George Grosz, le trait en guerre

German-born painter George Grosz working on satirical painting which depicts Adolf Hitler resting w. many tiny human skeletons at his feet, in studio at home.  ©Getty - Time Life Pictures/Pix Inc./The LIFE Picture Collection
German-born painter George Grosz working on satirical painting which depicts Adolf Hitler resting w. many tiny human skeletons at his feet, in studio at home. ©Getty - Time Life Pictures/Pix Inc./The LIFE Picture Collection
German-born painter George Grosz working on satirical painting which depicts Adolf Hitler resting w. many tiny human skeletons at his feet, in studio at home. ©Getty - Time Life Pictures/Pix Inc./The LIFE Picture Collection
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Virtuose, précis, désabusé, rageur, douloureusement hilarant. Le crayon de George Grosz continue de nous étonner par sa modernité, cent ans après ses premiers chefs-d’œuvre. Il faisait preuve de cruauté pour dépeindre la bourgeoisie décadente de la République de Weimar ou les généraux pré-nazis.

Sa plume est un scalpel social. Elle est le fracas. Il fut communiste, mais à peine. Il a été des premiers Dada berlinois, mais tout juste. Le cas Grosz, individu à l’engagement total et désespéré dans son art, est passionnant.

A la fois peintre (classé dans la « nouvelle objectivité », où on trouve aussi Otto Dix et Max Beckmann, par exemple) et satiriste, dans les galeries et dans les revues, toile et papier journal, dans l’esthétique du monde et sa saleté, Allemand communiste et Américain ravi… Il a tenté la réconciliation des contraires. Malgré la fréquentation des Dada, il restera attaché à une forme classique de peinture, à la figuration, à une certaine tradition, qui lui vaudront reconnaissance. Il écrit des textes poétiques qui dépeignent Berlin dans la dureté du temps, les néons qui éclairent faiblement la nuit, et qui annoncent « Grosz, l’homme le plus triste d’Europe ». La guerre l’a bouleversé (il a servi deux fois sous les drapeaux allemands), la violence de la société fait vibrer sa plume et son pinceau, pour dénoncer le bourreau, l’oppresseur intérieur.

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Artiste prémonitoire, il quitte Berlin fin 1932/ début 1933, échappant de peu à la barbarie nazie. Enormément de ses œuvres seront détruites. Il part alors pour New York, où il enseigne et publie dans le magazine Esquire . L’Amérique d’alors n’est pas l’Allemagne des années 20. L’inspiration s’édulcore, on dit qu’il y perd son mordant. L’Amérique le change. Il garde néanmoins la virtuosité de son trait, et espère trouver une autre voix, un style positif… Ses derniers collages des années 50 annoncent le pop-art, mais ne connaîtront pas l’écho de ses dessins berlinois.

George Grosz
George Grosz

Dans l’émission, George Grosz nous raconte lui-même certains des épisodes de sa vie, à travers des archives de la radio allemande (Radio Bremen). Marty Grosz, son fils, guitariste et homme de scène aux Etats-Unis, éclaire certains épisodes, notamment sa vie américaine. Ana Fonell, comédienne et petite-nièce de George Grosz, partage depuis Berlin ses interprétations des textes de l’artiste. Deux dessinateurs, Willem (Charlie Hebdo, Libération…) et Muzo partagent leur intérêt pour Grosz, figure importante dans leur parcours. Catherine Wermester, historienne de l’art, spécialiste de Grosz, et Marc Dachy, historien du dadaïsme, donnent les repères.

Le premier entretien destiné à ce documentaire a été enregistré le 7 janvier 2015 à 11h du matin. A la question : « Etait-il dangereux d’être dessinateur satiriste à Berlin dans les années 1920 ? », Catherine Wermester répond : « Il y avait des assassinats, l’époque était d’une violence inouïe, on a peine à se la représenter aujourd’hui ». Et puis nous sommes sortis du studio.

Willem a maintenu le rendez-vous que nous avions avec lui le 8 janvier, le lendemain du massacre de Charlie Hebdo. « Il ne faut pas reculer, il faut avancer », nous a-t-il dit.

> Bonus : entretien avec Marty Grosz, fils de George Grosz (anglais non sous-titré) : 

Entretien avec Marty Grosz

37 min

George Grosz
George Grosz

Un petit oui et un grand non , George Grosz, éd. Jacqueline Chambon, 1999

Grosz, l'homme le plus triste d'Europe , Catherine Wermester, éd. Allia, 2008

L'Art est en danger , Günther Anders, George Grosz, John Heartfield, Wieland Herzfelde, éd. Allia, 2011

George Grosz , par Gunther Anders, Allia, 2005

Merci à :

Louise Degenhardt (interprète interview Ana Fonell), Dominique Miyet (échanges internationaux de Radio France), Sophie Gillery (Ina).

A Laurence Courtois et Catherine Wermester pour l'aide à la traduction.

A Jean-Christophe Menu et Vincent Labaume pour leurs suggestions.

Par Thomas Baumgartner. réalisation : Gaël Gillon. Mixage : Philippe Bredin. Attachée de production : Claire Poinsignon.

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