Peuple ingrat,

Hier, je m’adressai à toi, Peuple égyptien, par ces mots : « Je vous ai compris ».

Je déplorais tes morts, tes martyrs, et ces pauvres chameaux mis à mal par toi-même sur la place Tahir qu’ils étaient venus libérer de tes miasmes et tes phantasmes.

Je Te promettais de châtier les coupables, ces méchants qui se réclamaient de Moi.

Rien de tout cela n’a touché ton cœur de pierre, de pneus et de barricades, Peuple ingrat.

Tu as continué à me vouloir du mal et non du bien. De la haine et non de l’amour.

Tu as continué à sentir mauvais après dix jours place Tahir sans rentrer te doucher chez toi, comme je t’y avais invité.

J’ai dû quitter mon palais présidentiel pour échapper à ton odeur qui arrivait jusqu’à moi, gâchant mes dernières heures à la tête de l’Egypte, à ta tête, Malodorant que tu es.

Je suis parti pour Charm El Cheik, au bord de la mer Rouge.

Viendras-tu jusque-là troubler ma retraite ? M’obligeant une fois de plus à te faire tirer dessus, rougiras-tu de ton sang impur la Mer Rouge, me privant par ta faute de ses bains bienfaisants ? Car je me baigne, moi. Je prends des bains, moi. Je sens bon, moi.

Viendras-tu, Fils ingrat, m’obliger de te compter les comptes des Mille et une nuits, tout ce temps que j’ai passé trente ans durant, père de famille attaché aux siens, moi ton Père, Toi ma famille, à amasser un pécule suffisant pour mes vieux jours ?

Je ne te demande rien, moi. Aucun compte, aucun dédommagement pour le chagrin que tu me fais. Rien pour le déménagement du Caire à Charm.

Pourquoi me demanderais-tu, toi, de te dédommager ? De quoi donc, grands Dieux ? Ces quelques sous que j’ai mis de côté en Suisse, à Londres, à Paris, à Dubaï, je ne sais plus où ?  Ces trois fois rien de milliards que j’ai là dans mon mouchoir ? Le pouvoir suprême à ta tête, si lente un jour, si turbulente le lendemain, est-il un pur apostolat ?  Ne m’embête pas avec ces broutilles ! En quoi as-tu besoin de mon argent, toi qui vis si simplement avec un dollar par jour tout au long de l’année ? Non, je n’irai pas te corrompre, Peuple frugal, avec de l’argent que tu n’aurais pas gagné. Retourne travailler maintenant que tu t’es joué de moi, et gagne durement ta galette à la sueur de ton front !

Et puis, toi aussi, ingrate Armée !

Armée choyée, armée aimée, armée galonnée.

Sur qui je comptais pour mettre fin aux désordres, libérer la place de la Liberté de ses libérateurs.

Tu m’as trahi, Armée.

Tu as refusé de nettoyer les Malodorants. Tu as pactisé avec les Tahir. Tu les as laissé grimper sur ton char, l’orner de leurs drapeaux, le caresser comme une femme qu’on importune en pleine rue et qui se laisse faire.

Tu t’es voulue populaire. Tu t’es voulue arbitre. Tu ne sais plus ta force, Ô Armée castrée par un peuple séditieux qui méritait punition. Armée aux ordres de l’étranger, de tes bailleurs yankees, de ce maudit Démocrate qui me comblait hier encore de belles paroles.

J’ai prononcé ce discours fatal, que Tu n’as pas su entendre, Peuple révolté, Peuple ivre.

J’avais préparé, sache-le, mes arrières. Une part de l’Armée m’était fidèle, me soutiendrait. Ma Garde présidentielle. Mes services secrets. Mes Moukhabarats. Tous étaient prêts. Ils renverseraient en quelques heures le cours maudit des choses. Balaieraient les Tahir.

La machine était prête. Tu rentrerais dans l’ordre, Peuple turbulent. Ta liberté me serait soumise. Tu ne te grandirais plus au-dessus de toi-même, peuple insensé, peuple mineur et sans tête. Ton corps sans tête retrouverait le Pharaon que je suis après tant d’autres, sans lequel tu ne sais toujours pas depuis quatre mille ans te mouvoir sagement, docilement, dans l’ordre rigoureux des choses et des hiérarchies, toi en bas et moi veillant sur Toi de haut.

Tout cela n’aura pas été. A peine mon discours prononcé et mes fidèles prêts à se mettre en branle, leurs fusils armés, qu’un commando de l’infidèle Armée a surgi dans mon Palais et s’est emparé de moi.

On est toujours trahi que par les siens.

Oubliez-moi tous. Oublie-moi, Peuple privé de moi. Adieu Egypte orpheline.

L’oubli est la tombe des Grands Chefs. J’étais un Grand. Un très Grand.

4 Commentaires

  1. On peut faire mieux. En ressortant « La meute » de Yann Moix avec Moubarak a la place de Polanski, il doit y avoir un moyen de faire un bon gros merdier planetaire.
    Ca vous dirait un petit stage de mediation Zen au Tibet…voyez, la bas tout en haut de la montagne…

  2. Que répondre à un dictateur! Rien, il a toujours sa conviction pour lui, chaque peuple à son dictateur au Pouvoir ou en herbe, un Sarko, un Le Pen…
    Perdre du temps avec eux certainement pas… Un jour le peuple reprend sa Liberté!!!
    Vive la Liberté, vive l’Egalité, vive la Fraternité!
    Vive les pays de liberté et des droits de l’homme et des citoyens.