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Les sept questions à se poser sur les tests pour la trisomie 21 quand on est enceinte

Un nouvel examen vient d'être recommandé par la Haute autorité de santé pour dépister la trisomie 21 chez le fœtus. Freestocks/Unsplash

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Il est à la fois plus sûr, et plus compliqué, d’être une femme enceinte aujourd’hui. Les progrès de la médecine permettent de détecter davantage d’anomalies chez le fœtus, ce qui ouvre des possibilités nouvelles pour intervenir dès la naissance ou décider de ne pas poursuivre la grossesse. Mais ces avancées obligent les couples à faire des choix d’autant plus difficiles que les tests comportent une marge importante d’incertitude. Le dépistage prénatal de la trisomie 21, en particulier, suscite des interrogations complexes.

La Haute autorité de santé (HAS) a en effet recommandé, le 17 mai, l’adoption d’une nouvelle technique de dépistage de cette anomalie chromosomique, responsable d’un retard cognitif. Ce test analysant l’ADN libre du fœtus circulant dans le sang de la mère a d’ailleurs été inscrit sur la liste officielle des examens de diagnostic prénatal par un décret daté du 5 mai paru au Journal officiel. Et toutes les maternités de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) le proposent déjà gratuitement depuis le 2 mai.

L’information destinée à éclairer les couples sur ce qu’ils peuvent attendre en souscrivant à l’un des trois tests de dépistage existants est aujourd’hui insuffisante, comme le regrette le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane), représentant des usagers. À leur intention, voici sept questions qu’il est utile de se poser pour y voir plus clair, et les réponses qu’on peut y apporter au vu des connaissances actuelles.

La question initiale à se poser est celle-ci : est-ce que j’accepterais, ou non, un enfant avec une trisomie 21 ?

Il est judicieux d’y réfléchir avant de se rendre à la première consultation, le dépistage pour cette anomalie étant proposé en tout début de grossesse. En général, le médecin ou la sage-femme laisse peu de temps au couple pour réfléchir car le créneau prévu en France pour cette consultation n’est que de 30 minutes. D’autres pays européens ont choisi d’y consacrer une heure, au vu de la multitude de sujets à aborder ce jour là.

Personne ne peut répondre à votre place à cette question. Le degré de handicap mental associé à la trisomie 21 est variable, et ne peut être prédit par aucun test prénatal. Certains adultes ayant cette anomalie chromosomique ont une existence quasi-autonome, d’autres non. Des associations de parents d’enfants avec trisomie 21 apportent des témoignages sur leurs sites, par exemple Trisomie 21 France ou Les amis d’Éléonore. La position de chacun, qui peut dépendre d’une vision personnelle de l’existence ou de valeurs religieuses, est respectable.

C’est aussi le moment de vous interroger vis-à-vis de l’interruption de grossesse. Si vous écartez la possibilité d’une telle intervention, il est a priori inutile de faire les tests pour dépister la trisomie 21 car il n’existe pas de traitement pour cette anomalie – l’avortement est la seule option. Certains experts recommandent néanmoins aux couples excluant l’avortement de faire les tests malgré tout, dans l’idée de se préparer psychologiquement si l’enfant à naître devait être porteur de l’anomalie. Dans le cas où celle-ci n’est découverte qu’à la naissance, certains hôpitaux proposent d’abandonner l’enfant en vue d’une adoption.

Si vous souhaitez ne pas faire ces tests de dépistage, il faut envisager une deuxième question : comment le médecin va-t-il prendre ma décision ?

En principe, le praticien ne doit pas la discuter car si lui a l'obligation de proposer ces tests, le dépistage n'est pas obligatoire pour la femme enceinte, ainsi que le précise la loi de bioéthique de 2011. D’ailleurs, les tests ne peuvent être réalisés que si elle a signé au préalable le formulaire de consentement. Mais en pratique, certains praticiens sont surpris par un refus et demandent à la femme enceinte de justifier son attitude, comme montré dans notre étude publiée en 2014. Par ailleurs, l’un des tests se pratique au cours de l’échographie du premier trimestre, et certains praticiens le réalisent sans demander au préalable à la femme si elle y consent.

Si vous décidez de faire ce dépistage, la situation est bien évidemment différente. Et la question à se poser est celle-ci : quels tests me seront proposés ?

La procédure standard, en France, a consisté jusqu’ici à faire un dépistage dit « combiné ». Il comprend une analyse de sang, appelée marqueurs sériques, pour doser des taux d’hormones dans le sang maternel. On y ajoute, lors de l’échographie du premier trimestre de la grossesse, une mesure de l’épaisseur de la nuque du fœtus. La combinaison de ces deux résultats avec l’âge de la femme enceinte (un âge plus élevé étant un facteur de risque) permet de calculer un taux, appelé risque de trisomie 21 fœtale.

Quand ce risque est jugé élevé, le praticien propose de faire un test diagnostique, le seul à pouvoir déterminer avec certitude si le fœtus est porteur d’une trisomie 21. Cela consiste à étudier les chromosomes du fœtus (l’analyse est appelée caryotype fœtal) à partir d’un prélèvement du liquide amniotique appelé amniocentèse) ou d’un prélèvement de tissus du placenta appelé choriocentèse. L’amniocentèse est réalisée à l’aide d’une longue aiguille piquant dans le ventre à travers la peau ; la choriocentèse, de la même façon ou par voie vaginale. Dans un tout petit nombre de cas, ces gestes déclenchent une fausse-couche dans les jours qui suivent. Si ce risque est très faible, la conséquence est néanmoins dramatique, raison pour laquelle on cherche au maximum à éviter un tel examen.

Le nouveau test recommandé par la HAS consiste à vérifier la présence d’un chromosome 21 de trop chez le fœtus en analysant son ADN présent dans le sang maternel. Il est dit « non invasif » car il est réalisé à partir d’une simple prise de sang chez la femme enceinte. L’intérêt de ce test est qu’un résultat négatif élimine presque totalement le risque de trisomie, ce qui évite de procéder au test diagnostique. Par contre, en cas de résultat indiquant un risque jugé élevé, ce nouveau test doit être confirmé par le test diagnostique, tout comme avec le dépistage « combiné » classique. Car il comporte, lui aussi, une marge d’erreur.

Quels sont, alors, les tests de dépistage les plus performants parmi les trois disponibles ?

Le nouveau test non invasif est celui qui génère le moins d’erreurs dans le dépistage la trisomie 21. Le test des marqueurs sériques annonce souvent des résultats dits faux-positifs (annonce d’un risque élevé, alors que le fœtus n’est pas porteur de trisomie 21) et parfois des résultats faux-négatifs (annonce d’un risque faible, alors que le fœtus est porteur). La mesure de la nuque du fœtus est plus performante que les marqueurs sériques, et moins que le test non invasif.

Est-ce que je pourrai faire seulement le test non invasif ?

La décision appartient au ministère de la Santé, mais la réponse devrait être non. Ce n’est pas la procédure recommandée par les associations de professionnels de la santé que sont l’Association des cytogénéticiens de langue française (ACLF) et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), à travers son communiqué du 17 juin 2016. Il faut savoir que le test non invasif est très coûteux. Il est donc proposé, pour l’instant, seulement aux femmes ayant passé les deux tests de dépistage classiques (marqueurs sériques et mesure de la nuque) et obtenu un résultat avec un risque jugé élevé.

À partir de quel chiffre mon résultat au dépistage combiné est-il jugé à risque élevé ?

En France, dans la procédure standard du dépistage combiné, on considère que le risque est élevé s’il est supérieur à 1/250. Par exemple s’il est de 1/240, ou de 1/50. Le taux 1/250 signifie que parmi 250 femmes ayant ce résultat, seule une attend un enfant avec une trisomie 21. Le seuil retenu varie selon les pays, comme montré dans notre étude comparative déjà citée. Les Pays-Bas ont adopté un seuil plus restrictif, 1/200, retenant donc moins de femmes dans la catégorie dite à risque élevé. En Grande-Bretagne, le chiffre est de 1/150, retenant moins de femmes encore.

Ces derniers mois, dans certains hôpitaux ou cliniques en France, par exemple ceux de l’AP-HP, des praticiens ont introduit le nouveau test non invasif et adopté simultanément un seuil moins restrictif pour interpréter le résultat du dépistage combiné. Ils ont retenu le chiffre de 1/1000, un taux qui était précédemment considéré comme à risque faible. Cela place un plus grand nombre de femmes dans la catégorie à risque élevé, auxquelles est proposé le nouveau test non invasif.

L’avantage de ce changement de seuil est de minimiser le risque de passer, sans le vouloir, à côté d’un cas de trisomie 21. Son inconvénient est que l’annonce d’un résultat de risque élevé est souvent source d’un stress intense pour la femme enceinte. Elle peut susciter une grande anxiété, laquelle persiste parfois après un résultat de test diagnostique rassurant, et même après la naissance d’un enfant normal. Cette anxiété peut engendrer des dépressions et perturber la relation de la mère au nouveau-né.

Combien ces trois tests coûtent-ils, pour les couples ?

Les marqueurs sériques et l’échographie sont remboursés à 100 % par l’assurance-maladie. Ce n’est pas le cas, pour le moment, du test non invasif. Cela devrait évoluer, si les recommandations de la HAS sont entérinées par le ministère de la Santé et débouchent sur sa prise en charge par l’assurance-maladie. Le test non invasif est facturé actuellement environ 400 euros par des entreprises d’analyses biomédicales. Les hôpitaux de l’Assistance publique de Paris le proposent gratuitement.

Ainsi, les recommandations de la HAS sont loin d’être anodines pour les 800 000 femmes commençant une grossesse chaque année. En abaissant le seuil définissant la catégorie de femmes à risque élevé de trisomie 21 fœtal, ce sont 30 000 femmes enceintes de plus qui vont se voir annoncée l’éventualité d’une anomalie et proposée l’option d’un test diagnostique, comme indiqué dans le rapport de la HAS. Un tel dispositif peut être considéré comme une avancée du point de vue biomédical, car il augmente la capacité à détecter par dépistage les fœtus atteints de trisomie 21. Cependant, il comporte des risques faibles mais pas négligeables pour autant, comme celui de l’anxiété et de fausse-couche pour les femmes nouvellement incluses dans la catégorie de risque élevé.

Les couples doivent être mieux informés des bénéfices et des risques liés aux différents tests disponibles, et conserver à chaque étape le choix de les demander ou non. Le pire serait sans doute que les couples en attente d’un enfant, sous prétexte que le sujet du dépistage est devenu trop technique, s’en remettent entièrement à l’avis des experts et du corps médical sur des questions engageant leur futur en tant que parents.

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