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Actualité de la recherche

L'empathie vient en lisant

Florine Galéron

Sciences Humaines N° 286 - Novembre 2016

Plusieurs philosophes, comme l’Américaine Martha Nussbaum ou le Français Jacques Bouveresse, ont déjà avancé cette idée : la littérature nous aiderait à mieux ressentir les émotions des autres et donc à mieux les comprendre. Cette intuition est aujourd’hui confirmée par un vaste bilan d’études sur le sujet, dirigé par le professeur de psychologie canadien Keith Oatley. L’une des expérimentations consistait à deviner l’humeur d’une personne en se basant uniquement sur une photo de ses yeux. Résultat : les amateurs d’œuvres de fiction arrivaient plus facilement à déceler les émotions à partir du cliché que ceux n’en lisant pas. « La fiction est une simulation de la sphère sociale. De la même manière que certains améliorent leurs capacités de pilotage via un simulateur de vol, ceux qui lisent des romans peuvent faire progresser leurs compétences sociales », explique le chercheur. Des examens basés sur une IRM ont montré qu’en lisant, l’homme mobilise les mêmes aires cérébrales que celles utilisées pour reconnaître les sentiments d’autrui (processus appelé « théorie de l’esprit »). De même, lorsqu’un protagoniste tire sur une corde, le lecteur fait appel à la zone du cerveau qui permet de saisir un objet. Plus il est impliqué émotionnellement dans l’histoire, plus il est susceptible d’améliorer son empathie. À noter que la qualité littéraire des histoires est déterminante dans le processus. « La complexité des personnages littéraires aide le lecteur à se faire une idée plus sophistiquée des émotions et des motivations d’autrui », a démontré il y a quelques années Frank Hakemulder. Il existe tout de même des exceptions. « Certaines fictions populaires qui incluent des personnages complexes peuvent aussi avoir un impact positif. Il a déjà été prouvé que lire Harry Potter peut faire diminuer les préjugés », relève K. Oatley. Plus que simples passe-temps, récits, contes, romans et autres fictions sont donc reconnus comme des outils sans équivalent pour progresser dans la compréhension d’autrui… 

Keith Oatley, « Fiction : Simulation of social worlds », Trends in Cognitive Sciences, vol. XX, n° 8, août 2016.
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2 commentaires
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  • - le

    Sans l'action de lire, il est difficile d'interpréter un auteur, ou une œuvre.
    De même, sans l'action d'observer les expressions du visage humain, il est difficile de deviner l'état émotionnel de quelqu'un. Or, l'article de Florine Galéron montre que des études sérieuses ont établis une 'CORRÉLATION' entre ces deux actions.
    Si, au final, vous ne la voyez guère se manifester chez vos collègues, dans l'établissement où vous enseignez, cette seule constatation ne suffit pas à la (cette corrélation) remettre en cause.
    En effet, je trouve que vous sautez par-dessus bien des étapes, entre cette première action qui est la lecture, et cette dernière, pour vous, qui est la manière d'enseigner, c'est à dire de transmettre un savoir à de jeunes personnes que tout enseignant se doit de RESPECTER. Et si ce n'est pas le cas, alors c'est que vraisemblablement, vos collègues ont une 'estime de soi' troublée, voire contrariée. Mais, en conclusion, leur attitude négative ne contrarie nullement cet article très positif.
  • - le

    Je suis professeur de lettres dans un établissement sensible et peux vous affirmer par expérience que la culture littéraire ne fait pas l'empathie, j'ai croisé trop de collègues de lettres qui étaient de véritables sadiques méprisants envers les gamins de milieux populaires pour croire en la corrélation entre la lecture et l'empathie. Ou alors nous ne sommes pas d'accord sur le sens du mot empathie. Je trouve que ce genre d'etude, et les articles qui lui sont corrélées participent en revanche au mépris de classe.
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