Être bibliothécaire jeunesse aujourd’hui

par Olivier Réant
Sous la direction de Mina Bouland
ABF, collection « Médiathèmes », 2016, 207 p.
ISBN 978-2-900177-45-7 : 30 €

Être bibliothécaire jeunesse aujourd’hui... Un thème aussi vaste dans ce qu’il recouvre, mais aussi étroit dans ce que nombre de citoyens peuvent imaginer de la fonction.

Mina Bouland est la cheffe d’orchestre de ce Médiathèmes. La diversité de ses missions pose déjà le bibliothécaire jeunesse comme un professionnel aux aspirations variées. Elle est à la fois chargée du pôle Enfance de la médiathèque centrale Jean-Lévy et de la politique documentaire jeunesse de la bibliothèque municipale de Lille, mais aussi responsable de la commission jeunesse de l’ABF.

L’intentionnalité du titre est affirmée, déclamée dans ce Médiathèmes à la lecture très agréable, et à la structuration qui en facilite l’approche tant par le novice que par le professionnel. Une lecture linéaire est tout à fait possible, car ponctuée de valeurs historiques, de prises de distance, et accompagnée d’exemples concrets. Cette construction intellectuelle en une dizaine de thématiques engage une lecture rythmée et incitative. La forme de l’ouvrage impose l’écrit comme principal canal de l’information. Pourtant, la lecture de l’image est si présente dans l’univers du bibliothécaire jeunesse que l’on pourrait ressentir un certain manque à la lecture de cet ouvrage.

À qui s’adresse-t-il justement ? À la fois au bibliothécaire jeunesse en processus de remise en question, d’innovation, au professionnel des bibliothèques en quête de mobilité, à l’adulte en quête de réorientation, ou à l’étudiant en quête d’orientation... La passion du métier se partage ici par l’écriture tantôt d’une sociologue, d’un libraire, d’un bibliothécaire, tantôt du monde associatif, d’un universitaire… On se pose sur un article, on rebondit sur un autre, on revient au précédent. La diversité des sources et des approches confèrent à l’ouvrage un solide socle réflexif pour tout lecteur en quête d’informations sur le métier actuel de bibliothécaire jeunesse.

Le lecteur prend alors trois boussoles pour explorer le métier : l’engagement, l’action et l’exploitation. Ces trois parties répondent clairement aux enjeux de ce livre, de cette boîte à outils également : à savoir celui d’éclairer la fonction, de l’affirmer, de la partager et de la légitimer. Car le titre sous-tend aussi la problématique de la représentation que se fait la société de ce métier. « Bibliothécaire jeunesse » versus « bibliothécaire adulte » ? « Aujourd’hui » plus ou moins qu’hier ? C’est par cette approche chronologique que démarre l’ouvrage : de la première bibliothèque de L’Heure joyeuse à aujourd’hui, dans l’article judicieusement proposé par Mina Bouland. C’est au début des années 2000 que la notion de patrimoine de la littérature jeunesse apparaît, et c’est à peu près au même moment qu’est apparu « Un nouveau champ de recherche – la sociologie de l’enfance » (Régine Sirota, p. 45). Il était donc temps de s’atteler à cette réflexion tout en y associant des thèmes proches des collections, tels que la censure et le marketing.

S’engager. Ce premier chapitre nous place d’abord dans un couffin puis nous fait grandir jusqu’à l’adolescence. Et c’est ici toute la difficulté de cet ouvrage que de parler de la « jeunesse ». Celle-ci concerne le tout-petit, le jeune, le pré-adolescent, l’adolescent, l’adulescent... Pour autant, il n’est jamais question de surexploiter ces catégorisations. La plupart des contributions envisagent le jeune de manière générale. Si l’adolescent semble parfois être observé d’un regard un peu moins bienveillant dans certains articles, charge au lecteur de prendre de la hauteur. Cela est aussi facilité, car contrebalancé, par des exemples innovants tel que le projet Mezzanine, dans l’article « La Mezzanine ou comment répondre aux besoins des adolescents à Rennes ».

Place est ensuite laissée au verbe Agir et à plusieurs contextes ô combien proches du quotidien des bibliothécaires jeunesse : l’Éducation nationale, la réforme des rythmes scolaires, les libraires, les artistes, la vie associative. Ce chapitre, non exhaustif dans les exemples, délivre une méthode et des conseils pour affirmer, à l’aide d’outils, la place de la profession dans la société, et ainsi : « Faire sens hors du cadre scolaire. […] Trouver un écho vivant et incarné aux enseignements dispensés » (Bruno Capsus, p. 86).

Les qualités humaines sont évidemment en filigrane de ce livre, et sont la pierre angulaire de tout engagement dans la profession : « L'accueil est un élément constitutif du climat des lieux [les bibliothèques]. La disponibilité et la compétence du personnel contribuent à instaurer des rapports de confiance » (Anne Ponté, p. 55). En somme, il s’agit pour chacun de s’ouvrir à l’autre, de mieux connaître et mieux se connaître.

Enfin, Exploiter. « Exploiter toute la richesse et la diversité de la production pour la jeunesse » : une compétence qui, est-il nécessaire de le rappeler, ne résume pas à elle seule le métier de bibliothécaire. Et il est intéressant de la voir placer en dernier chapitre du livre, par rapport aux représentations naïves que l’on peut avoir du métier. On entre ici dans le cœur des collections, avec des approches passionnantes et précises qui forment le lecteur à chacune des pages lues. La place de la littérature jeunesse dans la production, les éditeurs, les collections, la place du jeu, du marketing, de la censure, autant de clés, de conseils qui encouragent et consolident une culture professionnelle foisonnante.

Ce Médiathèmes stimulant donne du sens au métier, met des mots sur des pratiques, affirme les évolutions de la profession et enjoint le lecteur au plaisir de se mettre au travail ! Un plaisir qu’il faut partager avec les professeurs documentalistes, les professeurs des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), les acteurs des activités périscolaires, les élus, les usagers et futurs usagers… Cet ouvrage fait le pont entre les collections et la convivialité, selon le parallèle choisi par Sophie Rat (p. 184). Il est une forme de catalyseur de nombre d’éléments de formation professionnelle autour du métier de bibliothécaire jeunesse.

Être bibliothécaire jeunesse aujourd’hui est fait pour qui l’est déjà et souhaite « mettre à jour ses compétences et se professionnaliser » (Mina Bouland, p. 202), et pour qui aspire à le devenir...