Le design thinking n’est pas réservé aux géants du numérique

Antonin Torikian, directeur de Fabernovel Institute revient sur les fondamentaux de la discipline du design thinking qui présente de nombreux avantages à l’heure où les grands groupes souhaitent faire de leurs collaborateurs des intrapreneurs. Selon lui, cette pratique très prisées de Google notamment, est parfaitement adapté à l'innovation dans les grandes entreprises industrielle ou de service, exemple à l'appui. 

Partager
Le design thinking n’est pas réservé aux géants du numérique

Si, bien souvent, on attribue la naissance du design thinking aux agences de la côte Ouest américaine créées dans les années 90, il trouve en réalité ses racines dans les méthodologies d’enquête en sciences sociales formalisées par les ethnologues, anthropologues et sociologues de la fin du XIXème siècle, tels que Marcel Mauss, Emile Durkheim ou encore les membres de l’école de Chicago. Interrogez n’importe quel étudiant en design ou jeune professionnel, les études de design leur ont permis avant tout d’aiguiser leur sens de l’observation !

 
Car c’est bien cela le design thinking : l’utilisation des méthodes d’observation et d’enquête issues des sciences sociales pour créer ou améliorer - en continu - des produits et des services en fonction des comportements des utilisateurs. A cet égard, la création d’internet a décuplé les possibilités d’observation et de recueil d’information, rendant toujours plus facile et abordable l’adoption de cette discipline.
 
Pourtant, le design thinking est encore trop souvent associé aux géants du web – les GAFA, pour Google, Apple, Facebook et Amazon- et aux startups qui en appliquent - avec brio il est vrai - les étapes suivantes :

 

- comprendre les besoins de l’utilisateur à travers des observations de terrain et des entretiens.

- définir les problèmes liés, formuler le sujet pour garantir la pertinence du résultat et la satisfaction des utilisateurs.

- imaginer des solutions à plusieurs, en équipe pluridisciplinaire et en écartant aucune idée.

- prototyper pour concrétiser les idées, sans attendre le concept parfait et définitif.

- tester les solutions pour collecter les impressions des utilisateurs, ajuster puis déployer.

 
Alors, le design thinking est-il le pré-carré des acteurs du web ? Voici 4 exemples d’application du design thinking au sein de grandes entreprises qui vont vous convaincre du contraire !
 

GE Healthcare et son IRM pour enfants 
L’IRM est une expérience particulièrement incommodante pour les enfants (et pour les médecins qui doivent parfois recommencer l’exercice) : le bruit est strident, l’enfant a peur de l’appareil et ne tient pas en place, les parents communiquent leur stress. GE Healthcare l’a compris en interrogeant toutes les parties prenantes, patients comme professionnels de santé. Pour résoudre le problème, GE Healthcare a imaginé un parcours ludique sous forme d’aventure dont l’enfant serait le héros. En reproduisant une fusée dans la salle d’IRM, le bruit de la machine n’a pas besoin d’être masqué puisqu’il devient naturel pour l’enfant qui vit l’expérience sous la forme d’un jeu. 

 

Afin de tester rapidement ses idées, l’équipe de design de GE Healthcare a créé un premier prototype à l’hôpital pour enfants de Pittsburgh. Inutile de construire une nouvelle machine : des autocollants suffisent pour réenchanter l’expérience. Les résultats furent au rendez-vous : plus de 90% de satisfaction de la part des utilisateurs et des médecins qui n’ont plus besoin de recommencer les examens à cause d’enfants apeurés. Le programme "AdventureSeries" a été créé en 2012 pour institutionnaliser le procédé.
 
 "Gardez la monnaie" : La solution de Bank of America pour favoriser l’épargne

Bank of America a utilisé le design thinking pour encourager les consommateurs à ouvrir des comptes d’épargne.
Tout a commencé par un voyage, celui d’une équipe de 9 salariés de la banque à travers le pays. Il fallait analyser les habitudes quotidiennes d’une douzaine de familles américaines.

 

La phase d’observation a permis de constater que les familles suivies préféraient payer des sommes rondes pour gagner du temps en caisse et augmenter la visibilité sur leurs comptes.
Ces mêmes familles ont également exprimé une incapacité à épargner pour deux raisons : la faiblesse de leur pouvoir d’achat et l’imprévisibilité de certaines dépenses, parfois impulsives. Or, pour beaucoup de familles, la petite monnaie restante après les courses est déposée dans une caisse ou un petit récipient. Il s’agit déjà d’une forme d’épargne mais peu pratique.

 

Plusieurs équipes de collaborateurs ont rejoint le projet (experts financiers, ingénieurs, chefs de produit, designers). Une vingtaine de séances de brainstorming plus tard, 80 concepts émergent. Un seul a été conservé : un service qui permet d’économiser régulièrement grâce à l’arrondissement des dépenses. Par exemple, si j’achète un café à 3,7$, 4$ seront débités de mon compte courant et 0,3$ seront transférés automatiquement sur mon compte d’épargne.

 

Un prototype, sous la forme d’un film d’animation, mis en ligne auprès de 1 600 consommateurs et des collaborateurs de Bank of America, a permis de valider l’intérêt du service. Le programme Keep the Change est lancé en 2005. En un an, il a permis de générer l’ouverture d’1 million de comptes d’épargne, soit presque 5 fois plus que l’année précédente.

 
Améliorer l’expérience des usagers des gares SNCF

En 2015, Gares & Connexions, filiale de SNCF dédiée à l’exploitation et à la valorisation des gares, a mis en place un programme de formation au design thinking pour plus de 100 collaborateurs. Pendant 12 mois, les équipes ont interrogé les voyageurs et expérimenté des prototypes en gare, en conditions réelles.

 

Partant avec 1000 idées, les équipes ont abouti à 30 propositions et mis en œuvre immédiatement 2 mesures concrètes, notamment une nouvelle signalétique en gare de Bordeaux en prévision de l’arrivée de la LGV et le lancement d’une application mobile permettant aux voyageurs de trouver une activité en fonction du temps d’attente avant le départ de leur train - se divertir, manger, boire, faire du shopping… Vous la connaissez peut-être, il s’agit de l’application G envie. Pour SNCF, entreprise en prise quotidienne avec les voyageurs, le design thinking est une solution pour permettre l’amélioration continue du service au public.

 

Finalement, parler de design thinking, c’est utiliser un grand mot pour une démarche très simple et pourtant essentielle, celle de l’obsession de l’expérience client. Et si, demain, les étudiants en sciences sociales devenaient les piliers des directions de l’innovation des grands groupes ? 

 

Antonin Torikian, directeur de Fabernovel Institute

Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.

Sujets associés

NEWSLETTER L'Usine Digitale

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

LES ÉVÉNEMENTS USINE DIGITALE

Tous les événements

Les formations USINE DIGITALE

Toutes les formations

ARTICLES LES PLUS LUS