Pendant les "Trente Glorieuses", le partage des fruits de la croissance économique a permis de garantir un niveau de vie décent à tous. Aujourd'hui, ce mécanisme est brisé. L'Europe compte 27 millions de chômeurs et 120 millions de personnes au bord ou dans la pauvreté. Face à la concentration des profits dans les mains de quelques-uns, un changement radical s'impose.
On ne répondra pas aux crises du 21ème siècle avec des solutions du passé. Productivisme et ultra-consommation ont échoué. La croissance ne reviendra pas, et la courbe du chômage ne sera pas redressée de sitôt. Que faire? Attendre que la croissance revienne comme on attend Godot? Le moment est venu d'un nouveau compromis social, basé sur un revenu de base inconditionnel.
Uberisation de l'économie, segmentation du travail, économie des petits boulots: le salariat perd de son importance dans l'économie moderne, tandis que les contrats de travail précaires sont devenus la norme, et que les conditions de travail ont cessé de s'améliorer. Pour beaucoup, elles se dégradent même. Et que dire de tous ces chauffeurs de taxi, VTC ou Uber, dont la voiture autonome éclipsera bientôt le métier?
Si l'abaissement du temps de travail salarié et la diversification des emplois et activités peuvent être vus d'un bon œil, elles présentent un vrai risque de paupérisation. En l'absence de création massive d'emplois nouveaux, il convient de garantir un revenu décent à chacun.
Notre modèle social était jusqu'à présent fondé sur la mutualisation des revenus du travail. Pourtant, depuis une quinzaine d'années, les conditions d'accès aux droits sociaux se sont restreintes, le nombre d'individus exclus des filets de protection sociale a explosé. C'est toute la cohésion sociale, et au-delà la participation citoyenne, qui se trouve mise à mal.
Le revenu de base inconditionnel repose sur un principe de solidarité universelle liée à la dignité humaine et aux droits humains, indépendante de la notion de mérite ou de salaire. La cohésion sociale, le lien entre tous les milieux sociaux, l'intégration des populations étrangères seraient incontestablement favorisés par la mise en place d'un revenu de base inconditionnel.
Cela implique certes une transformation profonde d'un certain nombre d'organismes tels que la CAF, la sécurité sociale, les ASSEDIC... Mais y voir seulement, comme certains libéraux et Manuel Valls récemment, un moyen de faire des économies grâce à la simple fusion des aides sociales, c'est passer à côté de l'essentiel.
D'abord parce qu'il simplifiera l'aide et la protection sociale. Versé à tous, il doit permettre de garantir un niveau de revenu suffisant pour vivre dans la dignité, et de supprimer le travail administratif lié à la surveillance des bénéficiaires de l'aide sociale, discutable du fait de son caractère humiliant, intrusif et moralisateur. L'occasion rêvée de transférer les agents concernés vers d'autres tâches, comme la lutte contre la fraude sociale ou fiscale! Et de rendre le pouvoir de négociation à ceux qui en ont le moins aujourd'hui: exclus du marché du travail, salariés précaires, jeunes...
Mais c'est aussi un investissement en ce qu'il renversera enfin le rapport de notre société au travail. Fini, le temps du "que fais-tu dans la vie?", place au nouveau credo: "que veux-tu faire de ta vie?". Le revenu de base rendra enfin solvables certaines tâches créatives ou de lien social qui ne seraient autrement pas rentables, augmentant la liberté des individus de vivre comme bon leur semble, en harmonie avec leurs voisins. Il permettra enfin à toutes celles et ceux qui veulent créer leur start-up ou se reconvertir après un bout de carrière dans le métier de leur choix, de développer leur esprit créatif. Dans une société de la connaissance, c'est tout sauf un détail.
Toutefois, cette nouvelle idée n'est pas la panacée pour autant. Ce revenu socle doit avant tout être un facilitateur, notamment dans les va-et-vient entre emploi, famille et formation. Il ne pourra être le seul vecteur de changement et de lutte contre l'exclusion. Et ce, d'autant moins qu'il pourrait lui-même être un risque d'exclusion des femmes du travail, en constituant une forme de revenu de maternité.
Bref, fraîchement sortie du placard, l'idée d'un revenu de base est loin d'être encore aboutie. Elle est d'ores et déjà expérimentée, en Finlande, dans la ville hollandaise d'Utrecht, et dans la région Aquitaine. A chaque fois, sous une forme différente, à des niveaux différents, et à des échelles différentes. Des pistes de financement ont d'ores et déjà été identifiées: progressivité de l'impôt, fin des paradis fiscaux, taxe sur les transactions financières, etc...
Maintenant que le concept émerge, poursuivons le débat et précisons-en les contours. Accouchons enfin des idées qui changeront la vie demain. En espérant que 2017 soit le début d'une grande aventure pour le revenu de base et ses futurs bénéficiaires.
Du 19 au 25 septembre 2016 se déroule la 9ème semaine internationale du revenu de base.
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