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Présidentielle 2017

Présidentielle 2017 : la candidature Fillon ou le concours de lâcheté à droite

L'aventure Fillon ne pouvait se terminer que par un naufrage collectif. La plupart des dirigeants de droite le concédaient avec de grands soupirs. Navrés. Ils y participaient même, parfois Tous emportés par un tourbillon de poltronneries, dont chacun concédait avoir honte.

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François Fillon le dimanche 23 avril 2017, après sa défaite au premier tour de la présidentielle.

François Fillon le dimanche 23 avril 2017, après sa défaite au premier tour de la présidentielle. 

(c) AFP

Il y avait bien un « plan B comme Bérézina », pour la droite: c‘était la candidature de François Fillon. La plupart des dirigeants de droite en convenaient d'ailleurs en privé: cette aventure Fillon, toujours plus solitaire- ne pouvait se terminer que par un naufrage collectif. Ils le concédaient avec de grands soupirs. Navrés. Ils y participaient même, parfois carrément dédoublés entre le combat pseudo-enthousiaste du jour et le lamento désespéré, défaitiste de la nuit. Tous emportés par un tourbillon de poltronneries, dont chacun concédait avoir honte. Au moins n’ont ils pas été surpris par l’issue lamentable de cette campagne suicidaire dont ils furent complices en majorité. La droite de gouvernement pour la première fois exclue du second tour de l’élection suprême. A cause de la couardise de ses chefs!

Il y a certes eu quelques exceptions. Quelques hommes rares qui ont su dire « non ». Bruno Le Maire et ses proches, notamment le député Frank Riester, ont refusé de participer à « ce manquement à l’éthique » d’un candidat qui avait fait de la probité son mantra et… qui le reniait aussitôt après sa victoire à la primaire. Des juppéistes du premier cercle aussi, le maire du Havre Edouard Philippe ou le député Benoît Apparu, ont tenté de contrer une incohérence politique qui ne pouvait conduire qu’à l’échec. D’autres également- on songe au directeur de campagne, Patrick Stéfanini, qui a eu le courage de dire halte là et de quitter son poste-... D'autres encore, tels Gérard Larcher, le président du Sénat,  ou Xavier Bertrand, le président du conseil régional des Hauts de France, ont tenté de faire entendre raison « au forcené de Sablé ». Sans aller au delà…

Le jeu trouble de Sarkozy

Nicolas Sarkozy en personne a appelé au téléphone son ancien Premier ministre, lui lançant très directement: « ce n’est pas le général de Gaulle qui a été mis en examen, là c'est toi! Et tu dois respecter tes engagements, tes électeurs. Il te faut renoncer"! Mâle parole… Mais, dans le même temps, l’ancien Président de la République poussait la carte François Baroin, et bloquait le seul atout maître, Alain Juppé! Lequel avouait à ses plus proches « qu’il avait passé l’âge de jouer aux dés avec le destin », ce destin à côté duquel il sera toujours passé. Manque de tempérament. Défaut d’audace. Excès d’orgueil.  Et cruel constat: « le meilleur d’entre eux »- formule de Jacques Chirac- laissera donc sa place au « pire d’entre eux », ainsi que l’a rebaptisé avec une lucidité prophétique notre confrère Bruno Roger-Petit. 

Cette dérobade individuelle du maire de Bordeaux n’aurait pas été possible sans la lâcheté collective de cette droite qui, désormais, accable François Fillon, celui-là même qu’elle a préservé hier. Car le naufrage annoncé tient beaucoup à ces naufrageurs pleutres qui ont permis au candidat d’aller jusqu’au bout de son égarement auto-destructeur.

Le candidat était dans le déni total? Sans doute, mais son entourage, les députés, les sénateurs, eux, n’étaient pas aveugles. Ni sourds. D’ailleurs, ils ne faisaient pas campagne. Et pour cause... Leurs militants sur le terrain, lorsqu’ils s’y risquaient, se faisaient insulter, traiter de "voleurs". Y compris par ces électeurs de droite et du centre qui ne marchaient pas dans les grosses combines du « complot de l’Elysée », du « harcèlement de la presse » et de « l’acharnement des juges ». Manœuvres de diversions que François Fillon lui-même réduisait à rien en avouant moult turpitudes- ces costumes offerts par un intermédiaire douteux, ces remboursements que sa fille lui faisait sur les salaire versés et tout ça prétendument pour payer les dépenses de son mariage! Ça n’avait pas de Sens commun… C’était trop.

Une accumulation d’arrangements cupides

On lui aurait pardonné les emplois d’apparence fictifs, les approximations et les  fariboles, mais pas cette accumulation d’arrangements cupides couronnés par cet aveu inconscient d’incompétence: « je n’arrive pas à mettre de l’argent de côté ». Son état (personnel) était en faillite. Et cet acte d’accusation implacable, personne, même à droite, ne le démentait! Mais il ne fallait pas le dire. Juste continuer à marcher, escorté par les concerts de casseroles et ces cris, "rendez l’argent ».

Dans cet étrange concours de veuleries, plusieurs à droite prétendaient que le programme de redressement de la France était « le plus sérieux », qu’il l’emportait sur toute considération éthique. Comme si François Fillon pouvait demander des sacrifices au plus grand nombre en accordant allègrement des privilèges à son clan! Le plus grand nombre, sous le sceau de l’anonymat, en convenait. Et d’ajouter le plus souvent que  « le côté punitif du projet » ne pourrait pas passer, qu’il faudrait l’accommoder aux petits oignons, le relever de "social". Alain Juppé, en son temps de libre parole, avait dit les choses avec netteté: « infaisable et invendable ». Mais puisque cette ligne programmatique avait été censément validée par la primaire, et que son vainqueur refusait d'en changer, il n’y avait plus qu’à s’incliner ! Démission collective…

Une pleutrerie généralisée

C'est ainsi qu’une victoire promise s’est transformée en déroute consentie par poltronnerie de confort. Car chacun a préféré préserver sa situation, ses rentes, plutôt que d’affronter le risque d’une révolte généralisée. Cette pleutrerie généralisée a été fomentée, encouragée par une presse de droite totalement aveugle et éloignée de sa tradition fondamentalement libérale. En particulier Le Figaro transformée en Pravda du fillonisme! Aucune distance critique. Aucun respect pour les (é)lecteurs modérés, soucieux d’éthique, d’Europe ou, simplement, de modération. Autre porte-étendard du "fillonisme ", le magazine Valeurs Actuelles, à l'inverse du Figaro, n'a jamais prétendu s'inspirer de Raymond Aron ni d’Alain Peyrefitte. Deux esprits qui ne s’accoutumaient pas de la veulerie.

Il a manqué à tous ceux là, à droite, ce sursaut d’âme et de tempérament qui fait les grands hommes dans les grandes occasions. Il ne s’agissait pourtant pas de partir à Londres en laissant femmes et enfants. Il était juste question de « débrancher » un inconscient suicidaire qui entraînait dans les abîmes une famille politique, mais du coup, selon leur propre logique, la France aussi !

Il est des moments où il faut bousculer l’Histoire, sinon c’est elle qui vous bouscule et vous roule dans la poussière, quand ce n’est pas dans la boue de l’échec. Et pourtant la victoire leur tendait les bras. Pour préserver leurs carrières et leurs petites soupes sur leurs petits feux, ils auront donc eu la défaite. Et le déshonneur.

 

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