Ignorant la menace judiciaire, le président brésilien, Michel Temer, est parti, lundi 19 juin, pour un voyage officiel en Russie. Mardi 20 juin, dans la soirée, il s’est affiché avec Vladimir Poutine lors d’un spectacle du Ballet du Bolchoï, à Moscou.
Le chef d’Etat retrouvera son bureau de Brasilia, le 23 juin, après une rapide escale en Norvège. Une démonstration de l’activisme international d’un président pugnace, déterminé à montrer au monde entier que son pays n’est pas paralysé. Qu’en dépit des railleries et de la désolation d’une partie des citoyens face à l’interminable scandale de corruption mis au jour par l’opération judiciaire « Lava Jato » (« lavage express ») le Brésil ne s’est pas transformé en une honteuse « République bananière ».
Vaine tentative. Embourbé dans une crise morale qui s’approfondit de jour en jour, le pays a basculé dans un quasi-ostracisme diplomatique. « Depuis sa prise de fonctions, il y a un an, quel grand chef d’Etat est venu rendre visite à Michel Temer ? A part le premier ministre espagnol, lui aussi accusé de corruption, personne. En Amérique latine, en Europe, aux Etats-Unis, on ne prête plus attention au Brésil. Le pays est devenu un paria », lâche Joaquim Barbosa, ancien président de la Cour suprême, qui envisage de se présenter à l’élection présidentielle de 2018 pour le parti écologiste Rede, aux côtés de Marina Silva.
Un propos sévère à la hauteur du dépit de l’intelligentsia brésilienne, qui se souvient avec amertume du moment de grâce du Brésil. De cette époque bénie, sous le gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), cet ancien métallo devenu une « rock star » de la scène internationale, ami de George Bush et copain d’Hugo Chavez, suscitant l’admiration de Barack Obama. De cette nation enivrée de pétrole qui a pu rafler la direction de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), avant d’être choisie pour accueillir la Coupe du monde de football (2014) et les Jeux olympiques (2016).
La fragilité du géant
« Il semble que Dieu se soit fatigué du Brésil. Qu’il nous ait abandonnés », écrit Antonio Delfim Netto, ancien ministre des finances et ex-ambassadeur du Brésil en France, dans une tribune du quotidien Folha de Sao Paulo le 7 juin, contrariant le dicton populaire qui affirme que « Dieu est brésilien ».
L’étoile du géant d’Amérique latine a pâli, abîmée par l’impeachment (destitution) polémique de l’ancienne présidente de gauche, Dilma Rousseff, en 2016. Un procès décrit comme un « coup d’Etat » par les soutiens du Parti des travailleurs (PT, gauche).
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