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Construction de HLM : les 36 villes que le gouvernement montre du doigt

L’exécutif veut durcir le ton face à des communes qui se sont toujours montrées rétives à la création des logements sociaux que leur imposait la loi SRU.

Par  et

Publié le 25 octobre 2015 à 17h06, modifié le 26 octobre 2015 à 15h16

Temps de Lecture 5 min.

« Casser les logiques de ségrégation et d’apartheid » et « lutter contre les discriminations ». Réuni lundi 26 octobre aux Mureaux (Yvelines), le deuxième comité interministériel « égalité et citoyenneté » s’est fixé deux objectifs dans les quartiers prioritaires. Reprenant les termes de Manuel Valls utilisés le 20 janvier après les attentats des 7 et 9 janvier, le gouvernement veut faire de la lutte contre la ségrégation territoriale une priorité.

M. Valls entend la mettre en œuvre avec un outil principal : la coercition vis-à-vis des communes refusant la construction de HLM sur leur territoire. Le premier ministre publie ainsi une liste de 36 villes qui se sont toujours montrées rétives à la création des logements sociaux que leur imposait la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000.

36 communes en carence de logements sociaux mises sous surveillance.

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L’objectif est de répartir les HLM avec équité entre toutes les communes d’une même agglomération. L’idée est populaire : selon une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie publiée en septembre, 80 % des Français interrogés sont favorables à la présence de logements sociaux dans les villes riches, souhait partagé par 70 % des habitants de ces mêmes villes.

« Actionner tous les leviers possibles »

« Nous avons fait une analyse fine des communes en expansion démographique et qui ont beaucoup construit, mais pas de logements sociaux, explique Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat. Les préfets devront actionner tous les leviers possibles, préemption, délivrance de permis de construire mais aussi mobilisation des logements vacants du parc privé, pour aider ces communes à atteindre leurs objectifs. »

Les quatre bilans dressés, par périodes de trois ans, permettent d’établir la carte précise des communes urbaines obstinément réfractaires à la perspective de se doter, d’ici à 2020, de logements sociaux à hauteur de 20 % du nombre de résidences principales, voire 25 % d’ici à 2025 dans les zones dites tendues.

Selon le bilan publié au printemps, sur 1 022 communes assujetties à la loi SRU, un tiers d’entre elles n’ont pas atteint leur objectif et 221 ont fait l’objet d’un arrêté de carence, ce qui ouvre au préfet la possibilité d’infliger des amendes, de préempter et de délivrer les permis de construire en lieu et place du maire. Une seconde liste de communes parmi celles déclarées en carence sera publiée d’ici quelques mois.

Amendes multipliées par trois, voire quatre ou cinq

Jusqu’en 2014, les sanctions étaient peu dissuasives. Le temps de l’indulgence est révolu. Désormais, les préfets feront preuve de fermeté. Des villes ont vu leurs amendes multipliées par trois, voire quatre ou cinq, comme cela est possible depuis 2013, pouvant atteindre 7,5 % du budget communal (contre 5 % auparavant). Dans le Val-de-Marne, Saint-Maur-des-Fossés va devoir acquitter une pénalité triplée de 3,5 millions d’euros, comme Ormesson-sur-Marne (900 000 euros) et Saint-Mandé (450 000 euros).

Agde, dans l’Hérault, ville de 25 000 habitants avec 7 % de logements sociaux, doit payer 450 000 euros de pénalité. « L’objectif assigné de 2 900 logements sociaux est matériellement impossible à atteindre étant donné que je délivre des permis pour 100 à 120 logements par an, se défend Gilles d’Ettore, maire (LR) d’Agde. Mais la préemption de l’Etat va nous aider pour rattraper une partie du retard », admet-il.

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Car l’Etat est passé à l’offensive en préemptant des bâtiments et des terrains, comme il l’a fait à Barberaz, dans l’agglomération de Chambéry, où l’établissement public foncier a capté une villa et deux terrains. « J’ai pris le taureau par les cornes et inscrit dans le nouveau plan local d’urbanisme l’obligation de construire 30 % de logements sociaux. Mais les effets sont longs à se faire sentir », plaide David Dubonnet, maire (divers droite) de Barberaz, commune de 4 500 habitants avec 11 % de logements sociaux. « Ces prochaines années, nous en construirons 300 à 400 et rattraperons notre retard », promet-il.

Les préfets pourront imposer du logement dans le parc privé

L’Etat, pour démontrer que le foncier disponible existe, quoi qu’en disent les maires, a également préempté des terrains à Vence (Alpes-Maritimes), Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Saint-Maur-des-Fossés, Périgny-sur-Yerres et Ormesson-sur-Marne (Val-de-Marne). Les 36 communes carencées seront, en outre, les sites d’expérimentation de la future loi « pour une égalité d’accès au logement », qui sera présentée en conseil des ministres en février 2016.

Le texte prévoit que les préfets pourront, faute de logements sociaux, imposer de loger des demandeurs dans le parc privé, à charge pour la commune de payer l’écart de loyer. Les attributions de logements sociaux seront réformées, moins cloisonnées, et devront partout, sauf dans les quartiers sensibles, accueillir un pourcentage encore indéterminé des ménages les plus pauvres (vraisemblablement autour de 30 %).

Les communes carencées pourront se voir privées du droit d’attribuer leur contingent de logements sociaux, qui reviendra au préfet : une mesure dissuasive, les maires étant très attachés à leur pouvoir d’attribution.

Campagne nationale de « testing »

Si le logement reste le gros des annonces du comité interministériel, le premier ministre devrait aussi dessiner une série de mesures de lutte contre les discriminations. Ainsi, une campagne nationale de « testing » sera lancée au premier semestre 2016 sur un échantillon d’entreprises de plus de 1 000 salariés, afin de vérifier que leurs offres d’emploi ne sont pas discriminatoires. Un programme de renouvellement des origines sociales des élèves des écoles administratives sera également lancé à partir de la rentrée 2016, car, selon le premier ministre : « Il n’y a pas assez de hauts fonctionnaires issus des milieux populaires, et ce n’est pas normal ».

Le gouvernement entend aussi répondre à l’attente forte concernant les relations entre la police et les habitants des quartiers populaires. Il devrait annoncer l’équipement des policiers de « caméras piétons » qui enregistreront leurs actions en situation d’interpellation et de contrôle d’identité. La mesure avait été expérimentée et Manuel Valls avait déjà annoncé sa généralisation en mars. Si le bilan de l’expérimentation est jugé positif, reste à savoir quand et comment elle sera mise en pratique partout sur le territoire.

Lire le post de blog : Les caméras piétons n’en finissent plus d’être généralisées dans la police

Par ailleurs, Manuel Valls a annoncé qu’il allait nommer dix délégués du gouvernement dans dix villes ayant des quartiers considérés comme difficiles. Trois communes ont déjà été retenues : Trappes (Yvelines), avec le quartier des Merisiers-Plaine de Neauphle, Mulhouse-Illzach (Haut-Rhin), avec le quartier intercommunal Drouot-Jonquilles, et Avignon (Vaucluse), avec le quartier Monclar-Rocade Sud. Ces délégués, qui agiront « en lien avec le maire », auront pour mission de redonner « force et cohérence à l’action publique locale » a indiqué le premier ministre.

Lire sur Les Décodeurs : Logements sociaux, comment votre commune s’en sort-elle ?

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