Mayotte : Nathacha Appanah en a décrit le drame dans « Tropique de la violence »

Avec son roman sorti en 2016 chez Gallimard et qui lui avait permis d'être en lice pour le Goncourt, le Médicis et le Femina, la Mauricienne lève le voile sur la situation sociale de cette île marquée par la proximité des Comores.

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Dans "Tropique de la violence" (Gallimard), Nathacha Appanah décrit la situation de Mayotte.

© C. Hélie Gallimard

Temps de lecture : 3 min

Tropique de la violence, son nouveau roman, est né des deux années (2008-2010) durant lesquelles Nathacha Appanah a vécu à Mayotte, et où elle fut frappée par tous ces enfants qui n'allaient pas à l'école : « On aurait dit une île aux enfants. » Mais cette apparence cachait une réalité plus dure. « Beaucoup de parents venus des Comores, reconduits à la frontière, préfèrent laisser leurs enfants derrière eux, parce qu'ils ont plus de chances d'être scolarisés. Ils espèrent revenir les chercher, mais ne reviennent pas. » L'écrivaine s'interroge alors sur le devenir des enfants à l'adolescence, et rencontre l'un de ces jeunes garçons en cherchant à comprendre comment il vit cette forme d'abandon. De retour en France, où elle est installée, l'écrivaine native de Maurice et d'origine indienne continue de suivre de près l'actualité de Mayotte, qui récemment s'enflamme : « La poudrière annoncée s'est révélée. »

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Mayotte est l'espoir de trouver mieux

Nathacha Appanah obtient une bourse pour revenir l'an dernier voir de plus près le sujet qu'il lui tient à cœur de traiter, hésite autour de la forme, opte pour la structure polyphonique, où, tour à tour, les personnages prennent la parole : Marie, la métropolitaine infirmière, stérile ; son fils adoptif Moïse, que lui a remis dans les bras une jeune Comorienne ; Bruce, chef de gang du bidonville de Mayotte portant le nom de Gaza, qui va enrôler Moïse dans la spirale de délinquance ; Stéphane, l'humanitaire ; Olivier, le policier. Quant au risque de stigmatiser, par le titre même, ce coin du monde comme marqué par la violence, l'écrivaine répond : « Elle est tropicale, mais pas seulement. Nous en avons des échos autour de nous, et quand j'écrivais le livre en Europe, l'actualité était d'une grande violence autour de moi. Mayotte est l'enclave française de l'archipel des Comores, un des pays les plus pauvres au monde, et Mayotte est l'espoir de trouver mieux, d'aller de l'avant, de s'en sortir. Nous n'avons pas trouvé la solution à ce qui pourtant ne peut se refuser à aucun être humain : l'espoir de trouver mieux. Et si j'étais comme eux, je ferais la même chose. Pourtant, le chômage est abyssal à Mayotte, on s'y drogue à tout, et les débats sur l'identité, française ou pas, créent le malaise. Mais je n'ai jamais connu autant de personnes aussi attachées à la France, le cœur est là. »

Le ballon va éclater

Quand on évoque le cas de l'écrivain comorien Ali Zamir, pour lequel son éditeur (Le Tripode) a lancé une pétition parce qu'il n'obtenait pas son visa (finalement accordé) pour venir en France à l'occasion de son premier roman Anguille sous roche, Nathacha Appanah n'a pas de réaction particulière, tant elle a été et victime et témoin de ce problème en le voyant des deux côtés : « Il y a tant de personnes dont le visa est refusé, mais je dois dire aussi que les infrastructures françaises sont noyées de demandes, de refus, et tout cela est sur le point d'éclater. La même chose arrive à l'hôpital, submergé, le ballon gonfle et va éclater du jour au lendemain. »

En parallèle à ce beau et fort sixième roman (depuis Les Rochers de poudre d'or, en 2003, en passant par La Noce d'Anna dans un registre plus intimiste et Le Dernier Frère, pour l'histoire), Nathacha Appanah publie Petit Éloge des fantômes, recueil inédit de sept textes ou nouvelles, où les grandes questions que l'on y trouve, la matrice de son œuvre, se retrouvent, dont celle des origines (indiennes en l'occurrence) et d'une culture qui est vaste, dit-elle, mais peut être « extrêmement castratrice ». Tout cela s'y lit dans l'émotion et la finesse. Ses fantômes écartés, l'écrivaine a pu se consacrer à ceux de Mayotte qui ne la quittaient pas, et disent le réel. Il est bon de retrouver Nathacha Appanah en librairie. Avant le Rendez-vous les 4 et 27 octobre pour les prochaines listes, et la remise du prix littéraire le plus attendu de la saison, remis le 3 novembre.

Tropique de la violence de Nathacha Appanah, Gallimard, 180 pages, 17,50 euros.

Paraît simultanément « Petit éloge des fantômes » (Folio 2 euros, inédit).