La solitude du pouvoir

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Avec
  • Omar Saghi Docteur en science politique
  • Samy Cohen Directeur de recherche émérite au CERI Centre d'Etudes et de Recherches Internationales de Sciences Po, président de l'Association française d'études sur Israël (AFEIL)
  • Jean-Michel Djian Journaliste, réalisateur
  • Jean-Pierre Chevènement Ancien ministre, président de la Fondation Res Publica
François Mitterrand en 1994
François Mitterrand en 1994
© Reuters - Charles Platiau

Cette solitude est-elle naturelle ? Sinon, comment l’expliquer ? Est-elle liée à la fonction ? A la fragilité d’un rôle social constamment sous pression ? Est-elle renforcée par le fonctionnement que l’on dit aisément monarchique de la Cinquième République ?  Les explications ne manquent pas, et doivent laisser une large part à la structure même de la décision en politique : même s’ils sont conseillés, les hommes et les femmes qui nous gouvernent doivent toujours, en fin de compte, assumer une décision dont la responsabilité leur incombe. Comme si l’opinion devait pouvoir savoir qui elle doit blâmer ou admirer en cas d’échec.

L’historien allemand, Ernst Kantorowitz, dans une réflexion restée célèbre sur les deux corps du Roi, évoque ce qu’il nomme « les mystères de l’Etat ». Parce que le pouvoir revêt une dimension sacrée, la part de mystère qui auréole le monarque l’isole de ses semblables et le voue à une solitude consubstantielle au pouvoir qu’il détient sur ces derniers. Face à cette solitude, les grands acteurs politiques réagissent différemment en fonction de leur caractère : mais qu’ils en souffrent ou s’en accommodent, tous la ressentent pour ce qu’elle est : une malédiction nécessaire, l’incarnation de leur pouvoir.

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La solitude du Pouvoir avec J-M. Djian, J-P Chevènement, S. Cohen, O. Saghi
La solitude du Pouvoir avec J-M. Djian, J-P Chevènement, S. Cohen, O. Saghi
© Radio France

Samy Cohen, directeur de recherche émérite au CERI, le Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po, spécialiste des Relations Internationales et des questions de défense. Auteur de nombreux travaux notamment sur les processus de décisions en matière de politique étrangère sur la Ve République.

Jean-Michel Djian, journaliste et producteur à France Culture. Il vient nous parler de son livre « Solitudes du pouvoir » publié en mars 2045 chez Grasset.

La séquence internationale : Le Maroc, l’exercice du pouvoir par le roi. Omar Saghi, docteur en science politique, éditorialiste à Tel Quel et à Medi1, Commissaire de l’exposition « Hadj » sur le pèlerinage à la Mecque à l’IMA, l'Institut du monde Arabe, en 2014, auteur d’un ouvrage collective « Al-Qaida dans le texte » sous la direction notamment de Gilles Kepel, paru aux Presses Universitaires de France – PUF en 2005. Il prépare un ouvrage à paraître sur le Maroc contemporain.

Le conseil de lecture de la semaine LES CHIRAC. Les secrets du clan. » de Béatrice Gurrey [2015, Robert Laffont] Journaliste politique au Monde, Béatrice Gurrey a suivi Jacques Chirac durant plusieurs décennies. Dans cet ouvrage, elle raconte cette étrange solitude, celle de l’après-pouvoir, lorsque le nombre de collaborateurs diminue, que les ennuis judiciaires commencent, que les visites des amis et des anciens ministres s’espacent pour laisser place à beaucoup de vide…

Pour l’auteure, l’isolement de Jacques Chirac débute avant la fin de son mandat, lorsqu’il est victime d’un accident vasculaire cérébral en septembre 2005. Elle raconte dans le détail comment, pour protéger son père, Claude Chirac, sa fille et conseillère en communication, l’isole des journalistes et de toute prise de parole publique non contrôlée. C’est le début d’un exil intérieur raconté à travers un livre remarquablement bien écrit, dont la fluidité tient à la manière de raconter la psychologie d’un homme pour qui on sent poindre chez l’auteure une admiration personnelle qui rend touchant son récit. Ce sont moins les secrets d’un clan – peu nombreux – que l’atmosphère de ces dernières années dans une famille qui est avant tout un bloc, solidaire si ce n’est uni, tel que le système politique a pu en façonner dans l’histoire…

A mesure que « la nuit vient » pour reprendre le titre du dernier chapitre, on sent poindre l’émotion de l’auteure – et celle du lecteur – devant la petitesse du pouvoir face à la finitude des choses. Quand le corps lâche, l’on devient encore plus isolé, comme n’importe quel vieillard.

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