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Arts et enchères

Fiac 2017 : une enquête décapante sur les excès de l'art contemporain

Galeristes cyniques, artistes cupides, collectionneurs mégalomanes ou intéressés: dans "Requins, caniches et autres mystificateurs", le journaliste Jean-Gabriel Fredet pointe les excès et dérives de l’art contemporain. Demain la bulle?

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"Balloon Dog" de Jeff Koon au château de Versailles
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

"There is no business, like art business", "pas de plus beau business que le business de l’art". La phrase est attribuée au plus mythique des galeristes, Larry Gagosian. Le plus cynique aussi. "J’aurais pu aussi bien vendre des boucles de ceinture, je suis un dealer, je vends", affirme, provocant, celui qui a exposé les plus grands artistes vivants, les plus chers surtout, Jeff Koons, Takashi Murakami, Richard Prince. Le marchand new-yorkais qui n’avait pas mis les pieds dans un musée avant l’âge de 25 ans réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires proche de celui de Christie’s, la première maison de ventes aux enchères dans le monde, et possède une collection évaluée à un milliard de dollars.

Ce n’est pas un hasard si Jean-Gabriel Fredet, journaliste à Challenges, commence son dernier livre, consacré à l’art contemporain, par le portrait de Gagosian, "l’homme le plus puissant de la planète art". Requins, caniches  et autres mystificateurs, tel est le titre de cet ouvrage décapant, à mi-chemin entre le pamphlet et l’enquête. Les caniches sont facilement identifiables par l’œuvre reproduite en couverture, un des fameux Balloon dogs de Jeff Koons. Quant aux requins, ils font allusion à celui de Damien Hirst, plongé dans le formol et vendu 20 millions de dollars, mais aussi à tous ceux, nombreux, qui nagent dans les eaux troubles de cet univers sans foi ni loi. Déjà peint par Tom Wolfe dans son roman Bloody Miami sous les traits du "sinistre et fantomatique" Harry Goshen, grand maître de l’Art Basel Miami, Gagosian est certainement le plus redoutable d’entre eux.

La Gagosian Gallery sera encore présente cette année à la Fiac, la Foire internationale d’art contemporain. Mercredi 18 octobre, journée réservée aux VIP, a débuté au Grand Palais, à Paris, sa 44e édition, ouverte au grand public du 19 au 22 octobre. Avec 193 galeries présentes et 30 pays représentés, la grand-messe parisienne de l’art est devenue un événement international, incontournable pour les artistes, les galeristes et les collectionneurs. Et l’occasion pour le vulgum pecus d’approcher un univers aussi fascinant qu’excessif.

La mégalomanie des "specullectors"

Excès et dérives en tout genre sont au menu de Requins, caniches et autres mystificateurs, à commencer par la folie des prix: par exemple, les 58 millions de dollars d’un Balloon Dog de Koons, record mondial en vente aux enchères pour un artiste vivant, résultat d’une habile manipulation révélée par le journaliste. On y découvre aussi la mégalomanie – pas forcément irrationnelle – des collectionneurs-spéculateurs, rebaptisés specullectors : Eli Broad, cofondateur de Kaufman & Broad et créateur à Los Angeles d’un musée à son nom, l’ex-publicitaire britannique Charles Saatchi, le producteur et mécène américain David Geffen, sans oublier le duo français Pinault-Arnault, en quête de reconnaissance mais aussi conscients des effets de l’ "artketing" (ou marketing par l’art) sur les bénéfices de leurs groupes de luxe respectifs, LVMH et Kering.

En publiant son brûlot, Jean-Gabriel Fredet s’est sans doute fait quelques ennemis dans le petit monde de l’art contemporain. Ses conclusions sont en effet sans appel. "Le marché de l’art fonctionne comme une loterie, écrit-il. Un petit nombre de gagnants (artistes et collectionneurs) mais qui empochent d’énormes gains. Et une majorité écrasante de perdants." Selon Donald Thompson, professeur à la London School of Economics et à New York University, "80% des œuvres achetées sur des foires d’art ou à des marchands locaux ne se revendront jamais aussi haut que leur prix initial. "Une prédiction que confirme Marc Spiegler, patron de la foire Art Basel : "80% des artistes qui se vendent bien aujourd’hui seront invendables dans vingt ans." Comme l’écrit Fredet, "porté par la bulle des prix, des ego, des gogos, l’art contemporain danse sur un volcan". Un avertissement utile pour les visiteurs de la Fiac qui qui croiraient être bien inspirés en y flambant toutes leurs économies.

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