dans les terres. L'eau est monté par endroit jusqu'à 1,50 m. Les personnes se sont réfugiées sur les toits, à La Faute-sur-Mer, L'Aiguillon-sur-Mer et Champagné-les-Marais. Certaines personnes n’ont pas pu se mettre hors de danger et sont décédées par noyade. Au total, 12 000 hectares de terres agricoles ont été noyées sous l'eau salée et sont donc impropres à la culture pour quelques années.

Dans les terres, le vent et les chutes d’arbres a fortement endommagé le réseau électrique. Au total, ce sont 229 communes sur les 282 que compte la Vendée qui ont été privées d'électricité.

Sur les 21 km de digues dans la baie de Bourneuf (7 km à Beauvoir sur Mer et 14 km à Bouin), près d’une trentaine de brèches ont été observées, dont plusieurs importantes en bout de digue (en remontant vers la Loire Atlantique), entre Paracaud et le port du Collet.
À Noirmoutier, une brèche sur la digue du port a été colmatée rapidement.
À Beauvoir sur Mer, la digue du polder de la Nour, près de l’entrée du Gois, a été submergée par les vagues. Le côté polder de la digue, constitué de terre, a été emporté.
Le port du Bec (entre Bouin et Beauvoir sur Mer) a été touché aussi, se vidant sur plusieurs hectares de polder du Dain. La digue est pleine de brèches.
A La Barre de Monts, la digue qui protège les polders a été submergée, l’eau a envahi le polder de 30 hectares.
D’Olonne sur Mer à Notre Dame de Monts, le trait de côte en dunes a reculé d’environ 10 mètres.
A la Gachère, village situé à la fois sur Olonne sur Mer et Brem sur Mer : une écluse sert à réguler la montée de l’eau dans le marais. Une brèche de 20 mètres de large entre l’ouvrage d’écluse et la dune a été découverte.
Aux Sables d’Olonne, le remblai a souffert. Des dégâts ont été observés au port de plaisance, à Port Olona (pontons cassés, bateaux encastrés).
A Talmont Saint Hilaire, il y a également eu des dégâts sur les pontons à Port Bourgenay (pontons soulevés …). Sur la plage du Veillon, des dénivelés de 3 mètres sont visibles.
A La Tranche sur Mer, la dune a reculé de 3 à 7 mètres par endroits. Le ponton au port est très abîmé.
A La Faute sur Mer, la digue a été submergée. Elle s’est en partie ouverte à l’extrémité, côté La Tranche sur Mer, qui a inondé les terres agricoles.
Au Sud, la digue de l’Aiguillon sur Mer s’est ouverte sur une partie. La comparaison avant / après tempête est saisissante. On voit l'eau s'est engoufré dans le Marais.

Avant et après la tempête Xynthia - Images satellite SPOT 4

 

Photographies

Photo prise à La Tranche-sur-MerPhoto prise à La Tranche-sur-Mer

Photo prise à La Tranche-sur-MerPhoto prise à La Tranche-sur-Mer

Photo prise à Brétignolles-sur-MerPhoto prise à Brétignolles-sur-Mer

Photo prise à l'Aiguillon-sur-MerPhoto prise à l'Aiguillon-sur-Mer

Photo prise à l'Aiguillon-sur-MerPhoto prise à l'Aiguillon-sur-Mer

Photo prise à l'Aiguillon-sur-MerPhoto prise à l'Aiguillon-sur-Mer

Photo prise aux Sables-d'OlonnePhoto prise aux Sables-d'Olonne

 

Dossier réalisé par Valentin PERRAULT et Sébastien VENDE.