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62 pays s’accordent pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales

L’OCDE vient d’adopter un plan pour lutter contre l’« optimisation fiscale agressive » des grands groupes.

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Publié le 05 octobre 2015 à 03h00, modifié le 05 octobre 2015 à 15h44

Temps de Lecture 3 min.

Un accord politique à 62 pays contre l’évasion fiscale des multinationales telles que Apple, Google ou Amazon, susceptible de coûter à ces dernières entre 100 et 240 milliards de dollars d’impôts sur les sociétés par an (89 à 213 milliards d’euros)…

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a annoncé, lundi 5 octobre, avoir obtenu un large consensus sur son plan de lutte contre « l’optimisation fiscale agressive » des grands groupes – pratique consistant à user d’artifices comptables, pour délocaliser les profits dans des paradis fiscaux où ils n’ont aucune activité réelle.

Baptisé BEPS (Base erosion and profit shifting, Erosion des bases taxables et transfert de bénéfices), ce plan conçu comme une boîte à outils anti-abus est l’aboutissement de deux ans d’intenses tractations diplomatiques. Il sera officiellement adopté par les ministres des finances du G20 (les 20 pays les plus puissants), à Lima, le 9 octobre.

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Véritable tour de force

L’accord est cependant bien plus large, et figureront parmi les signataires grandes puissances économiques (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, Allemagne, France, etc.), mais aussi pays en voie de développement et centres offshore bien connus (Irlande, Pays-Bas, Luxembourg, etc.).

Un tel consensus relève d’un tour de force, tant la question de l’évasion fiscale des entreprises se heurte à des intérêts économiques divergents, entre pays lésés et pays bénéficiaires d’un business fiscal qui emploie des bataillons de banques et d’avocats.

Tant cette question bute aussi sur l’ambivalence de grandes économies abritant sous leurs ailes des pavillons de complaisance financiers, comme le Royaume-Uni (îles Vierges, îles Caïmans, Jersey, etc.), ou tentées de protéger leurs industries, comme les Etats-Unis, sous pression des lobbies au Congrès. Le lobbying contre BEPS fut puissant ces derniers mois…

« On obtient un accord auquel personne ne croyait il y a deux ans. Un vrai accord ! Un paquet global est adopté. Aucune des quinze mesures n’est vidée de son contenu », affirme Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE. « Nous ne sommes pas assez naïfs pour penser que l’évasion fiscale, c’est fini. Mais ce plan va inverser le mouvement », poursuit-il.

Encadrer les « prix de transfert »

« Jusqu’ici, argumente M. Saint-Amans, l’évasion fiscale était facilitée par des règles fiscales inadaptées à la mondialisation. Des règles insoutenables, qui faisaient qu’aucun redressement n’était possible. Eh bien, nous changeons ces règles. En fait, on arme la police ! »

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Concrètement, BEPS tient en quinze mesures, dont une grande partie seront appliquées dès 2016 et s’imposeront comme nouvelles normes mondiales. Les autres sont optionnelles, mais le fait qu’elles soient incluses au plan est capital. C’est la reconnaissance que les Etats seront légitimes à les appliquer.

Au premier rang des mesures appliquées par tous : l’encadrement des « prix de transfert », technique dont les multinationales font un usage abusif, exportant des profits réalisés dans les pays où elles ont outils de production et employés, vers des territoires à fiscalité zéro.

Cette mesure, qu’ont soutenue la Chine et l’Inde, lésées, bloquera ces transferts, estime l’OCDE. Ainsi, une société avec 20 000 chercheurs à Palo Alto (berceau de la Silicon Valley) ne pourra plus délocaliser ses profits aux Bermudes en y domiciliant tous ses actifs incorporels (marques, brevets, etc.), alors qu’elle n’y emploie que 20 salariés. Les profits seront taxés là où la valeur est produite.

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Neutralisation des montages hybrides

Les autres mesures mises en œuvre d’emblée par tous sont : l’échange automatique entre Etats des rulings, ces accords fiscaux consentis par des Etats, dont le Luxembourg, aux multinationales étrangères ; la localisation des « boîtes à brevets » (régimes fiscaux privilégiés offerts aux sociétés exploitant des brevets) là où se trouvent leurs chercheurs ; l’obligation pour les entreprises de déclarer leurs activités pays par pays ; et l’encadrement du chalandage fiscal, tactique de l’investisseur s’implantant dans un pays pour profiter de traités fiscaux avantageux avec d’autres pays…

Du côté des dispositions optionnelles figurent le renforcement des règles CFC (Controlled foreign companies) permettant aux Etats de taxer les profits transférés par leurs entreprises résidentes dans des paradis fiscaux et l’obligation pour les entreprises de déclarer leurs montages fiscaux. De telles obligations existent aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

En marge de ces mesures, les Etats s’engagent aussi à converger sur la neutralisation des montages hybrides – schémas artificiels visant à obtenir déductions et crédits d’impôts – et le plafonnement de la déduction des intérêts, selon le modèle allemand.

Enfin, le plan de l’OCDE s’achève sur l’engagement de traiter les problèmes posés par la numérisation de l’économie, au-delà des seules entreprises technologiques. Les règles de TVA seront clarifiées, la définition de « l’établissement stable » (permettant d’identifier les revenus imposables) modifiée, afin de régler le cas d’Amazon.

Un « forum mondial » sera créé pour suivre la mise en place de BEPS et vérifier que l’accord politique est bel et bien mis en œuvre et ces réformes fiscales bel et bien faites.

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