L’audace selon Xu Ge Fei, éditrice : “Casser quelque chose pour le reconstruire”

Votre conception de l’audace ?

En chinois, le mot audace est plus fort que le mot courage et finalement très proche du mot « risque ». A mes yeux, dans la vie nous avons deux moteurs. Soit, la peur, soit l’amour. La peur, c’est l’inquiétude, la timidité, la jalousie… C’est l’énergie négative. L’amour, c’est le courage, la confiance, la générosité envers l’autre… C’est l’audace. Mais il y a toujours une forme d’ambivalence. Quand une femme se maquille, est-ce par amour ou par peur ? Est-ce parce qu’elle aime ou parce qu’elle craint que personne ne l’aime ? L’audace, c’est avoir confiance. C’est aimer.

Qu’avez vous fait de plus audacieux dans votre vie, votre carrière ?

J’ai longtemps eu peur de l’altitude. Je souffrais de vertige. A vingt-six ans, j’ai décidé de soigner le mal par le mal en sautant en parachute. Et ça a marché. J’ai surmonté ma peur. Dans ma vie professionnelle, je n’ai jamais eu de notion de carrière. Par contre, en 2009, quand j’ai créé ma maison d’édition, on peut dire que j’ai fait preuve d’inconscience ou d’audace. Je me suis lancée dans un métier que je ne connaissais pas, dans un pays que je ne connaissais pas et dans une langue qui n’est pas ma langue maternelle.

Le coup d’audace que vous admirez le plus ?

L’audace, ce n’est pas un coup, comme un coup de tête. Agir brutalement, c’est agir sans réfléchir, juste sous le coup de l’émotion. L’audace, je pense, c’est plus un chemin, c’est insister, c’est tenter de surmonter des obstacles. L’audace, c’est continuer pendant trente ans à maintenir son effort pour atteindre son objectif. L’audace, c’est quelqu’un comme Ghandi.

La mesure audacieuse qu’il faudrait prendre en France aujourd’hui ?

Je suis trop petite pour donner une leçon à un grand pays comme la France. Je dirais juste que l’audace, c’est être prêt à prendre les risques de casser quelque chose pour mieux le reconstruire. Il faut être prêt à se casser de l’intérieur, être prêt à se réformer. En France, j’ai parfois le sentiment que l’on cherche trop à protéger l’existant.

Notre système éducatif laisse-t-il suffisamment de place à l’audace ?

Moi, j’ai quitté l’école à seize ans pour apprendre. Croire que l’éducation s’arrête à vingt-deux ou vingt-cinq ans, quand on arrête ses études… Il faut en fait apprendre aux enfants à apprendre. Pas leur remplir la tête de généralités. L’éducation, ce doit être un parcours personnel, une formation individuelle. Il faut écouter la personne. Et il faut chercher à nourrir le bonheur, car c’est aussi le bonheur qui nous rend audacieux.

Propos recueillis par