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La Tunisie veut tourner la page de la transition - Tout comprendre des élections

Une supportrice de Nidaa Tounès.
Une supportrice de Nidaa Tounès. © REUTERS/Anis Mili
Marie Desnos , Mis à jour le

5,2 millions de Tunisiens sont appelés aux urnes dimanche pour élire leur Parlement. S'en suivra l'élection présidentielle le mois prochain. Voici ce qu'il fait savoir de ces deux scrutins qui détermineront l'avenir du pays.

Cela fait près de quatre ans que la Tunisie cherche à construire l’après Ben Ali. Une nouvelle page va s’écrire après les élections législatives qui ont lieu le 26 octobre, et présidentielle du 23 novembre (avec un second tour si nécessaire le 28 décembre). Quid de ce deuxième scrutin libre depuis la chute de la dictature?

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Qui vont élire les Tunisiens?

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- Aux législatives : Dimanche, les électeurs désigneront les 217 députés dans 33 circonscriptions. (Les Tunisiens de France ont commencé à voter vendredi.) Ceux-ci nommeront ensuite un Premier ministre, qui sera issu de la formation arrivée en tête.

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- A la présidentielle : Le mois prochain, les citoyens éliront, au suffrage universel direct, le président de la république.

Comment le pouvoir va—t-il se répartir?

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Conformément à la nouvelle Constitution, adoptée le 26 janvier par l’Assemblée nationale constituante (ANC, élue le 23 octobre 2011), le régime est semi-parlementaire. C’est à dire, en substance, que le Parlement va se partager le pouvoir avec le chef du gouvernement. Le président aura de fait un fonction plutôt honorifique.

Pour combien de temps?

Leur mandat sera de cinq ans.

Qui se présente?

- La Tunisie s’est ouverte au pluralisme politique. Et la loi électorale du 1er mai 2014 a ouvert les élections au plus grand nombre, par souci de ne pas diviser les Tunisiens en heurtant quelque sensibilité. Par conséquent, on compte pas moins de 15 652 candidats aux législatives, sur 1 327 listes formées par une centaine de partis et formations et de nombreux indépendants, recense «Courrier international ».

- Pour la présidentielle, 27 candidatures ont été approuvées pour le premier tour, notamment celle de l'actuel chef de l'Etat, Moncef Marzouki, et de cinq anciens ministres de Ben Ali : Abderrahim Zouari, Kamel Morjane, Mondher Zenaidi , Mustapha Kamel Nabli et Hamouda Ben Slama -les deux derniers n’ayant toutefois jamais appartenu au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l'ex-parti au pouvoir.

Ennahda, qui avait cédé le pouvoir à un gouvernement de techniciens suite à l’assassinat de deux dirigeants de l’opposition - Chokri Belaïd en février 2013 et Mohamed Brahmi en juillet - n'a pas présenté de candidat.

Qui est favori ?

- Aux législatives, les favoris restent les islamistes d’Ennahda (dirigé par Rached Ghannouchi), grand vainqueur des dernières élections -mais pas avec le même enthousiasme qu’en 2011-, et le parti Nidaa Tounès (Appel de la Tunisie), fondé en juin 2012 par Béji Caïd Essebsi.

Se présentent également ceux qui ont formé la coalition gouvernementale avec Ennahda : le Congrès pour la République (CPR), et le parti Ettakatol.

Citons en outre la coalition de gauche Front populaire, au nom duquel se présente Mbarka Brahmi, la veuve de Mohamed Brahmi, dans la symbolique circonscription de Sidi Bouzid –où le jeune Mohamed Bouazizi s’était immolé par le feu le 17 décembre 2010, déclenchant la révolution de Jasmin…
Basma Belaïd, veuve de Chokri Belaïd, qui a pour sa part finalement renoncé à toute ambition politique, a officialisé son soutien à Mbarka Brahmi dans une lettre ouverte très émouvante.

Les observateurs, y compris le réalisateur Christophe Cotteret*, s’attendent à un «éclatement du vote». Aucun des principaux partis ne semblant en position de remporter une majorité claire, la formation d'un gouvernement d'unité nationale apparaît comme le scénario le plus probable. D’autant que les principaux acteurs de la sphère politique, à commencer par Rached Ghannouchi, ont dit et répété être prêts à travailler avec les autres formations.

- Pour la présidentielle, Béji Caïd Essebsi, qui fêtera ses 88 ans le 26 novembre, part favori. Suivi de Mustapha Kamel Nabli, 66 ans, ministre du Plan et du Développement régional de 1990 à 1995.

La crainte de l’abstention :

La principale inquiétude reste l’abstention. Christophe Cotteret note en effet «une déception de l’ensemble de la classe politique globalement». Aussi, dans un pays où «les gens accordent une grande importance aux contre-pouvoirs», il est à craindre que les Tunisiens préfèrent s’investir dans «initiatives citoyennes», à titre individuel, plutôt que «pour un parti qui va les décevoir».

Problèmes : l’abstention «peut faire monter les extrêmes», et «le pouvoir qui sortira des urnes sera, dès le début de son mandat, faible».

Les principaux défis des futurs dirigeants :

Contrairement aux premières élections, où la place de l'islam et l'identité tunisienne avaient été au coeur de la campagne, cette fois-ci, les questions économiques ont dominé.

Les défis restent nombreux en matière d’emploi, de cherté de la vie, mais aussi de corruption.

Christophe Cotteret cite également les réformes de la police et de la justice. A ses yeux, les autres questions (de terrorisme, de violence, de droits de l’homme ou d’égalité hommes-femmes…) ne pourront pas être résolues avant que les trois priorités précédemment citées soient réglées. «Une partie de la police a aujourd’hui accepté la mission républicaine qui est la sienne, mais une autre qui continue de demander des bakchichs, de tabasser, voire tuer des jeunes dans les quartiers, ou encore d’arrêter des gens par vengeance liée à des faits de révolution», explique-t-il. Selon lui, cette réforme est d’autant plus importante et symbolique que «la police a fait peur pendant des années ; elle a été l’outil de la répression».

Cette même frange de la police «essaye d’intimider les juges». Alors que l’équité et l’indépendance de la justice est très importante aussi, surtout que «la justice transitionnelle a été abandonnée parce qu’on ne voulait pas de vague», souligne le vidéaste. C’est d’ailleurs, affirme-t-il, le principal regret de la troïka élue en 2011.

A la question de savoir si la «Révolution de jasmin» était finalement toujours en cours, il a répondu : «le processus de démocratisation est peut-être une forme de continuation de la révolution».

De son côté, Amnesty International a publié un manifeste pour les droits humains. L’ONG appelle les candidats à 10 engagements :

1/ Mettre un terme à la discrimination et à la violence contre les femmes
2/ Combattre la torture et les autres mauvais traitements
3/ Demander des comptes aux forces de sécurité
4/ Mettre un terme à l’impunité
5/ Garantir l'indépendance de la justice
6/ Défendre le droit à la liberté d'expression
7/ Protéger le droit à la liberté d’association
8/ Protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile
9/ Mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels
10/ Abolir la peine de mort

* Christophe Cotteret a réalisé «Démocratie année zéro», qui sortira le 5 novembre au cinéma, et «Ennahda, une histoire tunisienne», qui sera diffusé, le 4 novembre à 22h25, sur Arte. Un article sera consacré à ces documentaires début novembre sur Paris Match.

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