Quelles caractéristiques pour la banque de demain à l'ère numérique ?

Quelles caractéristiques pour la banque de demain à l'ère numérique ?

Article co-écrit avec Bruno Walther, CEO de CaptainDash

Bien malin serait celui qui pourrait prédire ce que serait la banque dans 10 ans. Un simple constat refroidirait les plus audacieux : dans le monde bancaire, plus de 50 % des contacts avec les clients se font aux travers d’un appareil qui n’existait pas une décennie plus tôt : le smartphone.

Pour autant, si il est difficile de décrire ce que sera l’environnement bancaire, on peut affirmer sans trop de risque que la donnée y jouera un rôle central et structurant. Elle sera au coeur des nouveaux modèles, tant dans sa capacité à aller vers l’excellence opérationnelle que dans l’invention de nouvelles expériences.

L’enjeu n’est pas tant de maîtriser les enjeux technologiques et réglementaires autour de la donnée (l'ensemble des acteurs, en y mettant les moyens, y arriveront), mais de comprendre et d’intégrer les enjeux sociétaux et l’impact sur les modèles induits par la révolution data.

On en retiendra pour preuves deux exemples frappant, depuis maintenant 5 ans.

Les infrastructures

1° Les investissements massifs consentis pour construire les infrastructures IT, les datas center... ne constituent plus aujourd’hui des barrières à l’entrée protégeant les banques de nouveaux compétiteurs. Pire ils constituent un frein à l’innovation car verrouillés et ralentis par des plans informatiques annuels.

Dans l'univers bancaire... la donnée est vue comme un trésor gnostique qui ne devrait briller qu’en son sein

2° Si l'on devait appliquer au monde de l'aéronautique la déflation rencontrée dans le monde de la donnée, le coût d’un Boeing 747 acheté en 1994, vaudrait le prix d’une pizza pepperoni, sans options.

N’importe quel acteur, avec une simple carte de crédit, peuvent aujourd’hui accéder, en quelques clics, aux capacités computationnelles d’Amazon, bien plus puissantes que celles de n'importe quelle banque. L’arrivé rapide et massive d’un acteur bancaire comme N26 le démontre.

Dans l’univers bancaire, la donnée a toujours été vue comme une propriété absolue de la banque. La donnée est vue comme un trésor gnostique qui ne devrait briller qu’en son sein. L’essentiel étant de la conserver au détriment des compétiteurs et trop souvent, des clients.

Pour autant les nouveaux modèles partagent en commun une vision plus ouverte, plus partagée de la donnée. Elle est vécue comme un fluide, comme un facteur d’échange.

Dans le monde digital, des normes comme les API se sont imposées pour en faciliter la fludité. Sur les réseaux sociaux, il est ainsi très aisé d'interconnecter ses comptes et donc ses données. Relier ses application de cartographie, Waze, avec son compte Facebook, ses cartes de crédit, pour disposer d’une identification unique ou mémoriser ses trajets.

L’enjeu n’est donc plus d'hyper-contrôler la donnée et d’en empêcher son échange mais, au contraire, d'en faciliter son échange pour inventer de nouvelles expériences et de nouvelles formes de valorisation.

Voilà la révolution qu'il convient d'intégrer : non pas une révolution au sens où il s'agit de faire table rase d’un passé, mais une révolution au sens copernicien du terme. Un changement d’axe, de perspective. Il convient de comprendre que le monde ne tourne plus autour de la banque, mais que la banque tourne autour du monde. Il importe d'intégrer la réalité opérationnelle qu’impose la déflation des coûts de traitements de la donnée et changer radicalement notre rapport à la donnée.

Il n'est pas impossible qu'une ou plusieurs banques traditionnelles prennent un leadership fort en matière d'expérience bancaire de demain.

Pour cela il existe une voie. Un chemin difficile, exigeant, mais qui à l’évidence sera celui de la banque de demain. Faire le choix de l’ouverture radicale et de la transformation culturelle.

Il n'est pas impossible qu'une ou plusieurs banques traditionnelles prennent un leadership fort en matière d'expérience bancaire de demain. Mais il convient d'emblée, de ne pas avoir la prétention de postuler - apriori- des services qui seront demain plébiscités par les clients. Mais plutôt de créer les conditions pour que l’intelligence et l’innovation se structurent et se développent autour des données et de ses clients, et donc de l'Expérience plutôt que de l'Offre. 

Sans doute le plus difficile consister à faire évoluer la culture d’entreprise ; car déclarer que l'on n'a pas peur risque en soit de ne pas être suffisant. Créer une culture de la mise en abime, arrêter de s'en tenir à la compliance, récompenser ceux qui auront échoués après avoir essayé, est un préalable. Un modèle projet, granulaire, applati est à cet égard une condition qui n'est pas optionnelle. C'est en soit une sorte de falaise en apparence infranchissable pour le monde bancaire, tant la culture de l'ordre, de la hiérarchie, des grades, y est présente.

Après, peut-être mise en oeuvre une stratégie de données : les ouvrir pour permettre à un écosystème de partenaires d’inventer de nouvelles expériences et de nouveaux services bancaires, par exemple. Puis construire des briques de programmes qui permettent à un écosystème de partenaires et de développeurs d'accéder aux données pour y construire les services de la banque de demain. De même adopter le format standard d’échanges de données qui fondent le succès de Facebook et d’Amazon, les API comme un modèle d’échange imposé et standardisé. 

A cela, il conviendra d’ajouter une culture de l’expérience, totalement tournée vers l’utilisateur et prenant en compte l’ensemble des fonctions et parties prenantes. 

A ce préalable, il convient d'ajouter 7 chantiers prioritairement :

  1. Une nouvelle norme d’échange des données : les API. A l’instar de ce qu’Amazon a fait il y a maintenant dix ans dans l'e-commerce, imposer le standard du web au monde de la banque. Faire en sorte que dans un délai court (1 à 2 ans) toute l'entreprise puisse exposer ses données et leurs fonctionnalités via des interfaces de services (API). Les équipes interne devront communiquer entre elles via ces interfaces. Comme Amazon, il convient d'interdire toutes formes de communication inter processus entre les données. Aucun lien direct, pas de modèle de mémoire partagée, pas de porte arrière. La seule communication autorisée entre les données doit se faire via des API. Et cela doit être externalisable : les banques sont les championnes des usines à gaz technologiques et des projets tunnels. Ce n'est pas injuste d'affirmer qu'elles réinventent la roue en permanence. Pour sortir de cette logique, elle doivent imposer que chaque interface de service, sans exception, doit être conçue de façon à être externalisable à tout moment. Les services doivent être planifiés et conçus pour être exposés à des développeurs extérieurs.
  2. Une langue commune au travers de référentiel commun.
  3. La transformation culturelle par la prise de conscience et la formation. La data transformation est aussi un enjeu de ressources humaines. Nous devons faire prendre conscience à chaque collaborateur de l’enjeu qui se cache derrière les données. Créer un choc culturel en mettant en place des programmes de formation à la data transformation, en animant des conférences qui dépassent l’univers bancaire. 
  4. La question éthique et réglementaire. Il ne sert à rien de freiner sur les enjeux réglementaires. Les consommateurs vont vouloir des règles fortes pour encadrer le traitement de la donnée. L’industrie agroalimentaire doit s’adapter à un consommateur plus exigeant qui veut moins de produits chimiques et plus de traçabilité. Demain, émergeront dans l’univers de la Data, des labels équivalents à celui de l’agriculture biologique dans l’alimentaire. Aux banques d’être prêtes et de devancer ce mouvement. Il convient par exemple de créer un comité d’éthique avec des acteurs du monde logiciel libre, des philosophes et des banquiers qui font figure d’autorité.
  5. L'ouverture en créant des partenariats avec les universités, d’autres startups et pourquoi pas, les GAFA.Toutes les banques devraient investir en postulant cet enjeu. Elles proposeraient des partenariats à la marge de leurs activités. En systématisant l’usage des API, en permettant à des développeurs extérieurs d'accéder à nos données, elles pourraient définir assez finement le niveau d’exposition qu’elles peuvent accepter, et cela à géométrie variable selon les champs. 
  6. Le reporting pour tous. Créer des tableaux de bord permettant à leurs utilisateurs de mieux comprendre les processus dont ils ont la charge : des reportings qui ne partent pas des données mais des problèmes qu’ils rencontrent. Il convient d’aller plus loin et de massifier l’automatisation des solutions de reporting, faciles à comprendre et à déployer. Permettre à chaque collaborateur d’avoir en sa possession les indicateurs qui l’aident à piloter et à comprendre sa performance est clef pour améliorer notre excellence opérationnelle.

7. L’expérience (UX) comme maître étalon. Trop souvent l’on part de l’offre en espérant que cela soit apprécié. Une approche expérimentielle tache de prendre en compte l’ensemble du processus de l’usager. Essayer d’intégrer une visite d’appartement, une simulation de crédit, une organisation de déménagement, un processus notarial, etc. plutôt que de conserver chacun à sa place et de préserver une expérience client fragmentée. En quoi cela a t-il a voir avec l’expérience digitale? Beaucoup dans la mesure où tout cela peut être mesuré, connecté et amélioré. 

adeline Gaidot

senior relatiponship manager

7y

Très bon article, beaucoup de vérités, peut être eut-il été bon d'insister sur le mode organisationnel de la banque qui est fondé sur la défiance et non sur la confiance.

Marie-José Hallouin

Consultante Manager B2DIGIT

7y

Merci pour votre article très clair. Je vais partager dans un autre secteur proche qu'est l'assurance.

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Souleymane SORO

Travailleur indépendant du secteur Avocats

7y

Bon article mais il aurait ete plus interessant que vous definissiez les termes comme GAFA, API et autres qui sont dans le texte et ce pour la comprehension des profanes du domaine IT. Merci

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Pierre Marc Jasmin

Consultant senior / conférencier / auteur

7y

Merci M. Babinet. Excellent article à partager avec mes collègues du Canada.

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