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Charcuterie : la grande panne du marché français

¤ La consommation des Français recule depuis 26 mois. ¤ Les recettes industrielles suscitent une forte méfiance.

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Par Marie-Josée Cougard

Publié le 4 mai 2017 à 01:01

Le modèle alimentaire américain, avec ses produits trop gras, trop salés, trop sucrés, n'est pas le seul à être remis en cause. En France, où l'industrie agroalimentaire s'est longtemps crue à l'abri, la méfiance des consommateurs ne cesse de gagner du terrain.

Ce qui se passe sur le marché de la charcuterie - un secteur de 7 milliards d'euros - est, à cet égard, édifiant. « La consommation à domicile a reculé en avril pour le 26e mois d'affilée, alors qu'elle était en constante augmentation depuis quinze ans », déplore Robert Volut, le président de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes (FICT). Les ventes ont chuté de 3 % sur douze mois glissants à fin mars, selon l'institut Kantar. Sur les quatre premiers mois de l'année en cours, la baisse est de 4 %. Tous les clignotants sont au rouge. La fréquence des achats a baissé et les quantités achetées chaque fois aussi.

Pour le patron de la FICT, ce n'est pas une péripétie. « Le consommateur est en train de changer profondément et il n'y aura pas de retour en arrière. » Les gens veulent du naturel, du local et de la diversité. Le succès des jambons espagnols, issus de porcs élevés dans la nature et nourris aux châtaignes, est significatif de cette tendance et contraste avec l'effondrement des ventes de jambons de Bayonne (-10,8 % en valeur en GMS entre avril 2016 et mars 2017) ou d'Auvergne (-10,7 %). De fait, la qualité des produits espagnols est meilleure parce que les cuissons ainsi que le séchage des charcuteries sont plus rapides en France.

Les mises en garde, en octobre 2015, de la World Cancer Research Society contre un risque accru de cancer colorectal pour les très gros consommateurs de viande ont eu l'effet d'un pavé dans la mare, d'autant que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) les a reprises à son compte. « Nous sommes assaillis de questions de mamans qui se demandent si elles peuvent donner du jambon à leur enfant », dit encore Robert Volut.

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Monter en gamme

Comment faire pour s'adapter ? Les producteurs n'auront d'autre choix que de « monter en gamme et diversifier leur offre. Tant qu'ils ne l'auront pas compris, la consommation va continuer de reculer », poursuit Robert Volut, qui a claqué la porte de l'interprofession (où sont représentés les producteurs, les fabricants d'aliments, les abatteurs et les distributeurs) parce qu'on n'entendait pas ses propos.

Le président de la FICT va jusqu'à remettre en cause les races de porc privilégiées pour des raisons de productivité. Les objectifs de la génétique étaient initialement de fournir une matière première abondante et peu chère aux industriels, reconnaît Jacques Mourot, chercheur spécialiste des systèmes d'élevage à l'Inra de Rennes. « Désormais, nous travaillons sur les qualités nutritionnelles de la viande. Il suffit pour cela de faire évoluer l'alimentation des animaux. Le lien entre les deux est très étroit. »

Pour Jacques Mourot, la question des nitrites, qui donnent une couleur rose au jambon, a été exagérée. « Le danger de cancer du colon existe, mais pour un individu qui mangerait 35 tranches de jambon par jour pendant trente ans ! » Les nitrites assurent la conservation des jambons. Ils retiennent l'eau, ce qui, au passage, induit un gain appréciable sur le prix. Plus le jambon est bas de gamme, plus il en contient.

Confrontés à la méfiance grandissante des consommateurs à l'égard des additifs, les industriels cherchent à s'adapter. Nestlé en tête, via sa marque Herta. Elle est la première à avoir lancé, en février, du jambon cuit sans nitrite et dans du bouillon de légumes. Fleury Michon joue, lui, sur l'enrichissement en Omega 3, réputés utiles contre les maladies cardiovasculaires. Dans les deux cas, il s'agit de groupes disposant de moyens financiers indispensables à la recherche de nouvelles méthodes.

Or, la majorité des entreprises de charcuterie et salaisons en France sont très petites. Elles tirent aussi la langue à la suite de la hausse des prix du porc en 2016 et 2017. Selon la FICT, leurs coûts de revient ont augmenté de 10 à 15 % en 2016, quand les tarifs de la distribution progressaient de 1,3 % seulement. Pas facile d'investir dans ces conditions.

Marie-Josée Cougard

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