Les nombreux défis pour un jet franco-allemand
Réaliser un avion de combat franco-allemand exigera de lever bien des obstacles et ne peut être qu'un projet à long terme.
Par Anne Bauer
Pour marquer leur nouvelle volonté de coopérer dans la défense, Paris et Berlin dressent un catalogue à la Prévert de toutes « les capacités militaires » dont les deux pays pourraient se doter ensemble. Ainsi s'inscrivent-ils dans la nouvelle logique entérinée lors du dernier conseil européen, qui prône la création d'un fonds européen de défense pour encourager les projets communs et obliger ainsi les industriels à se regrouper.
Parmi cette liste, certaines coopérations sont déjà en préparation comme la « collaboration relative à un système majeur de combat terrestre ». Depuis le rapprochement entre Nexter et KMW pour former le groupe KNDS, le projet est bien de concevoir le char terrestre commun qui remplacera à l'horizon 2030 les Leopard allemands et les Leclerc français. Autre exemple de projet déjà prévu : la rénovation à mi-vie de l'hélicoptère de combat Tigre, fabriqué par Airbus Helicopters. Le communiqué évoque aussi la collaboration dans la surveillance militaire de l'espace, l'imagerie spatiale, la cybersécurité, et la mise au point d'une liste commune de recherche duale dans le cadre du futur Programme européen de recherche et de défense.
Agacements chez Dassault
Mais pour les observateurs, le pas le plus important est bien la volonté politique affichée de « développer un système de combat aérien européen, sous la direction des deux pays, pour remplacer leurs flottes actuelles d'avions de combat sur le long terme ».« C'est une nouvelle dont on ne peut que souligner la portée, s'enthousiasme Christian Mölling, directeur adjoint de l'Institut allemand de politique étrangère (DGAP). Si elle est suivie de faits, cette décision signifie que l'industrie européenne d'armement sera pérennisée. »
Sa mise en oeuvre pose nombre de questions. La France est équipée de Mirage et de Rafale récents de chez Dassault et n'a, a priori, pas besoin d'une nouvelle génération d'avions avant 2040. Elle est d'ailleurs engagée avec la Grande-Bretagne dans un ambitieux programme pour mettre au point le futur système de combat aérien, une collaboration entre Dassault et BAE essentiellement.
De son côté, l'armée allemande se prépare, à l'horizon 2025, à la fin de son avion de combat Tornado, tandis qu'elle exploite les Eurofighter réalisés en consortium avec Airbus, BAE et Leonardo, plus récents mais peu performants dans les attaques air-sol. Berlin a donc demandé à Lockheed Martin des informations sur l'avion de chasse américain F-35, déjà choisi par un bon tiers des pays européens. Ce qui a le don d'énerver Dassault. L'Allemagne hésite à s'équiper de F-35, car cela ferait d'Airbus le grand perdant de l'affaire. Le groupe, qui voit approcher la fin des livraisons des Typhoon d'Eurofighter, a désespérément besoin de nouveaux projets pour rester dans la course des jets militaires.
Anne Bauer