Tout commence par une minute et huit secondes d’extase. Nous sommes le 11 mai. Comme chaque jeudi soir, François Busnel est en direct sur France 5 pour son émission « La Grande Librairie ». « Je voudrais vous parler d’un livre qui peut faire vaciller, s’enflamme-t-il, parce que ça faisait longtemps, longtemps, longtemps, croyez-moi, que je n’étais pas tombé sur un premier roman aussi remarquable, Laetitia Colombani. Et je vous le dis très franchement. »
La jeune écrivaine plane au-dessus de son fauteuil. François Busnel chausse ses lunettes et jette un œil à l’ouvrage, La Tresse, paru la veille aux éditions Grasset. « Un roman dans lequel il y a tout, explique-t-il. Ben, c’est bien simple, il y a tout. La musique, le rythme, le suspense, les personnages, forts, superbes, et puis une intrigue qui vous serre le cœur jusqu’à la toute dernière page. » Laetitia Colombani lévite. Assise à côté de Fred Vargas, Sylvain Tesson et Patrice Franceschi, elle raconte alors son histoire avec sourire et conviction. Une bonne cliente, comme on dit en langage télé. Ce soir-là, le très enthousiaste François Busnel vient de faire naître un des best-sellers de l’été 2017.
Un des rois de la planète livres
Dès le lendemain, les ventes explosent. En six jours, Grasset double le nombre d’ouvrages en librairie. Les autres médias embrayent. Le 3 juin, Laetitia Colombani est invitée dans l’émission « On n’est pas couché ». Et même si Yann Moix qualifie le roman de « totalement surfait », il grimpe un temps en tête du classement d’Amazon. Fin août, ses ventes atteignent 130 000 exemplaires. Olivier Nora, PDG des éditions Grasset, est aux anges. « Pour une auteure inconnue comme elle, on mesure de façon chimiquement pure la forte capacité prescriptrice de “La Grande Librairie”, analyse-t-il. François est un accélérateur de particules. »
À 48 ans, François Busnel est même devenu l’homme le plus puissant du monde littéraire. Ses goûts sont larges, populaires, intellos aussi, jamais snobs. Livres Hebdo révélait ainsi en 2015 que, d’après un sondage auprès de libraires, son émission arrive en tête des rendez-vous les plus prescripteurs (72 %), loin devant « Télématin » (22 %) et « On n’est pas couché » (14 %).
« Si vous attendez d’un livre simplement qu’il vous fasse passer un bon moment, prenez une série. Ça dure moins longtemps et c’est plus simple »
François Busnel
Chemise en lin blanc impeccable, pantalon rouille foncé, Busnel reçoit dans sa maison de production, Rosebud (qui produit « La Grande Librairie » et des documentaires), dans le 15e arrondissement de Paris. On se dit qu’il a toujours l’air de sortir d’un forfait spa – massage, gommage, soins visage –, quand il propose de s’installer dans le coin salon de son grand bureau. Très vite, la conversation fonce vers l’essentiel : le livre, la vie. Il rêve de créer – rien que ça – une « nation de lecteurs ». « Beaucoup de gens me disent : “On n’a pas le temps de lire, Monsieur, raconte-t-il. On part au travail tôt, on revient épuisé, il faut s’occuper des enfants.” Je leur réponds que la lecture n’est pas un devoir, c’est un plaisir. On peut lire dix minutes par-ci, un quart d’heure par-là, puis une heure si on y a pris goût. Cette idée est le cœur de “La Grande Librairie”. »
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